Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Dans mon chapeau...

Dans mon chapeau...
13 février 2010

Naufrage complet!

"Danse avec la vie" de Zoé Valdés41pcnFCf9SL__SL500_AA240_
½ étoile

Gallimard/Du monde entier, 2009, 279 pages, isbn 978207014213

(traduit de l'Espagnol par Albert Bensoussan)

C'était la dernière étape de mes retrouvailles avec Zoé Valdés, auteur des mois d'octobre et novembre 2009 sur Lecture/Ecriture. Ou comment ne pas finir en beauté...

Dans la première partie de "Danse avec la vie", l'histoire d'une romancière en mal d'inspiration s'entrelace à l'intrigue du roman qu'elle est en train d'écrire, et que la quatrième de couverture nous présente comme le récit d'un triangle amoureux impliquant deux danseurs et un photographe, même s'il s'agit plutôt d'un polygone dont j'ai fini par renoncer à compter les côtés. Se voulant d'abord érotique, ce roman dans le roman change ensuite de genre, se faisant policier puis historique, au gré des souhaits de son futur éditeur suspendu aux caprices de la mode, et tout en s'entremêlant de façon de plus en plus étroite à la vie de sa créatrice jusqu'à ce qu'une seconde partie de "Danse avec la vie" ne vienne tenter (!?) de remettre l'ensemble en perspective...

Voilà de quoi planter rapidement le décor d'un billet dont je ne sais, au fond, comment l'entamer. La bonne éducation voudrait en effet qu'on ne dise pas qu'une chose - disons par exemple, les choux de Bruxelles - est mauvaise, mais plutôt qu'on n'aime pas cette chose parce que les goûts et les couleurs, n'est-ce pas... Mais ceci dit, je suis d'avis que lorsque les choux de Bruxelles ont été si bien cuits, recuits et rerecuits qu'ils sont complètement desséchés et carbonisés, on a parfaitement le droit de dire qu'ils sont mauvais sans autre forme de procès. Et telle est bien la situation dans laquelle je me trouve au moment de refermer "Danse avec la vie". Roman où j'ai cru reconnaître, ça et là, des figures déjà croisées dans d'autres livres de Zoé Valdés, mais qui se trouvent ici réduites à des silhouettes sans épaisseur, et où l'érotisme parfois cru mais toujours si sensuel qui était l'une des marques de fabrique de la romancière cubaine cède la place à des pages entières d'une pornographie aussi vulgaire que dénuée de toute sensualité.

En un mot comme en cent, je ne vois rien à sauver du naufrage. Rien de rien: pas un personnage, pas une phrase, pas une formule un peu originale et qui m'aurait tapé dans l'oeil. En fait, après une telle lecture, il ne reste plus qu'à passer à autre chose. Et vite!

D'autres livres de Zoé Valdés, dans mon chapeau: "Soleil en solde", "Une Habanera à Paris", "L'éternité de l'instant" et "Café Nostalgia".

Publicité
11 février 2010

L'apothéose de la danse (bis)

"To the ones I love", chorégraphie de Thierry Smits
sur des musiques de Jean-Sébastien Bach

Théâtre Royal de Namur, le 6 février 2010

C'est sans doute une étrange coïncidence si les deux spectacles de danse vus cette saison au Théâtre Royal de Namur pourraient tous deux être sous-titrés "l'apothéose de la danse", alors même qu'ils nous offrent deux visions radicalement opposées. S'ouvrant sur quelques mesures de la septième symphonie de Ludwig van Beethoven, "Neige " de Michèle-Anne de Mey ne cesse ensuite de tendre vers de plus en plus de dépouillement, des gestes mesurés, contraints et réduits à une épure, tandis que, tout à l'opposé, "To the ones I love" nous offre un hymne à la liberté et à la beauté des corps en mouvement, sans autre programme ou fil conducteur que celui proposé par les musiques de Jean-Sébastien Bach, et leur énergie tantôt débridée tantôt méditative.

Alors, même si on en est réduit aux suppositions concernant les dédicataires de ce spectacle, ces gens que Thierry Smits aime, on peut se risquer sans trop de danger au jeu des hypothèses: Jean-Sébastien Bach sûrement, dont la musique se voit merveilleusement incarnée, et pour autant que la chose soit possible, magnifiée par les mouvements des danseurs; les danseurs, aussi, touchés par la grâce et littéralement libérés de la pesanteur; et le public, enfin, du moins j'aime à le croire, qui se voit offrir "To the ones I love" comme un merveilleux cadeau...

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur

Article de Jean-Marie Wynants dans Le Soir

10 février 2010

"Où étaient les mots pour le dire?"

"Le vent qui siffle dans les grues" de Lídia Jorge51BQjlBXiQL__SL500_AA240_
4 étoiles

Métailié/Suite portugaise, 2009, 439 pages, isbn 9782864246794

(traduit du Portugais par Geneviève Leibrich)

Milene a l'esprit lent, très lent, "un cerveau voué à ne jamais embrasser la totalité" (p. 251), incapable d'à la fois ressentir les choses et trouver les mots pour les dire. Mais elle a aussi le coeur au bon endroit. Et en cette fin d'été caniculaire, alors que dona Regina Leandro, sa grand-mère qui avait toujours pris soin d'elle, vient de mourir, ses oncles et ses tantes se retrouvent inéluctablement partagés entre l'irritation que suscitent en eux les limites intellectuelles de leur nièce - causes pour eux de bien des soucis si elles font aussi de la jeune fille une proie facile à leur rapacité - et un respect dont ils se défendent tant bien que mal pour "sa logique sans logique, sa sagesse dénuée de science, son intuition proche de la raison, mais éloignée de son axe central (...), quelque chose d'indéfinissable chez les êtres humains, de réfractaire à la connaissance, d'inaccessible à la parole (...), une chose au-delà des mots et des vies ordinaires." (p. 430)

C'est que pendant ces ultimes semaines de grande chaleur, puis les longs mois où la famille de Milene se cherche un nouvel équilibre suite à la disparition de l'aïeule, le regard de la jeune fille, ce ressenti qu'elle peine à dire mais que Lídia Jorge nous restitue au plus serré, d'une écriture sensuelle et maîtrisée - et surtout la chaleur qu'elle trouve auprès des Mata, véritable tribu cap-verdienne à laquelle dona Regina avait loué les bâtiments de l'ancienne conserverie qui avait autrefois assuré la fortune de sa famille - agissent comme un révélateur de la dureté des siens, tellement préoccupés de préserver leur statut, et de ne pas rater le train du développement immobilier d'une côte encore sauvage. Les paysages âpres et magnifiques de l'Algarve, parcourus par le vent et les embruns marins, inondés de toutes les couleurs des musiques cap-verdiennes, offrent d'ailleurs un écrin aussi superbe que menacé à ce récit tout à la fois implacable et lumineux d'un drame, étouffé en définitive sous une lourde chape de silence.

Extrait:

"Si Milene pouvait, elle ne demanderait rien à personne, elle ne dirait rien à personne, elle ferait seulement ce que la nature et la vie exigeaient d'elle. Le monde était à parachever, la vie à construire, à nettoyer, à mettre en ordre, à conserver et à servir. Si elle pouvait. Mais elle ne pouvait pas, elle ne se trouvait pas assez dégourdie. En revanche, elle pouvait ne pas ajouter de mal ni de ténèbres là où elle savait qu'il y en avait déjà. Elle pouvait ne pas contribuer à créer de la douleur. Elle ignorait ce qu'était le mal, mais elle savait ce qui faisait mal. Du mal elle connaissait les effets, pas les racines. Même si elle ne pouvait pas le dire. Car si elle avait des mots, elle pensait à autre chose et ne ressentait plus tout cela. Elle aurait voulu être lucide, elle aurait voulu que sa tête soit illuminée de part en part, qu'y règne la clarté et l'intelligence, mais elle savait qu'il n'en était pas ainsi. Dans sa tête, comme sur une piste d'autos-tamponneuses, les néons s'éteignaient et s'allumaient par intermittence, avec des intervalles, des zones remplies d'ombre, des cratères de non-sens. Quand certaines zones s'éclairaient, d'autres plongeaient dans l'obscurité. Un cerveau voué à ne jamais embrasser la totalité. Où étaient les mots pour le dire?" (p. 251)

7 février 2010

"Laisse-toi d'abord surprendre."

"Le dieu des cauchemars" de Paula Fox9782070787289
4 étoiles

Joëlle Losfeld/Arcanes, 2006, 248 pages, isbn 2070787281

(traduit de l'Anglais par Marie-Hélène Dumas)

Il a fallu la nouvelle de la mort de son père, parti de la maison treize ans auparavant, pour qu'Helen Bynum se décide enfin à quitter le motel qui leur permettait, sa mère et elle, de vivoter chichement. Et surtout pour qu'elle se décide à quitter sa mère, qui pendant treize ans n'avait pas cessé d'attendre, en vain donc, le retour de son mari, dans une atmosphère étouffante.

Pour l'essentiel, "Le dieu des cauchemars" est le récit de sa découverte du monde alors qu'elle s'est installée à La Nouvelle-Orléans où vit sa tante, une ancienne actrice tombée dans la déchéance et dans l'alcool, n'emportant comme seule leçon de son enfance que ce conseil de son père: "Essaye d'aller vers ce qui est nouveau avec autant d'innocence que tu le peux – laisse-toi d'abord surprendre." (p. 51) Et pour l'essentiel, sa nouvelle vie sur les bords du Mississippi est effectivement une vie pleine de surprises, tissées de nouvelles amours, de nouvelles amitiés – avec le poète Gerald Boyd et sa compagne Catherine chez qui Helen loue une chambre, avec Claude et Nina... C'est une vie heureuse, malgré la guerre qui a commencé en Europe et qui menace aussi les Etats-Unis, malgré la maladie dont souffre Gerald et les soucis d'argent récurrents.

Dressant un tableau si vivant et savoureux de la bohême du quartier français dans les années 1940, "Le dieu des cauchemars" est à plus d'un égard un livre lumineux et un vrai bonheur de lecture. Mais c'est aussi un livre qui ne brûle ses cartouches que dans ses toutes dernières pages, fonctionnant somme toute comme les poèmes de Gerald dont Helen avait pu dire: "[Ils] ne ressemblaient à rien de ce que j'avais lu. Courts, de huit ou dix lignes, ils ne rimaient pas. Ils étaient comme de petites explosions dans des pièces nues, et le dernier vers avait comme un effet retard sur moi, celui qui vous fait voir soudain d'une façon tout à fait différente quelque chose que vous pensiez avoir définitivement compris." (p. 104) C'est par son épilogue qui nous invite à remettre en question toute l'interprétation que l'on pouvait en avoir jusque là, que "Le dieu des cauchemars" révèle enfin sa construction en tous points exemplaire, une vision bien plus sombre que ce que le regard, sans doute quelque peu naïf, d'Helen nous avait permis de percevoir... et sa véritable richesse.

Extrait:

"Le soir quand il est chez lui, il boit toujours quelque chose avant d'aller se coucher. Il ne dort pas bien. Il boit debout, très solennel, dans la cuisine. Je l'ai vu avec un grand verre rempli d'un liquide trouble comme de la fumée. (...) J'ai posé la question à Claude. Et il m'a expliqué que c'était une libation au dieu des cauchemars.
- Rien d'étonnant, après ce que tu viens de me raconter.
- Non, pas du tout. Il ne veut pas s'empêcher de faire des cauchemars. Au contraire, il en réclame, mais il n'en veut que pendant son sommeil.
- Et il en fait? ai-je demandé.
- Presque chaque nuit. Il espère qu'il n'y en aura pas dans sa vie éveillée, et maintenant il m'inclut dans ce souhait."
(pp. 147-148)

L'avis d'Yvon

Et d'autres livres de Paula Fox, dans mon chapeau: "Côte ouest" et "Les enfants de la veuve"

6 février 2010

Hiératique et figé

18740179_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20070206_030816"La cité interdite" de Zhang Yimou,
avec Gong Li et Chow Yun-Fat

Adaptant de la pièce "L'orage" du dramaturge chinois Cao Yu tout en en transposant très librement l'action sous le règne de la dynastie Tang, Zhang Yimou nous propose ici un film qui frappe dans un premier temps par ses décors et ses costumes somptueux, les dorures et les couleurs sursaturées qui flirtent continuellement avec l'éblouissement.

Mais las! L'intrigue de ce drame sanguinaire qui n'a rien à envier aux chefs-d'oeuvre les plus gore du théâtre élisabéthain - voyez "Titus Andronicus" ou "La duchesse d'Amalfi" - ne décolle jamais vraiment. Et l'impression qui domine est finalement celle d'un film de bout en bout hiératique et figé, alors même que tout ce petit monde s'entre-étripe joyeusement (et que ceux qui ne s'entre-étripent pas s'entre-empoisonnent). Les mouvements de masse des grandes scènes de bataille, confinant à l'abstraction, permettent sans doute de comprendre pourquoi Zhang Yimou s'est vu confié la mise en scène de la cérémonie d'ouverture des J.O. de Pékin, mais vraiment pas ce qui lui vaut d'être considéré comme un des grands cinéastes chinois d'aujourd'hui: pour cela, cherchez plutôt du côté de "Vivre!" ou du "Sorgho rouge"...

Une fiche très complète consacrée à "La cité interdite" sur wikipedia.

Publicité
4 février 2010

"Séismes intérieurs"

"Après le tremblement de terre" d'Haruki Murakami414E2H9B38L__SL500_AA240_
4 étoiles

10/18, 2007, 158 pages, isbn 9782264033796

(traduit du Japonais par Corinne Atlan)

C'est le grand tremblement de terre de Kobé – plus de 6000 morts et 40000 blessés le 17 janvier 1995 – qui amena Haruki Murakami, alors installé aux Etats-Unis, à rentrer au Japon. Et dans ce recueil de nouvelles – son premier livre publié après son retour au pays -, l'écrivain japonais nous livre six parcours peut-être pas très différents de ce qui fut le sien, six histoires dont les héros voient leurs vies peu ou prou bouleversées dans la foulée de ce tremblement de terre.

Les deux premières nouvelles – "Un ovni a atterri à Kushiro", le récit des quelques jours de vacances que Komura passe dans le Hokkaido alors que son épouse vient de le quitter soudainement et de demander le divorce, et "Paysage avec fer", portrait d'un groupe de personnages quelque peu paumés que le destin a rejetés sur une plage déserte – m'ont laissé malgré leur charme un petit goût de trop peu, de pas tout à fait achevé. Mais je me suis par la suite de plus en plus laissée prendre au jeu des autres nouvelles. Les développements oniriques de "Tous les enfants de Dieu savent danser" et de "Crapaudin sauve Tokyo" ont su me surprendre à l'égal des passages les plus étonnants de "Chroniques de l'oiseau à ressort" ou de "Kafka sur le rivage". Quant à "Thaïlande" et "Galette au miel", ces deux récits nettement plus réalistes sont aussi très touchants, retraçant la prise de conscience et d'une certaine façon la libération de deux héros qui s'étaient laissés prendre au piège, l'une par la haine, l'autre plus simplement par ses hésitations interminables...

Extrait:

"Junpei reprit l'avion, rentra à Tokyo, retourna à sa vie habituelle. Il n'alluma plus la télévision, ne lut pas les journaux. Quand on parlait du tremblement de terre, il se taisait. C'était l'écho d'un passé lointain qu'il avait enterré il y a trop longtemps. Il n'avait même pas remis les pieds dans cette ville depuis sa sortie de l'université. Pourtant, les scènes de dévastation entrevues sur l'écran de la télévision espagnole avaient ravivé une blessure profondément enfouie en lui. Cette catastrophe d'une ampleur inégalée, qui avait fait de nombreuses victimes, semblait avoir transformé tous les aspects de sa vie, sans bruit, mais de fond en comble. Junpei ressentait une profonde solitude, inconnue jusqu'alors. «Je n'ai pas de racines, se disait-il. Je ne suis relié à rien.»" (p. 149)

D'autres livres d'Haruki Murakami sont présentés sur Lecture/Ecriture.

3 février 2010

Une famille décomposée

"Mon petit soldat" de Polly Stenham,
avec Marie-Line Lefèvre, Anaël Snoek et Laurent Micheli
dans une mise en scène de Tanya Lopert

Atelier Théâtre Jean Vilar, Louvain-la-Neuve, le 29 janvier 2010

En se faisant renvoyer du pensionnat - elle s'était rendue complice d'un bizutage qui avait mal tourné -, Mia a irrémédiablement amené jusqu'au point d'implosion une vie familiale hautement instable: son frère Henri - le petit soldat du titre, c'est lui - avait déjà décroché de l'école pour rester à la maison et prendre soin de leur mère alcoolique, leur père les ayant abandonnés pour refaire sa vie et fonder une nouvelle famille à l'autre bout du monde.

Le grand déballage du linge sale familial qui forme la matière de "Mon petit soldat" peut certes donner une petite impression de déjà-vu. Mais la maîtrise de la construction, et surtout l'efficacité et le naturel des dialogues, ne peuvent que susciter l'admiration pour cette première pièce d'une jeune dramaturge britannique qui faisait ainsi des débuts fracassants. Ce texte d'une grande qualité est en outre admirablement servi par des comédiens qui jouent, avec beaucoup d'intelligence, juste un cran en-dessous de ce que l'on pourrait attendre, nous menant insensiblement vers un climax qui n'en est que plus fort.

Après une série de représentations à Louvain-la-Neuve, ce spectacle est actuellement proposé au théâtre de La Valette, à Ittre, et en tournée à Ath et Malmédy. Et il vaut la découverte...

Présentation de la pièce sur le site de l'Atelier Théâtre Jean Vilar 

2 février 2010

Au bord de l'eau (1) - Carnet de Stockholm (13)

Longeant la côte Nord de Djurgården, le sentier de Rosendalsvågen offre une vue magnifique jusqu'au Musée Nordique et aux beaux immeubles de Strandvågen.

IMG_1329

Le Musée Nordique, Djurgården, Stockholm (Cliché Fée Carabine)

31 janvier 2010

Embrumé, enfumé et (très) alcoolisé

"Le carnet noir" de Ian Rankin41XY2TN6ZJL__SL500_AA240_
4 étoiles

Gallimard/Folio policier, 2008, 465 pages, isbn 9782070410781

(traduit de l'Anglais par Michèle et Frédéric Witta)

Si l'inspecteur John Rebus - héros récurrent des romans écossais de Ian Rankin - a déjà amplement fait ses preuves, c'est la première fois que je me glisse dans ses pas, prenant en quelque sorte le train en marche avec ce roman situé bien avant dans la série de ses enquêtes. Mais cela ne m'a pas gênée le moins du monde, même si l'on sent bien qu'il y a tout une histoire, tout un passé en jeu ici. Entre John Rebus et sa tendre amie d'abord, le docteur Patience Aitken, qui lassée de ses retours tardifs et surtout très imbibés, le flanque carrément à la porte de leur appartement dans les premières pages du roman. Entre John Rebus et certains de ses collègues de la police d'Edimbourg ensuite, et tout particulièrement Brian Holmes, dans le coma après un passage à tabac qui a mal tourné. John Rebus se contenterait d'ailleurs volontiers de mener l'enquête sur cette seule agression – enquête qui le renvoie du reste à un meurtre commis des années auparavant et resté non élucidé -, mais les voies de la Providence et surtout celles tout aussi impénétrables de ses supérieurs hiérarchiques ont pour lui de toutes autres visées...

Ajoutez donc une planque longue et fastidieuse afin de coincer un baron de la pègre locale, une agression bizarre dans une boucherie, un pédophile récemment remis en liberté, et le retour inattendu dans la vie de John Rebus de son frère-prodigue, et vous comprendrez qu'on n'a aucune raison de s'ennuyer à la lecture de ce "carnet noir" qui n'a pourtant rien d'un de ces romans policiers speedés et à l'action trépidante. Non, il s'agit bien plutôt d'un de ces polars à atmosphère, une atmosphère embrumée à souhait dans les brouillards écossais, enfumée et vraiment très alcoolisée ainsi qu'il se doit lorsqu'une enquête vous fait visiter un pub d'Edimbourg après l'autre. Et ma foi, je dois bien avouer que lorsque l'affaire est bien menée – ce qui est le cas, sous la plume de Ian Rankin -, j'aime à m'encanailler de temps à autre dans ces parages mal fâmés. Et en bref, j'en redemande!

D'autres livres de Ian Rankin sont présentés sur Lecture/Ecriture.

30 janvier 2010

Le goût des mots

"S-h-a-k-e-s-p-e-a-r-e. Ça avait un goût de noisettes, on avait la sensation de casser des noisettes avec sa langue. Il y avait de l'inquiétude dans ce mot, comme dans un accord indissoluble. S-h-a-k-e-s-p-e-a-r-e."

Torborg Nedreaas, "Musique d'un puits bleu", Cambourakis, 2009, p. 52 (traduit du Norvégien par Régis Boyer)

Publicité
Dans mon chapeau...
Publicité
Archives
Publicité