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Dans mon chapeau...
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30 novembre 2009

Pochade un peu grasse

"Soleil en solde" de Zoé Valdés51NYMJEHACL__SL160_AA115_
2 ½ étoiles

Mille et une nuits, 2000, 61 pages, isbn 284205461x

(traduit de l'Espagnol par Carmen Val Julián)

Zoé Valdés, auteur des mois d'octobre et novembre 2009 sur Lecture/Ecriture, c'est pour moi l'occasion de renouer le fil de lectures entreprises il y a maintenant un peu plus de dix ans, en compagnie notamment du "Néant quotidien" et de "La douleur du dollar" qui m'avaient fort impressionnée. Et histoire de reprendre contact, voici d'abord un tout petit livre publié aux éditions Mille et une nuits.

Dans cette longue nouvelle inspirée par un documentaire de Nestor Almendros, cinéaste cubain mort en exil, Zoé Valdés fait converger vers un bout de plage, sur les côtes d'une île improbable, toute une galerie de personnages tout aussi improbables qui s'y retrouvent pour – quoi d'autre? – se marcher joyeusement sur les pieds et s'écrabouiller mutuellement les orteils, d'ailleurs de plus en plus violemment.

Une bonne touche d'érotisme et une ironie au vitriol font partie des marques de fabrique de Zoé Valdés, et on ne sera pas étonné de les retrouver ici. Mais c'est que, dans "Soleil en solde", tout cela est bien gros et gras, et par-dessus le marché servi très cru... A croire que l'auteur souhaitait démontrer le point de vue d'un de ses héros, Priapo Matamoros qui, souffrant de priapisme, comme son nom le laisse deviner, vit parmi les baigneuses aux maillots de la largeur d'une ficelle un véritable enfer: "Sur un fragment de plage, pour peu qu'il se remplisse de monde, la vie se met à nu de façon si crue qu'elle fait peur à voir." (p. 14)

La plaisanterie a du moins le bon goût d'être courte, et on sourit ici ou là, largement même devant le feu d'artifice final. Reste que "Soleil en solde" n'a rien d'un élément indispensable de la bibliographie de Zoé Valdés.

Extrait:

"Son mari la trouva très sexy appuyée contre la Vespa, qu'il enfourcha aussitôt. Elle l'imita en plaçant Ververano entre eux. Le voyage fut un délice, le vent fouettait son visage, en rejetant en arrière ses cheveux ébouriffés, le soleil chauffait son décolleté et ses reins cambrés ruisselaient de sueur et de désir. Ils parvinrent à destination au point du jour, la plage était déserte, le soleil blanchissait le sable d'où la mer, semblable à une assiette bleu-vert au loin, s'était retirée. Quand les pieds délicats de Reina s'enfoncèrent dans les mottes chaudes pleines de touffes d'herbes piquantes, elle ne put réprimer un profond soupir de contentement, après avoir aspiré à pleins poumons la puanteur marine mêlée aux divers effluves de la pollution." (pp. 13-14)

D'autres livres de Zoé Valdés, dans mon chapeau: "Une Habanera à Paris", "L'éternité de l'instant", "Café Nostalgia" et "Danse avec la vie"

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27 novembre 2009

L'Histoire en marche

"Pas de liberté sans solidarité (Marzi, tome 5)" de Sylvain Savoia et Marzena Sowa
5 étoiles

Dupuis, 2009, 48 pages, isbn 9782800144672 516jpw21zdL__SL500_AA240_

Les célébrations du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin l'ont rappelé, en accordant à Lech Walesa une place d'honneur: l'effondrement du bloc de l'Est avait commencé en Pologne où des mouvements de grève lancés à l'été 1988 avaient mené à la légalisation de Solidarnosc puis à de premières élections (partiellement) démocratiques. Mais tout cela s'était passé dans un calme relatif, et les événements de novembre 1989, plus spectaculaires, l'ont supplanté dans les mémoires.

C'est tout justement dans cette période commençant à l'été 88 et se poursuivant jusqu'à la disparition de l'URSS et l'effondrement complet du bloc de l'Est que ce cinquième tome des aventures de Marzi nous permet de nous replonger. La grande histoire s'y arroge une part plus importante que dans les volumes précédents, et à travers les yeux d'une enfant qui "absorb[e] tout, [se] laiss[e] imbiber de tout sans que les gens s'en aperçoivent..." (p. 19), elle retrouve toute la charge d'émotions, d'euphorie mais aussi d'inquiétude, de l'instant vécu.

L'humour et la tendresse des précédents épisodes de cette évocation du quotidien d'une petite fille en Pologne communiste sont toujours bien présents. Ce cinquième tome n'a donc rien perdu de ce qui faisait le charme de cette série - décidément excellente -, tout en amenant quelque chose de neuf: plus de maturité peut-être car son héroïne grandit, et elle prend conscience de ce que rien, vraiment, n'est tout blanc ni tout noir...

Extrait:

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Les épisodes précédents:

"Petite carpe (Marzi, tome 1)"
"Sur la terre comme au ciel (Marzi, tome 2)"
"Rezystor (Marzi, tome 3)"
"Le bruit des villes (Marzi, tome 4)"

26 novembre 2009

La culpabilité des survivants

18805598_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20070906_093945"Un secret" de Claude Miller,
avec Mathieu Amalric, Patrick Bruel, Cécile de France et Ludivine Sagnier

C'est une excellente surprise que ce film de Claude Miller, adaptation du roman éponyme de Philippe Grimbert (que je n'ai pas lu) portée par des acteurs tout simplement parfaits dans l'émotion et dans la sobriété.

L'histoire du jeune François, découvrant à l'adolescence une page soigneusement occultée de son histoire familiale - qui le ramène aux sombres années de guerre et au génocide commis par les nazis -, aurait pu se prêter à un traitement tire-larme, débordant de pathos ou de bons sentiments. Fort heureusement, il n'en est rien: le film de Claude Miller est très humain, très juste et très beau. Et si je suis à présent plus qu'hésitante à aborder le roman de Philippe Grimbert, au moins pour le moment, c'est seulement parce que je ne peux plus imaginer un autre visage à ses héros, et que le film trop présent à mon esprit risquerait d'en occulter le texte...

24 novembre 2009

De la difficulté à vivre et à mourir

"Un homme obscur" "Une belle matinée" de Marguerite Yourcenar4142E42TEXL__SL500_AA240_
4 étoiles

Gallimard/Folio, 1998, 228 pages, isbn 2070388344

Fils d'un charpentier hollandais, embauché aux chantiers maritimes de Greenwich et fixé en Angleterre, Nathanaël est l'homme obscur du titre: un homme ordinaire en somme, confronté à la très ordinaire difficulté à vivre, seul ou au milieu de ses semblables, puis à la difficulté à mourir. En cela, il n'est guère différent des autres héros célèbres de Marguerite Yourcenar que sont Hadrien ou Zénon. Mais si les années de formation que Nathanaël a passées d'abord auprès du maître d'école de Greenwich, qui voulait faire de lui son assistant, puis comme correcteur dans l'imprimerie de son oncle Elie à Amsterdam, ont fait de lui un lettré, ce n'est que de justesse, et cet homme obscur est bien loin de traîner l'abondant bagage philosophique et intellectuel de l'empereur ou du philosophe. Aussi, le regard attentif qu'il pose sur le monde et sur ses frères humains reste-t-il toujours ancré dans les réalités du monde sensible. Marguerite Yourcenar s'explique d'ailleurs dans sa postface, avec une clarté et une concision parfaites, au sujet de la genèse de son personnage: "L'idée première du personnage de Nathanaël est à peu près contemporaine de celle du personnage de Zénon; de très bonne heure, et avec une précocité qui m'étonne moi-même, j'avais rêvé de deux hommes, que j'imaginais vaguement se profilant sur le fond des anciens Pays-Bas: l'un, âprement lancé à la poursuite de la connaissance, avide de tout ce que la vie aura à lui apprendre, sinon à lui donner, pénétré de toutes les cultures et de toutes les philosophies de son temps, et les rejetant pour se créer péniblement les siennes; l'autre, qui en un sens «se laisse vivre», à la fois endurant et indolent jusqu'à la passivité, quasi inculte, mais doué d'une âme limpide et d'un esprit juste qui le détournent, comme d'instinct, du faux et de l'inutile, et mourant jeune sans se plaindre et sans beaucoup s'étonner, comme il a vécu." (pp. 217-218)

L'auteur ayant si justement dépeint son personnage, il n'est pas besoin d'ajouter de longs commentaires, sinon pour souligner qu'à travers les yeux de Nathanaël - éveillés par quatre années de voyages au long cours qui l'emmenèrent jusqu'aux Amériques, et plus sensibles finalement aux beautés de la nature qu'à celles de la littérature - Marguerite Yourcenar nous offre quelques évocations admirables de "son" île des Monts-Déserts ou encore des rivages frisons – et l'occasion de rappeler à quel point la romancière aimait ces paysages sauvages qui semblaient ne pas encore avoir été touchés par l'homme.

Le long récit qu'est "Un homme obscur" se voit ici accompagné par un autre texte beaucoup plus bref – "Une belle matinée" – qui nous entraîne à la rencontre de Lazare, le fils supposé de Nathanaël et de Saraï, la prostituée juive dont il avait un temps partagé la vie. Resté orphelin très jeune, élevé dans la maison de sa grand-mère putative, Mevrouw Loubah, et initié aux subtilités de l'art dramatique par un comédien anglais séjournant chez cette dernière, Lazare ne rêve rien tant que d'arpenter les planches à son tour. Et nous faisons sa connaissance en ce matin précis où le jeune garçon s'apprête à se sauver de chez son aïeule pour rejoindre une troupe d'acteurs en tournée aux Pays-Bas et au Danemark, au moment, donc, où il se trouve à l'aube d'une nouvelle vie qui l'amènera – peut-être – à jouer tous les rôles du théâtre élisabéthain et, tour à tour homme ou femme, jeune ou vieux, victime ou criminel, à tout expérimenter...

Extrait:

"Nathanaël s'émerveillait que ces gens, dont il ne savait rien un mois plus tôt, tinssent maintenant tant de place dans sa vie, jusqu'au jour où ils en sortiraient comme l'avaient fait la famille et les voisins de Greenwich, comme les camarades de bord, comme les habitants de l'Ile Perdue, comme les commis d'Elie et les femmes de la Judenstraat. Pourquoi ceux-ci et non pas d'autres? Tout se passait comme si, sur une route ne menant nulle part en particulier, on rencontrait des voyageurs eux aussi ignorants de leur but et croisés seulement l'espace d'un clin d'oeil. D'autres, au contraire, vous accompagnaient un petit bout de chemin, pour disparaître sans raison au prochain tournant, volatilisés comme des ombres. On ne comprenait pas pourquoi ces gens s'imposaient à votre esprit, occupaient votre imagination, parfois même vous dévoraient le coeur, avant de s'avouer pour ce qu'ils étaient: des fantômes. De leur côté, ils en pensaient peut-être autant de vous, à supposer qu'ils fussent de nature à en penser quelque chose. Tout cela était de l'ordre de la fantasmagorie et du songe." (p. 93)

Un autre livre de Marguerite Yourcenar, dans mon chapeau: "En pèlerin et en étranger"

Et d'autres livres encore sur Lecture/Ecriture.

23 novembre 2009

Une révolte fourvoyée

"Lorenzaccio" d'Alfred de Musset,
dans une mise en scène d'Antoine Bourseiller

Atelier Théâtre Jean Vilar, Louvain-la-Neuve, le 20 novembre 2009

Idéaliste, intransigeant, et si terriblement jeune et vulnérable, tel est Lorenzo de Médicis dont le cousin, le duc Alexandre fait régner sur Florence une terreur sanglante. Brutal, débauché, pervers, vicieux - aujourd'hui on le qualifierait sans doute de pédophile -, celui-ci est devenu pour ses sujets, et surtout pour le parti républicain florentin mené par Philippe Strozzi, un tyran sanguinaire à abattre à tout prix. Et de fait, le prix que Lorenzo est prêt à payer - pour pouvoir approcher son cousin sans défense et lui régler son compte - est terrible: s'insinuer dans les bonnes grâces du souverain en partageant sa vie de débauche. Jusqu'à se déconsidérer complètement aux yeux de l'aristocratie florentine. Jusqu'à ce que le masque du débauché lui colle irrémédiablement à la peau, toute honte bue et ses idéaux enfuis...

C'est curieux comme l'on peut parfois partir à la découverte d'un spectacle poussé par une vague curiosité plutôt que par un réel enthousiasme - et un peu par la nécessité de compléter un abonnement - pour se retrouver cul par-dessus tête, chamboulé par ce qui se révèle en définitive comme l'une des plus belles surprises de la saison. Ce fut le cas d'un magnifique concert de l'ensemble Phoenix, au programme du festival de Wallonie. Et ce fut le cas, encore, de ce Lorenzaccio né de la plume d'Alfred de Musset dont le romantisme parfois un peu plaintif ne m'a jamais particulièrement attirée, et dont l'"Andrea del Sarto", monté il y a quelques années au Théâtre Royal de Namur, ne m'a laissé qu'un souvenir assez mitigé.

Mais dans la lecture aussi intense que dépouillée qu'en livre Antoine Bourseiller, bien loin de rester cantonné en  un vague mal-être égocentrique, "Lorenzaccio" se révèle avant tout comme un drame social et politique: le drame d'un idéalisme qui se dévoie en une action violente et finalement inutile. Atteignant ainsi à l'intemporel, la pièce de Musset apparaît du même coup parfaitement actuelle, et d'autant plus bouleversante qu'elle fait l'économie du pathos. Une excellente surprise et un vrai coup de coeur!

Présentation du spectacle sur le site de l'atelier théâtre Jean Vilar.

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21 novembre 2009

Une traversée des instincts fauves

"Le régiment noir" d'Henry Bauchau51PD0ZjKMCL__SL500_AA240_
4 étoiles

Labor/Espace Nord, 1992, 425 pages, isbn 2804007669

Le régiment noir, c'est le premier du nom, celui qui fut formé par des affranchis et des esclaves fugitifs, engagés au service des armées nordistes pendant la guerre de Sécession. Mais si le roman d'Henry Bauchau nous entraîne bel et bien à travers les grandes batailles de la guerre civile américaine, de Bull Run à Gettysburg et à l'incendie d'Atlanta, ce n'est pas un roman historique. Le lecteur est d'ailleurs prévenu d'entrée: ici, rien n'est vrai. Et la matière du "régiment noir" est le passé qu'un fils, dans la tranquillité d'une petite ville brabançonne - "ses maisons de brique, ses maisons de pierre et la vie, un peu tiède, un peu manquée" (p. 188) - rêve pour son père au mépris de la vérité factuelle et même de la chronologie la plus élémentaire, puisque ce père, en réalité, n'est venu au monde que bien après la fin de la guerre civile.

Récit rêvé, et où le rêve tient d'ailleurs une place cruciale, guidant continuellement les héros et leur dictant même, à la veille de la bataille de Gettysburg, la stratégie qui leur assurera la victoire, "Le régiment noir" apparaît bien plutôt comme un roman initiatique dont les héros - le jeune Pierre, père rêvé du narrateur, et ses compagnons d'armes – se voient formés insensiblement par la confrontation avec d'autres façons d'être au monde, celles des racines africaines, oubliées puis retrouvées, et celles des amérindiens qu'incarne la figure un peu magicienne, tout à la fois bienveillante et dangereuse, de Shenandoah. Au coeur des horreurs de la guerre et de ses impulsions mortifères, c'est aussi le récit d'une traversée des instincts les plus primitifs, qui culmine, déjà, dans la rencontre de l'homme avec les grands fauves, les lions qui réapparaîtront plus tard, reprenant le même rôle, dans le très beau récit intitulé "Diotime et les lions".

Roman psychanalytique, écrit à l'issue de la seconde analyse de l'auteur menée en compagnie de Conrad Stein, roman nourri déjà de toute la puissance du mythe, "Le régiment noir" n'atteint pas à la force ni à l'étrange sentiment d'évidence d'"Oedipe sur la route", d'"Antigone ou de "L'enfant bleu" qu'il préfigure pourtant à bien des égards. Mais s'il ne s'impose que très progressivement, et s'il peut en effet paraître moins abouti que les oeuvres ultérieures d'Henry Bauchau, "Le régiment noir" n'en distille en fin de compte qu'un trouble plus intense, doublé d'un réel pouvoir de fascination. Et l'on aurait bien tort de croire ce récit d'une colère qui cesse d'être souterraine et d'une révolte contre l'ordre bourgeois, froid et calculateur, complètement déconnecté du monde où il a vu le jour. Après tout, ainsi que le souligne justement Myriam Watthee-Delmotte dans la lecture qui complète cette édition du "régiment noir", ce n'est sans doute pas un hasard si Henry Bauchau entreprit l'écriture de ce qui devait devenir son deuxième roman en 1968.

Extrait:

"Les hommes épuisés qui se couchaient hier n'importe où, se redressent, se rassurent, le choc des armes les excite, le mouvement des ordres et le martèlement des pas les entraînent. Nous ne sommes plus dix, plus cent, plus mille. Nous sommes dix mille, vingt mille, trente mille qui allons dans le même sens, qui voulons la même chose. Matin, masse, puissance, le chant est le bord des lèvres, la plaisanterie jaillit, les intestins s'apaisent, le coeur est riche et rapide. Sur le seuil de la caverne, l'esprit blessé hésite encore un instant entre le doute et l'impatience. Le corps tranche cet état insupportable, d'un coup de masse il jette son poids dans la balance. La gorge profère sourdement des sons, des cris: En avant, à la baïonnette et autres fariboles, mais sous ces manifestations de détresse, Pierre entend que le corps en a pris son parti et qu'il y a longtemps, oui, très longtemps, qu'il est intérieurement en marche. Pour aborder l'ennemi, le mordre, l'abattre, lui couper son phallus. Et le coeur étreint déjà cette grande nature, blanche et carnivore, que le couteau devine pleine de sang." (p. 48)

D'autres livres d'Henry Bauchau, dans mon chapeau: "Diotime et les lions", "Déluge" et "La pierre sans chagrin"

Et d'autres encore sur Lecture/Ecriture.

18 novembre 2009

Le design dans tous ses états - Carnet de Stockholm (8)

IMG_1360rLe musée national,
Blasieholmen,
Stockholm

Petit musée, lorsqu'on le compare à ses collègues internationaux - le Louvre ou encore les National Gallery de Londres et d'Ottawa - le musée national de Stockholm ne manque pourtant pas d'arguments pour retenir l'attention des visiteurs, selon des lignes de force qui reflètent les politiques d'acquisition récentes mais aussi - surtout - les goûts, les intérêts et les passions des amateurs d'art qui lui ont légué leurs collections, tels le roi Gustave III ou le comte Carl Gustav Tessin. On pourra ainsi y admirer deux apôtres du Greco, quelques très belles toiles de Rembrandt et une remarquable collection de peintures françaises des XVIIIème et XIXème siècles. Mais ce sont sans doute les oeuvres des artistes suédois qui attireront le plus sûrement le regard du touriste venu d'ailleurs: des peintres paysagistes parmi lesquels l'on retrouvera August Strindberg, ou des peintres de la vie quotidienne, des scènes villageoises ou de l'intimité familiale tel, bien sûr, Carl Larsson.

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Carl Larsson, Pontus, Stockholm, Musée national (source)

Dans la section des arts appliqués, les cabinets de curiosité, les majoliques italiennes et les faïences de Delft donnent la réplique au design suédois du XXème siècle. Ces dernières salles recèlent de quoi satisfaire tous les goûts et les dégoûts, du beau et du pratique à l'extravagant et à l'horrible, de la production la plus courante (la cireuse électrolux de ma grand-mère ou du moins sa petite soeur, ou encore la table lack d'Ikea) aux objets les plus luxueux (le service à dîner des réceptions Nobel), sans oublier de superbes tissus d'ameublement.

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Tissu créé par Maija et Kristina Isola pour Marimekko (source)

Le site officiel du musée [en Anglais]

17 novembre 2009

Suce-pince implacable

19117470_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20090604_042604"Les 39 marches" d'Alfred Hitchcock,
avec Madeleine Carroll et Robert Donat

Film d'espionnage au suspense implacable, c'est sans doute le film le plus célèbre de la période anglaise d'Alfred Hitchcock et Arte ne pouvait manquer de clôturer en sa compagnie son cycle consacré au réalisateur britannique. Ceci dit, même si j'ai passé un très bon moment et si je me suis laissée prendre au jeu d'un scénario réglé de main de maître, j'avoue garder un faible pour les deux films précédents - "Correspondant 17" et "Sabotage" - qui m'ont paru pêle-mêle plus drôles, plus touchants, plus vivants... mieux servis, aussi, par des décors plus réalistes qu'une lande écossaise garantie pure carton-pâte. Mais tout de même, c'est à voir!

D'autres films d'Alfred Hitchcock, dans mon chapeau: "Pas de printemps pour Marnie", "Les amants du capricorne", "Soupçons", "Mr and Mrs Smith", "Correspondant 17", "Sabotage" et "Fenêtre sur cour"

16 novembre 2009

Une fatalité souriante

"La mort à Venise" de Thomas Mann md1022751011
4 ½ étoiles

Le livre de poche, 1971, 189 pages, sans isbn

(traduit de l'Allemand par Félix Bertaux et Charles Sigwalt)

"La mort à Venise" est sans doute l'un des textes les plus célèbres de Thomas Mann, un peu grâce au film que Luchino Visconti en a tiré, en 1971, avec Dirk Bogarde dans le rôle de Gustav von Aschenbach - un film qui m'est resté en mémoire comme une oeuvre contemplative, lente, mélancolique et même, disons-le, assez morbide. Des impressions très différentes en fait de celles que je viens d'éprouver à la lecture de cette nouvelle.

Certes, Gustav von Eschenbach, écrivain à la vie austère, bien rangée et toute entière engagée au service de son art, s'en vient à Venise poussé par une obscure fatalité qui ensuite l'y retiendra captif et le mènera à sa perte, foudroyé par la beauté presque surnaturelle d'un jeune adolescent. Mais sous la plume de Thomas Mann, cette fatalité se fait souriante, du moins dans les premiers temps, et les signes avant-coureurs du désastre, s'ils sont bien présents, restent plutôt discrets, quantités négligeables au regard de la vie que l'auteur allemand prête au monde intérieur de son héros, au lyrisme si séduisant de son écriture et à ce sentiment de bonheur et d'abandon que Gustav von Eschenbach retrouve ici, pour la première fois depuis longtemps: "S'agissait-il de chômer, de se livrer au repos, de se donner du bon temps, il sentait bientôt (et cela lui était arrivé surtout quand il était plus jeune) une inquiétude et un dégoût qui le ramenaient aux plus nobles efforts, à la sainte et austère servitude du travail quotidien. Seul ce lieu l'ensorcelait, débandait sa volonté, le rendait heureux." (p. 85)

C'est la fatalité encore qui offre un fil conducteur aux deux autres nouvelles, plus brèves mais tout aussi séduisantes, qui complètent cette édition de "La mort à Venise". Fatalité placée sous le signe musical du "Tristan et Isolde" de Richard Wagner, dans "Tristan" où se noue sur le fond de l'atmosphère feutrée d'un sanatorium une relation trouble entre l'écrivain Detlev Spinell et Gabrielle Klöteryahn, la jeune et fragile épouse d'un riche négociant lübeckois. Fatalité enfin réduite à son expression la plus simple et la plus pure – celle de la chute – dans "Le chemin du cimetière".

Extrait:

"Il ne s'était pas attendu à la chère apparition; elle venait à l'improviste et il n'avait pas eu le temps d'affermir sa physionomie, de lui donner calme et dignité. La joie, la surprise, l'admiration s'y peignirent sans doute ouvertement quand son regard croisa celui dont l'absence l'avait inquiété, et à cette seconde même Tadzio lui sourit, lui sourit à lui, d'un sourire expressif, familier, charmeur et plein d'abandon, dans lequel ses lèvres lentement s'entrouvrirent. C'était le sourire de Narcisse penché sur le miroir de la source, ce sourire profond, enchanté, prolongé, avec lequel il tend les bras au reflet de sa propre beauté, sourire nuancé d'un très léger mouvement d'humeur, à cause de la vanité de ses efforts pour baiser les séduisantes lèvres de son image, sourire plein de coquetterie, de curiosité, de légère souffrance, fasciné et fascinateur." (p. 98)

Un autre livre de Thomas Mann, dans mon chapeau: "La loi".

Et d'autres titres encore, sur Lecture/Ecriture.

13 novembre 2009

Du terrorisme et de ses conséquences tragiques

18869594_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20070907_032932"Sabotage" d'Alfred Hitchcock,
avec Sylvia Sidney et Oscar Homolka

Adaptation sobre et terriblement efficace du roman "L'agent secret" de Joseph Conrad, "Sabotage" nous fait partager quelques jours de la vie de Carl Verloc, dont les dehors de modeste propriétaire d'un petit cinéma londonien dissimulent bien mal l'engagement - qui d'ailleurs ne tarde pas à le dépasser complètement - auprès des milieux anarchistes. Les terroristes du début du XXème siècle, c'étaient eux. Et si la violence aveugle change de nom, ses conséquences tragiques, elles, ne changent décidément pas de visage. Carl Verloc et sa famille en feront la terrible expérience.

Oscar Homolka et Sylvia Sidney, interprétant respectivement Mr Verloc et son épouse, s'y révèlent tous deux de magnifiques tragédiens. Et la mise en scène d'Alfred Hitchcock offre un bel écrin à leur jeu très expressif, encore très proche des canons du cinéma muet mais d'une justesse irréprochable. C'est donc un autre très beau Hitchcock de la période anglaise que nous propose ici Arte dans son cycle consacré au maître du suspense!

D'autres films d'Alfred Hitchcock, dans mon chapeau: "Pas de printemps pour Marnie", "Les amants du capricorne", "Soupçons", "Mr and Mrs Smith""Correspondant 17", "Les 39 marches" et "Fenêtre sur cour"

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