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Dans mon chapeau...

Dans mon chapeau...
19 décembre 2009

Entre bonheur et frustration

"Une Habanera à Paris" de Zoé Valdés41NT6E10EXL__SL500_AA240_
4 ½ étoiles

Gallimard/Du monde entier, 2005, 111 pages, isbn 2070773434

(traduit de l’Espagnol par Claude Bleton)

Si elle est surtout connue chez nous comme romancière, Zoé Valdés était bel et bien entrée en littérature par le biais de la poésie et d’un premier volume, "Repuestas para vivir", publié à Cuba en 1986. Mais son oeuvre poétique est – et c’est malheureux – peu traduite en Français, à l’exception d’une anthologie ("Les poèmes de La Havane", Antonio Soriano, 1997) et d’un unique recueil traduit dans son intégralité ("Compartiment fumeurs", Actes Sud, 1999).

Rassemblant des textes tirés de cinq recueils datés entre 1986 et 2002 ("Repuestas para vivir", "Todo para una sombra", "Vagón para fumadores", "Cuerdas para el lince" et "Breve beso de la espera"), "Une Habanera à Paris" vient donc combler une véritable lacune, et me laisse, en bout de course, partagée entre bonheur et frustration.

Bonheur car j’ai retrouvé dans ces poèmes de Zoé Valdés tout ce que ses romans (comme "La douleur du dollar" ou "Café Nostalgia"...) offrent de meilleur: un univers bouillonnant où le tragique se mêle à la joie, et le plaisir à la douleur. J’ai retrouvé une écriture sensuelle, puissamment évocatrice, crue parfois mais toujours intensément vivante. Et frustration, bien sûr à l’idée de ne pouvoir savourer ici qu’une petite partie d’une oeuvre poétique qui a tout pour transporter ses lecteurs. Des textes brefs et encore assez classiques de "Repuestas para vivir" aux formes plus longues et libres qui s’imposent dans "Vagón para fumadores", on peut certes se risquer à deviner une évolution, tout comme l’on peut apprécier la place que l’Europe prend petit à petit, aux côtés de Cuba, au fil de très beaux textes inspirés par Arthur Rimbaud, Egon Schiele ou Paris dans les recueils les plus récents. Mais on en est réduit, vraiment, aux conjectures, à la curiosité et à la gourmandise face à une oeuvre qui échappe hélas encore largement aux lecteurs francophones. Chers éditeurs, à quand donc une traduction exhaustive de la poésie de Zoé Valdés ?

Extrait:

Pas même rien

Ecoute  il ne nous reste rien
Pas même ces bruits
Effrayants d’antan
Toi  l’assassin de l’audace
Tu aurais dû explorer mon visage
Bien que j’aie tout effacé
Les traces de la soif
L’excès des vérités
Ecoute  il ne reste rien
Pas même ce silence
De début de siècle
J’ai même effacé la nuit
Remplacée par une nuit plus durable
Par la douleur et le sang
C’est devenu une habitude
Même si personne ne pense à la douleur
Même si personne n’a l’audace de saigner
Ou presque de réfléchir à la mort
Ecoute  il ne reste rien
Et rien de nous.
(p. 91)

D'autres extraits de "Une Habanera à Paris", dans mon chapeau: "L'enfance était du pain chaud" et "Femmes des années folles".

Zoé Valdés était l'auteur des mois d'octobre et novembre 2009 sur Lecture/Ecriture.

D'autres livres de Zoé Valdés, dans mon chapeau: "Soleil en solde", "L'éternité de l'instant", "Café Nostalgia" et "Danse avec la vie" 

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17 décembre 2009

De grands enfants trop gâtés

"Tendre est la nuit" de Francis Scott Fitzgerald51ckfBYesjL__SL160_AA115_
4 étoiles

Le livre de poche, 2008, 415 pages, isbn 9782253052296

(traduit de l'Anglais par Jacques Tournier)

Lorsque Rosemary Hoyt a fait la connaissance de Nicole et de Dick Diver, sur une plage de la Riviera, elle est instantanément tombée sous le charme de l'atmosphère de raffinement, de luxe et d'oisiveté qui entourait ce couple si éloigné de ce qui constituait son monde habituel et sa vie de jeune actrice à l'aube d'une brillante carrière, tout entière centrée sur son travail. Tout au plaisir de la découverte, elle n'a tout d'abord rien deviné du lourd secret que cachaient ses nouveaux amis, un secret que la quatrième de couverture "lâche" bien malencontreusement mais que Francis Scott Fitzgerald, lui, nous dissimule jusque bien avant dans le déroulement de "Tendre est la nuit", se contentant de nous suggérer sa présence par de toutes petites touches d'une grande délicatesse. Une dispute au motif bien énigmatique qui met fin à une soirée, une liste de courses (qui a, à juste titre, retenu l'attention de David Lodge), quelques propos presque anodins tenus ici ou là, sont autant de signes, ténus puis de plus en plus clairs et menaçants, des failles qui courent sous la surface scintillante de la vie des Diver et de leur petit cercle d'intimes.

Au fil des pages et des points de vue qui changent au gré des trois sections de ce roman, le vernis des apparences se craquèle insensiblement laissant remonter au jour les souvenirs de la première guerre mondiale et les blessures familiales, l'amertume et le désoeuvrement de ces jeunes américains – la "génération perdue" - trompant leur ennui sur les routes européennes des années 1920. Tout le charme et l'intérêt de ce portrait de grands enfants trop gâtés, englués dans une vie de luxe et d'oisiveté, est là, dans l'élégance et le raffinement de la prose de Francis Scott Fitzgerald, dans son art subtil de la suggestion, et dans le mystère soigneusement entretenu, le secret si longtemps maintenu à l'état de simple pressentiment (et l'indiscrétion de la quatrième de couverture n'en est sans doute que plus regrettable...). Tout, ici, est dans la manière, l'art, le style. Et quel style!

Extrait:

"Elle était d'une telle naïveté que la fastueuse simplicité des Diver la touchait au coeur, incapable encore d'en saisir la complexité, le manque absolu d'innocence, incapable de deviner qu'il s'agissait pour eux d'un choix de qualité, et non de quantité, dans le clinquant de l'univers, et que cette assurance, cette simplicité, cette ouverture d'esprit, presque enfantine en apparence, la façon qu'ils avaient d'exagérer les qualités les plus banales, faisaient partie d'un marchandage désespéré avec les dieux, et n'avaient été obtenus qu'à la suite de violents conflits, qu'elle ne pouvait pas soupçonner." (p. 37)

Une autre génération perdue, celle des années 1980, s'anime sous la plume de Jay McInerney dans "Moi tout craché".

15 décembre 2009

Jeux d'enfants

"Rain - comme une pluie dans tes yeux",
par le Cirque Eloize

Théâtre Royal de Namur, le 10 décembre 2009

Inspiré par les souvenirs d'enfance du metteur en scène, Daniele Finzi, "Rain - comme une pluie dans tes yeux" déroule un fil ténu: un univers, le monde insouciant et grave des jeux de l'enfance, des histoires changeantes que l'on s'invente entre les lignes d'un spectacle mêlant cirque, musique et théâtre plutôt qu'une intrigue unique, écrite noir sur blanc.

La troupe québécoise du cirque Eloize y déploie une étourdissante multiplicité de talents, ses membres se révélant comédien(ne)s et poètes tout autant qu'athlètes complets pour nous offrir un très très beau moment, débordant d'émotions, d'humour et de poésie, en un équilibre perpétuellement instable entre grâce et dérision.

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur.

Un autre spectacle du cirque Eloize, dans mon chapeau: "iD"

14 décembre 2009

Kaboul au quotidien

19069708_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20090305_053723"Kabuli Kid" de Barmak Akram,
avec Hadji Gul

Kaboul après-guerre - pour autant que celle-ci soit vraiment finie -, à quelques instants à peine du début du couvre-feu, Khaled découvre que sa dernière cliente, soigneusement dissimulée sous une burqa bleue, a abandonné son bébé à l'arrière de son taxi.

Au long des trois jours de la quête de Khaled pour retrouver la mère du petit garçon, Barmak Akram nous offre tout à la fois un documentaire sur la vie quotidienne des Kaboulis, marquée par la débrouille et le système D, et une incursion dans la vie d'une famille ordinaire qui surnage de justesse. Khaled souffre de n'avoir que des filles, et l'arrivée d'un petit garçon - ne serait-ce que pour quelques jours - réveille dans sa maison familiale bien des sentiments enfouis. Le poids des traditions se fait là lourdement sentir, non sans se mêler au désir de changements.

Loin des simplifications faciles, Barmak Akram nous propose un portrait tout en demi-teintes et débordant d'humanité d'un monde encore un peu perdu, quelque part au milieu du gué... C'est sensible, touchant, et c'est à voir absolument pour porter sur Kaboul un autre regard que celui, toujours trop rapide et sélectif, des flashs infos.

13 décembre 2009

Mauve vénéneux

"Le ciel de Bay City" de Catherine Mavrikakis419NnwBRM_L__SL500_AA240_
4 1/2 étoiles

Sabine Wespieser, 2009, 294 pages, isbn 9782848050744

On pourrait croire à un roman - un de plus - de la banlieue nord-américaine. Dans ce cas, d'une banlieue étouffée sous les fumées des usines des grandes villes industrielles, toutes proches, que sont Flint et Detroit, sans rien de commun avec les quartiers bien plus cossus où Richard Ford avait trouvé le décor des aventures de Frank Bascombe*. La jeune Amy Duchesnay est du reste bien loin de partager la tendresse du héros de Richard Ford pour cette vie si bien réglée. Et le comfort matériel somme toute modeste qui semble faire le bonheur des siens ne la satisfait pas le moins du monde.

On pourrait croire, vraiment, se trouver face à un portrait tout à la fois extrêmement réaliste, concret et très critique de la banlieue américaine, dressée par une adolescente rebelle. Et l'effet n'en est que plus saisissant lorsque nous découvrons enfin qu'il s'agit de tout autre chose, et que bien loin de n'être qu'une adolescente ordinaire confrontée à des problèmes qui le sont tout autant, Amy est littéralement, violemment et même très concrètement, hantée par le passé que sa mère et sa tante, seules rescapées d'une famille juive française presque totalement exterminée par les nazis, avaient cru laisser derrière elles en émigrant aux Etats-Unis.

Sous le ciel mauve de Bay City, ce ciel vide, inhabité et pourtant irréductiblement bouché, Amy incarne l'inanité de la fuite, si loin qu'elle ait pu mener. En nous contant son histoire, Catherine Mavrikakis poursuit jusque dans ses derniers retranchements une entreprise de déconstruction du rêve américain qui ne laisse plus une seule pierre debout. Malgré quelques moments très durs, "Le ciel de Bay City" dégage pourtant une curieuse sensation d'énergie et de vitalité, qui m'a rappelé Thomas Bernhard ou Elfriede Jelinek, et cela même si l'écriture de Catherine Mavrikakis est bien plus sobre et classique que celle de la romancière autrichienne. "La vie est là tout le temps."  (p. 173) dans ce roman magistral qui fait l'économie de tout bon sentiment, et l'on en viendrait presqu'à se demander si c'est vraiment une bonne nouvelle...

Extrait:

"Depuis que je suis toute petite, je ne pense qu'aux détails. Au manteau qu'une petite Sarah portait en descendant du train qui l'emportait vers Auschwitz. A Peter, qui tout le long du trajet infâme, pleurait d'avoir laissé son chat Mutsi sans personne. Aux repousses blanches de cheveux pour lesquelles une de mes grands-tantes coquette devait s'inquiéter en passant sa main sous son chapeau. Dieu gît dans les détails, dit-on. Je ne le crois pas. Ce n'est pas Dieu que je retrouve dans les moindres faits et gestes des gens, dans leurs inquiétudes vaines, lorsque le plus terrible a eu lieu. Ce n'est pas Dieu qui est là, non, certes pas. C'est la vie, dans ce qu'elle a de plus bête et de plus vivant. La vie absurde qui continue à parler devant la mort, l'horreur, l'immonde. La vie est là quand le condamné va se faire trancher la tête et qu'il regarde le ciel magnifique, qu'il respire à pleins poumons l'air frais du matin. La vie est là quand les parents viennent de quitter leur enfant mort à l'hôpital et que soudain monte en eux le désir brûlant de faire l'amour.  La vie est là tout le temps. La vie est là quand après un accident de voiture, la merde sort du corps. La vie est là, toujours là. C'est une vraie saloperie qui nous quitte au tout dernier moment. Du moins, je l'espère." (pp. 173-174)

* Voir "Un week-end dans le Michigan", "Indépendance" et "L'état des lieux".

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9 décembre 2009

A la tombée du jour (1) - Carnet de Stockholm (9)

A la tombée du jour, la tour de la cathédrale se pare de chauds reflets rosés...

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La tour de la cathédrale au coucher du soleil, Stockholm (Cliché Fée Carabine)

6 décembre 2009

"La réconciliation de l'âme avec son corps sauvage"

"Diotime et les lions" d'Henry Bauchau51HQK21135L__SL500_AA240_
5 étoiles

Actes Sud/Babel, 1997, 61 pages, isbn 2760918386

Inéluctablement, la lecture du "régiment noir" – et tout particulièrement de cette scène extraordinaire où les hommes et les fauves chassent de concert – devait me ramener à l'histoire de Diotime et de son clan, une histoire que j'avais découverte pour la première fois dans la foulée des deux grands romans "grecs" d'Henry Bauchau.

Aux confins des mondes perse et hellénique, Cambyse et les siens s'affichent en effet comme les descendants des dieux lions, qu'ils affrontent chaque année au cours d'une guerre rituelle que suit une cérémonie de réconciliation des hommes et des grands fauves, "réconciliation - aussi - de l'âme avec son corps sauvage" (p. 23). Petite-fille de Cambyse, personnage secondaire des romans "Oedipe sur la route" et  "Antigone", où elle apparaît comme une figure bienfaisante, un peu magicienne, un peu guérisseuse, Diotime trouve dans ce bref récit un passé de très jeune fille rebelle et passionnée, déterminée à énoncer ses propres règles et à définir elle-même sa place dans la société. Elle se révèle par là le double d'Antigone, incarnant une même féminité teintée de sauvagerie autant que de douceur.

Mais relu à la lumière du "régiment noir", le destin de Diotime révèle d'autres accents. Et  dans sa recherche d'un accord entre la lignée fauve qui est celle de son père Kyros et de son grand-père Cambyse et "l'aspiration grecque à ordonner le monde à la mesure humaine" (p. 14) qu'incarnent sa mère et son fiancé Arsès, notre jeune héroïne apparaît comme celle qui mène à une étape ultérieure le cheminement qui fut celui de Pierre dans "Le régiment noir". Elle est celle qui, non contente de retrouver simplement la "terrible voix du sang" (p. 44), du sang qui "est mouvement, mouvement de la vie elle –même qui ne peut s'arrêter qu'à la mort" (p. 13), la ramène à plus de conscience et d'humanité.

Si dense et si riche, déjà, pour qui le découvre hors des repères de l'oeuvre d'une vie, "Diotime et les lions" apparaît ainsi, une fois recadré par l'évolution de son auteur, comme décidément inépuisable, à un point que sa brièveté et sa fausse simplicité ne peuvent laisser soupçonner...

Extrait:

"Tout à coup, j'ai su, une danse très lente s'est emparée de moi et elle était comme un chant. Un voile rouge et obscur s'est étendu sur mes yeux, je suis devenue sourde et j'ai été pénétrée par l'odeur du lion et par le goût de son sang sur mes lèvres. Je descendais en dansant la pente d'un temps très obscur, je traversais des millénaires et je parvenais jusqu'à l'antre des ancêtres, au milieu des dieux lions. Le sang du lion, mêlé au mien, me faisait entrer dans une dimension où il n'y avait plus de passé, plus de futur ni aucune séparation entre le fauve et moi, car la barrière de la mort était abolie. Parfois, pour quelques instants, je revenais à la conscience, à la vue, et je découvrais sans surprise que nous dansions tous, dans la grotte originelle d'où les dieux lions étaient sortis un jour pour nous mettre au monde et avoir enfin des adversaires dignes d'eux." (p. 21)

D'autres livres d'Henry Bauchau, dans mon chapeau: "Le régiment noir", "Déluge" et "La pierre sans chagrin"

Et d'autres encore sur Lecture/Ecriture.

5 décembre 2009

Très à l'Ouest...

Saule et les pleureurs,
Théâtre Royal de Namur, le 4 décembre 2009

Après deux albums sous leurs noms, et la B.O. du film "Cowboy" de Benoît Mariage, Baptiste Lalieu alias Saule et sa bande de pleureurs sont en train de passer insensiblement du statut d'étoiles montantes de la chanson française dans le Plat Pays à celui de valeurs sûres. Leurs petites musiques, entre tranches de vie intimistes et rengaines engagées, façon nouvelle chanson française - à la Bénabar, dont Saule a d'ailleurs assuré des premières parties - teintée de forts accents rock et blues, ont en tout cas fait salle comble au théâtre de Namur ce vendredi soir.

On ne se reconnaît sans doute pas à tous les coups dans ces balades filant droit à l'Ouest, mais on y adhère tout le temps tant l'énergie des musiciens est communicative et leur sens affirmé de l'auto-dérision bien sympathique. Sans oublier une mention spéciale à la mise en scène, imaginative, drôle, touchante et toujours au service des chansons... Une bonne et belle tranche de bonne humeur et d'énergie!

Le site officiel de Saule et les pleureurs

Et la présentation du concert sur le site du Théâtre Royal de Namur

3 décembre 2009

"Le maître des Passions"

"Rogier van der Weyden",
M Leuven
Du 20 septembre au 6 décembre 2009

Au terme de profondes transformations, doté d'un nouveau nom ("M Leuven"), le musée de la ville de Louvain a été inauguré le 20 septembre dernier. Et comment mieux marquer le coup que par une rétrospective consacrée à Rogier van der Weyden? Né à Tournai vers 1400, celui qui fut le peintre officiel de la ville de Bruxelles tout en jouissant des faveurs de la cour des ducs de Bourgogne, connut en effet un franc succès auprès d'une clientèle fortunée dans la ville brabançonne.

Si de nombreux éléments de la vie du maître nous restent inconnus, l'exposition du M offre une occasion rêvée de découvrir tout à la fois son oeuvre - fut-ce par l'intermédiaire de copies plus tardives ou de versions d'atelier - et son époque. S'ouvrant par une première salle consacrée aux témoignages de l'influence - et elle fut grande - que le maître exerça sur ses contemporains, l'exposition se poursuit au travers une série de salles thématiques évoquant successivement:

  • les portraits et diptyques de dévotion (dont certains se voyaient ici recontitués pour la première fois depuis des siècles)
  • les représentations de la Vierge à l'Enfant, et notamment celles de Saint-Luc dessinant la Vierge ou la 'Sacra Conversazione' importée d'Italie que Rogier van der Weyden contribua tout particulièrement à populariser.

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Rogier van der Weyden, Marie-Madeleine lisant (fragment d'une Sacra conversazione), Londres, National Gallery (source)

  • les dessins préparatoires
  • et bien sûr les Passions qui valurent au peintre tournaisien une réputation dépassant le cadre des frontières du plat pays, et auquel le très beau groupe sculpté de la Mise au tombeau de la collégiale Saint-Vincent de Soignies vient offrir un dernier écho.

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Rogier van der Weyden, Retable des Sept Sacrements, Anvers, Musées Royaux des Beaux-Arts (source)

Enfin, l'exposition se referme sur l'un des chefs-d'oeuvre incontesté de Rogier van der Weyden: le retable des Sept Sacrements peint pour Jean Chevrot, évêque de Tournai et proche conseiller du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Exposition tout à fait passionnante, faut-il encore le dire, parce qu'elle permet véritablement de se replonger dans la vie artistique du XVème siècle, et même si à y regarder de près les copies d'après l'oeuvre de Rogier van der Weyden ou les oeuvres d'atelier s'y révèlent bien plus nombreuses que les oeuvres originales du maître dont beaucoup sont perdues ou trop fragiles pour supporter d'être déplacées. Je vous la recommanderais chaudement... si je ne la savais pas quelque peu victime de son succès et complètement sold out jusqu'à son dernier jour.

Le site officiel de l''exposition.

Et celui du M Leuven.

2 décembre 2009

Un jardin, un jour en juin

"För trött att sova börjar han bygga en trädgård
eller närmast en ensam park och väljer en dag i juni
Där placerar han fyra vita gammaldags rottingstolar.
Han kallar på de innenboende och de kommer i ljusa kläder,
samlas kring bordet där lampan tänds och skymningen dröjer.
Där är barn som springer omkring och försvinner.
De aldre
lutar sig mot varandra, han hör inte vad de säger.
Så länge han ser dem lever de ännu när mörkret faller,
lätt, som det brukar i juni, tills ett stråkdrag av kyla
driver dem in i trappans mörker och parken åter är tyst.
Det som var och är efterlangtat fanns där och finns:
lampan lyser på bordet när han om morgonen vaknar."

"Trop fatigué pour dormir, il se met à bâtir un jardin
ou plutôt un parc solitaire, et choisit un jour en juin.
Il y place quatre chaises en rotin blanc à l'ancienne.
Il appelle les habitants qui s'avancent en habits clairs, s'assemblent
autour de la table, où la lampe est allumée et où le crépuscule
s'attarde. Des enfants courent autour et disparaissent.
Les aînés,
dont il n'entend pas les propos, se penchent les uns contre les autres.
Aussi longtemps qu'il les voit, ils vivent encore lorsque l'obscurité tombe,
légère, comme toujours en juin, jusqu'à ce qu'un coup d'archet de froid
les conduise au coeur des ombres de l'escalier et que le parc devienne
silencieux. Ce qui fut et qu'on regrette était là et s'y trouve encore:
la lampe brille sur la table quand, le matin, il s'éveille."

Bo Carpelan, "Dehors", Arfuyen, 2007, pp. 36-37 (traduit du Suédois par Pierre Grouix)

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