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Dans mon chapeau...
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2 juillet 2010

Métaphysique du quotidien

"Dehors" de Bo Carpelan,312CFlyAAbL__SL500_AA300_
5 étoiles

Arfuyen, 2007, 163 pages, isbn 9782845901025

(traduit du Suédois par Pierre Grouix)

C'est sans doute mon grand coup de coeur poétique de l'année écoulée que ce recueil, un des jalons les plus récents dans la déjà longue carrière de l'auteur finlandais – mais d'expression suédoise - Bo Carpelan. Voici donc un livre que j'ai pris, dévoré, déposé, repris, re-déposé et à nouveau repris, lu et relu maintes et maintes fois depuis l'été dernier, ne l'abandonnant que pour y revenir dès que les circonstances lui redevenaient favorables. Et ce n'est certes pas parce que la poésie de Bo Carpelan s'y révèle d'un abord difficile ou rébarbatif, mais bien parce dans sa clarté et sa transparence mêmes, cette poésie est d'une telle richesse qu'elle exige de son lecteur une vraie disponibilité de coeur et d'esprit pour n'en rien laisser perdre.

Les intentions déclarées de Bo Carpelan – "Ce que je cherchais, c'était une poésie claire, simple, portant l'empreinte d'une expérience et, dans sa clarté, sujette à plusieurs interprétations", une poésie "apparemment simple mais forte des bonheurs et des échecs de toute une vie" (p. 10) – dévoilent en effet au fil des pages de "Dehors" toutes leurs possibilités. Sa poésie se nourrit de menus faits de notre quotidien à tous, d'images on-ne peut-plus simples et concrètes – l'eau qui s'échappe en tourbillonnant par la bonde d'un évier, les feuilles mortes saupoudrant la pelouse – mais on y lit tellement plus que ce qui est écrit, et avec une telle évidence, que je n'ai pu m'empêcher de la rapprocher à plusieurs reprises de la poésie tout aussi métaphysique mais tellement plus abstraite de Roberto Juarroz. Mais rien ne sert que je continue à discourir plus longuement à son sujet, alors qu'elle parle si bien d'elle-même...

Extrait:

"Om man kunde vara lika öppen som ett sommarrum
där vinden osedd går och hallonsnårens sträva doft
i värmen stiger upp mot svalors lek och barnens –
om man kunde nöja sig med gräset, dagens distraktion,
och leva lite, ta till vara det som händer obeaktat,
i ekens lövverk någonting som rör sig, en känsla
av skymning mellan träden som tidigt fanns där.
Att utan oro veta hur de glada timmarna försvinner,
hur barnen gömmer sig, moln dyker upp, en båt
stöts up på viken, du vid årorna och jag på aktertoften."

"Si l'on pouvait être aussi ouvert qu'une chambre d'été où le vent
file inaperçu et où le parfum rêche du fourré de framboises se dresse
dans la chaleur vers les jeux des hirondelles et des enfants –
si l'on pouvait se contenter d'herbe, la distraction du jour,
et vivre un peu, profiter de ce qui arrive sans crier gare.
Dans le feuillage du chêne, quelque chose bouge, un sentiment
crépusculaire entre les arbres qui se trouvaient là de bonne heure.
Savoir confiant comment les heures du bonheur disparaissent,
comment les enfants se cachent, les nuages font surface, un bateau
accoste sur le bord de la baie, toi tenant les rames, moi sur le banc de nage."

(pp. 84-85)

D'autres extraits de "Dehors", dans mon chapeau: "Un jardin, un jour en juin" et "L'envol de l'hirondelle"

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