Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Dans mon chapeau...

Dans mon chapeau...
22 mars 2010

La poésie n'est pas un long fleuve tranquille

"Le livre canoë (poèmes et autres récits)" de Serge Delaive41TDJ718GYL__SL500_AA240_
4 étoiles

Editions de la Différence/Clepsydre, 2001, 138 pages, isbn 2729113568

Bien avant de se faire romancier et de signer avec son "Argentine" une vraie réussite du genre, Serge Delaive était poète. Mais un poète qui déjà contait des histoires. Un poète qui, entre les pages de ses livres, offrait déjà tout un monde à ses lecteurs.

A travers les quatre sections du "livre canoë" ("Parabellum", "Postures", "Antipoèmes" et "De la littérature"), à travers aussi une grand diversité formelle mêlant de longues séquence de vers libres à des poèmes courts dont la brièveté relève quasiment de l'instantané photographique ou encore à quelques textes en prose, Serge Delaive nous entraîne vers les horizons lointains de Vientiane ou de Buenos Aires où l'on croisera d'ailleurs quelques silhouettes qui réapparaîtront dans "Argentine". Tour à tour lyriques ou bien bousculés et comme heurtés par un sentiment d'urgence, ses vers nous immergent dans des histoires de fuite, de morts violentes, de suicide et d'abandon, flirtant avec le doute, les traîtrises de la mémoire et le sentiment, troublant au dernier degré, de l'impossibilité-même de la littérature. Et pourtant...

Décidément, sous la plume de Serge Delaive, la littérature et certainement la poésie n'ont rien d'un long fleuve tranquille. Et ce n'est certes pas le lecteur, tantôt déstabilisé, surpris, ému ou conquis, qui s'en plaindra...

Extrait:

Postures

(...)

La mousson renonce
à la terre ocre et détrempée
livrée désormais
au soleil carnivore
Les palmiers aréquiers
vigiles haut perchés
suent d'huile et du bétel
que l'on chiquera
en épiant les signes
avant-coureurs d'un
imminent typhon
qui trace déjà
larges gestes circulaires
en travers du ciel retiré
son lavis lourd et ses franges
aquatintes.

(...)

(Vientiane)
Le lent
l'indolent charme
de Vientiane en sarong
s'émiette par les mailles lâches
des heures qui pendouillent
se délitant jusqu'à l'usure
avant de glisser en vrilles paresseuses
à l'improviste
sur la nuit poussiéreuse.
(pp. 63-64 et p. 73)

Un autre extrait du "livre canoë", dans mon chapeau: "Sans doute".

D'autres livres de Serge Delaive, dans mon chapeau: "Argentine" et "Poèmes sauvages"

Publicité
20 mars 2010

Un bijou d'humour juif... et très très noir

19155581_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20090818_052013"A serious man" d'Ethan et Joel Coen,
avec Michael Stuhlbarg, Sari Lennick et Fred Melamed

Dès le moment où sa femme lui a annoncé qu'elle voulait le quitter, et divorcer religieusement afin de se remarier dans la foi avec un de leurs amis, la vie de Larry Gopnik, professeur de Physique pas encore titularisé d'une petite université américaine, a viré au cauchemar, ou du moins s'est métamorphosée en une invraisemblable accumulation de déboires. Tous semblent s'être ligués pour lui empoisonner l'existence, et l'empêcher de se voir pour ce qu'il voudrait être, un pilier de sa communauté, "a serious man": sa femme et l'amant de cette dernière, bien sûr mais aussi ses enfants ou son frère, sans parler de l'étudiant qui tente de le soudoyer ou du corbeau qui envoie des lettres calomnieuses au comité chargé de décider de sa titularisation.

Mais pour savoureuses qu'elles soient les péripéties du dernier film des frères Coen comptent finalement moins que son ton, flegmatique et délicieusement absurde, et que son impeccable sens du rythme. Cela ne se décrit pas, se résume encore moins. Mais cette transposition dans une tranquille petite ville américaine des contes (pas si) moraux, fantastiques et un peu inquiétants du shtettle est tout simplement irrésistible. Un pur régal d'humour très très noir jusque dans ses toutes dernières images.

D'autres films d'Ethan et Joel Coen, dans mon chapeau: "Intolérable cruauté", "Burn after reading" et "O'Brother, Where Art Thou?"

18 mars 2010

La perte du paradis

"Floraison sauvage" d'Aharon Appelfeld41321A7PFPL__SL500_AA240_
4 ½ étoiles

Editions de l'Olivier, 2005, 259 pages, isbn 2879294916

(traduit de l'Hébreu par Valérie Zenatti)

Reconnu comme l'un des grands romanciers israéliens d'aujourd'hui, Aharon Appelfeld est né en 1932 en Bucovine, région à présent partagée entre l'Ukraine et la Roumanie, au pied des Carpates. Et il retrouve avec cette "Floraison sauvage" sa terre natale, en un temps (au XIXème siècle?) que l'on peine à préciser, le seul repère temporel étant une allusion succincte à Napoléon, mais un temps en tout cas où la braise de l'anti-sémitisme continue à couver sous les cendres d'une tranquillité trompeuse.

Au sommet d'une montagne, les tombes d'une poignée de juifs qui prirent les armes, refusant de se laisser massacrer sans combat lors d'un pogrom, font office de lieu de pèlerinage et de rassemblement pour la communauté juive de toute la région. La garde de ce cimetière des martyrs est traditionnellement confiée, génération après génération, aux membres d'une seule et même famille dont les derniers représentants - un frère et une soeur, Gad et Amalia – mènent à l'époque qui nous intéresse une vie retirée dans l'enceinte du cimetière sur lequel Gad veille jalousement, redressant soigneusement les tombes que le ruissellement des eaux a fait pencher, maintenant à l'écart voleurs et profanateurs avec l'aide de ses deux chiens de garde.

Gad et Amalia sont jeunes encore. Ils vivent là protégés d’une certaine manière du monde extérieur mais, aussi, terriblement seuls. Et si le frère et la sœur vivent leur mission de façons très différentes – Amalia très instinctive, Gad dans la stricte observance de la Loi et de la Tradition -, les effets conjugués des longues nuits d’hiver, de la nostalgie de la vie dans la plaine, de la solitude et du slivovitz les font en fin de compte dériver l’un comme l’autre vers cette noire mélancolie contre laquelle leur oncle Arié, qui les avait précédé comme gardien du cimetière, les avait mis en garde - une mélancolie que certains théologiens chrétiens auraient sans doute nommée du nom d’acédie, ce vice si redouté des aspirants à la vie monastique – et vers un amour interdit.

Pas une seule fois, tout au long des pages de "Floraison sauvage", Aharon Appelfeld ne porte le moindre jugement sur ses deux héros. Se contentant de retranscrire, d’une écriture fluide et souvent sensuelle, leurs émotions, leurs actes et leurs paroles jusque dans leurs sophismes les plus appuyés, il nous offre une réécriture du mythe du péché originel et de la perte du paradis qui ne cesse jamais d’être aussi une histoire d’amour. Et il nous ouvre la voie de réflexions inépuisables sur la nature humaine, la véracité de l’expérience religieuse et la frontière ténue qui la sépare parfois de la folie et de la perversion.

Extrait:

"- Les rêves nous trompent et nous éloignent du chemin.
- De quel chemin? demanda Amalia. Ce qui le surprit.
- Mais ce qu'un homme est tenu de faire, bien sûr. Et nous grâce à Dieu, nous avons de quoi. Nous ne pouvons pas faire ce que la montagne fait, ce que les vieux font, mais nous pouvons offrir aux gens une tasse de café et une part de gâteau. C'est un service saint, je dirais.
Amalia le regardait. Elle comprenait chaque mot pris séparément, mais assemblés, ils ne lui plaisaient guère. Elle avait envie de dire: et notre solitude, notre nostalgie, ça ne compte pas?
- C'est ainsi, dit Gad d'une voix presque solennelle. Chacun son destin.
Et la conversation prit fin."
(pp. 47-48)

D'autres livres d'Aharon Appelfeld sont présentés sur Lecture/Ecriture.

17 mars 2010

"Sans doute"

En un dixième de seconde
un peu moins sans doute
mon enfance s'est plombée
sur une détonation
et depuis c'est elle que je cherche
à mesure que tous les jours
un peu plus sans doute
mon enfance m'échappe
et je l'ai traversée sur les continents
dans la foule et la solitude
aussi sur des ventres matriciels
et j'ai fouillé les angles du monde
à l'envers j'ai dormi dans le lit des secrets
qu'on épluche un à un le dernier découvrant
le suivant comme poupées gigognes
pour refluer au point de départ
où tout commence quand l'enfance
finit je n'ai rien trouvé sinon rien
on a beau jouer le jeu le jour
feindre que vivre au coin d'un sourire
on sait quand même qu'au milieu de soi
quelque chose à l'écart pourrit
et qu'à cette rapide moisissure
il est inutile de rétracter
la dernière consonne de détonation
parce que ça sonne le temps à peine
d'un dixième de seconde vous aviez un père
et le voilà en allé avec votre enfance
sur son épaule puis il faudra bien vivre
devenir père et simuler peut-être
de croire en la poursuite
d'un temps révolu disparu
au moment mécanique du revolver
le temps d'annuler le temps
un peu moins un peu plus qu'importe
des bras chauds un modèle
une exigence et la belle et pure folie
entre lesquels loger notre enfance
à côté du coffre aux trésors
de tout ce qui est à jamais
sans nul doute
perdu.

Serge Delaive, "Le livre canoë (poèmes et autres récits)", Editions de la Différence/Clepsydre, 2001, pp. 23-24

14 mars 2010

Une ambiance "fin de siècle"

"Les Maia" de José Maria Eça de Queiroz41RYW9NHFEL__SL500_AA240_
4 ½ étoiles

Chandeigne, 2002, 797 pages, isbn 2906462748

(traduit du Portugais par Paul Teyssier)

Unanimement considéré comme le grand œuvre de José Maria Eça de Queiroz, "Les Maia" est le roman d’une famille de l’aristocratie portugaise. Et plus particulièrement de l’amour impossible de son dernier rejeton, Carlos da Maia, un amour dont on devine du reste assez rapidement – alors que notre héros n’est encore qu’un gamin en culotte courte – quel interdit viendra le frapper. Mais cette intrigue sans grande surprise n’occupe à dire vrai qu’une part secondaire de ce gros livre, où le peu d’événements qui se produisent compte finalement bien moins que ce que José Maria Eça de Queiroz nous montre et qui ne se passe pas, l’absence d’événement porté à son paroxysme, l’immobilisme élevé au rang des beaux arts. Suivant Carlos da Maia et le petit cénacle artistique qu’il forme avec quelques amis – le musicien Cruges, le poète João da Ega, alter ego de l’auteur qui se dépeint là avec une bonne dose d’ironie -, José Maria Eça de Queiroz dresse en effet un portrait impitoyable de la bonne société lisboète des années 1870, de l’inertie de sa jeunesse, du cynisme de ses hommes politiques et des manœuvres de ses banquiers, dans une ambiance qui apparaît déjà et fut-ce prématurément comme très fin de siècle.

Déliquescence, lenteur et langueur, "luxe, calme et volupté" sont les maîtres–mots des descriptions qui grèvent ce roman, et qui ne vont pas sans quelques vraies longueurs. "Les Maia" – vous l’aurez sans doute compris – tomberont très vite des mains des amateurs d’action trépidante et de rebondissements en série. Mais d’autres lecteurs - dont je suis - se laisseront séduire par la prose élégante de José Maria Eça de Queiroz et par son tableau d’un Portugal enlisé à l’aube de la modernité, à la croisée des chemins entre une royauté autoritaire et une monarchie parlementaire qui peine à trouver sa voie: un tableau servi par une extrême minutie, alliant un grand raffinement à une rare subtilité et par là-même véritablement fascinant.

Extrait:

"Et il se remit à parler de l’événement de la veille, le fameux article de la Gazette. Il trouvait cela, comme il l’avait dit, purement et simplement insensé, et d’une flagornerie indécente. Ce qui l’affligeait, c’est qu’Ega, avec son talent, sa verve pétillante, ne faisait rien…
- Personne ne fait rien, dit Carlos en s’étirant. Toi, par exemple, que fais-tu ?
Cruges, après un silence, grogna en haussant les épaules:
- Si je faisais un bon opéra, qui me le représenterait ?
- Et si Ega faisait un beau livre, qui le lirait ?
Le maestro finit par dire :
- Ce pays est impossible !... Je crois que que moi aussi je vais prendre du café."
(p. 255)

D'autres livres de José Maria Eça de Queiroz sont présentés sur Lecture/Ecriture.

Publicité
13 mars 2010

Les seconds couteaux du cubisme

"El Cubismo",
Musée communal d'Ixelles,
jusqu'au 25 avril 2010

Ma deuxième visite* d'une exposition organisée dans le cadre de la présidence espagnole de l'Union européenne fut pour le musée communal d'Ixelles qui accueille pour l'occasion une très jolie sélection des chefs-d'oeuvre cubistes de la Fundación Telefónica de Madrid. Cette très belle collection privée comporte en effet un riche choix d'oeuvres relevant de ce courant: choix centré plus particulièrement autour de la personnalité de Juan Gris, peintre espagnol né à Madrid en 1887 et qui poursuivit l'exploration de la voie cubiste après que Pablo Picasso et Georges Braque - les pères fondateurs de ce mouvement visant à la représentation la plus objective possible du sujet sous toutes ses facettes et au moyen de formes géométriques simples - s'en soient désintéressés.

untitled

Juan Gris, Guitare et compotier, Fundación Telefónica, Madrid (source)

 

L'exposition du musée communal d'Ixelles s'organise en fait selon deux axes principaux, dont le premier fait la part belle au second souffle du cubisme en Europe, après 1917, en rassemblant autour de Juan Gris des personnalités aussi diverses que Natalia Gontcharova, Alexandra Exter, Albert Gleizes ou Auguste Herbin. Tandis que le second nous permet de découvrir les développements qu'a connu la peinture cubiste entre 1913 et 1940 en Amérique du Sud, où elle a pu se nourrir aussi de l'apport de l'art précolombien.

Xul_Solar

Alejandro Xul Solar, L'ombre du passant, Fundación Telefónica, Madrid (source)

 

Diversité est certainement le maître-mot pour dépeindre cette très belle exposition: diversité des palettes où les couleurs franches voisinent les ocres, gris et terre de Sienne, diversité des sujets aussi entre natures mortes, paysages et portraits. C'est à voir au musée d'Ixelles jusqu'au 25 avril 2010 (Notez que l'entrée au musée est gratuite pour toute la durée de cette exposition).

* La première exposition était celle des tapisseries tournaisiennes de Pastrana, aux musées royaux d'art et d'histoire.

Présentation de l'exposition sur le site du musée communal d'Ixelles.

Article dans Le Soir.

10 mars 2010

Décoiffant!

"Delirium tremens (Jack Taylor, 1)" de Ken Bruen 51M7FWPMAQL__SL500_AA240_
4 ½ étoiles

Gallimard/Folio policier, 2008, 384 pages, isbn 9782070320912

(traduit de l'Anglais par Jean Esch)

Il y a quelques semaines, j'avais titré mon billet consacré au "Carnet noir" de Ian Rankin "Embrumé, enfumé et (très) alcoolisé". Et ce, à ce qu'il me semble à présent, quelque peu imprudemment car si John Rebus a bel et bien le gosier plus en pente qu'il ne le faudrait pour la paix de son ménage, cela n'est rien, mais vraiment rien, en comparaison des problèmes d'alcoolisme de Jack Taylor. Des problèmes qui lui ont valu – et c'est que la chose semble vraiment extraordinaire - de se faire virer de la Garda Siochana, et de se retrouver à vivoter péniblement d'un boulot, non pas exactement de détective privé car "Il n'y a pas de détectives privés en Irlande. Les Irlandais ne le supporteraient pas. Le concept frôle de trop près l'image haïe du «mouchard». Vous pouvez faire quasiment n'importe quoi en toute impunité, à part moucharder." (p. 16), mais bien plutôt de préposé à la recherche des objets perdus, sorte d'ersatz terrestre de Saint-Antoine de Padoue.

Alors, bien sûr, comme tout polar qui se respecte, "Delirium tremens" comporte une enquête, Jack Taylor s'étant vu confier, par la mère de la victime, la mission d'investiguer le suicide suspect d'une adolescente. Mais ce n'est pourtant pas cette intrigue, finalement assez simple, qui m'a tenue scotchée à ma lecture, happée dans l'univers de Ken Bruen et incapable d'en sortir avant la dernière page (et même après... j'y serais bien restée...).

Car entre deux cuites, Jack Taylor a un autre vice, qu'il confesse d'ailleurs assez volontiers: "J'étais devenu bibliophile dans le vrai sens du terme. Je n'aimais pas seulement lire, j'aimais les livres eux-mêmes. J'avais appris à en apprécier l'odeur, la reliure, l'impression, le contact des ouvrages entre mes mains." (p. 149) Et des bribes de ses lectures (beaucoup de romans noirs – Ed McBain, Elmore Leonard, Jim Thompson... – mais aussi de la poésie, Pavese ou Henry James...) viennent assaisonner de belle manière le style si personnel de Ken Bruen, déjà si séduisant en lui-même par son mélange d'un sens aigu de l'observation, d'un pessimisme noir de noir et d'un humour flirtant continuellement avec l'absurde. Et puis il y a Galway, que l'on découvre ici en plein miracle économique irlandais, échappant petit à petit à la pauvreté, à la crasse et à la grisaille et perdant dans le processus un gros bout de son âme. Une âme dont un autre petit bout, mauvaise-tête, frémissant et chaleureux, semble être resté emprisonné entre les pages de "Delirium tremens", ours for the taking, heureux lecteurs que nous sommes!

Extrait:

"Près de l'école protestante, à un saut de catholique de Victoria Square, se trouve l'hôtel Bailey, Ça, c'est le vieux Galway. On construit des hôtels neufs sur tous les emplacements disponibles maintenant, mais l'hôtel Bailey semble avoir échappé à la ruée vers la prospérité. Il n'a pas été
vendu
relooké
réhabilité
En fait, on le remarque à peine.
De nos jours, on n'entend plus parler de «représentants de commerce». Mais si vous étiez obsédé à l'idée d'en trouver un, il serait au Bailey. L'extérieur est en pur granit dégradé par les intempéries et la petite enseigne indique «OTEL». Le H est resté dans les années cinquante, perdu dans les aspirations brumeuses de la Mini Morris."
(p. 273)

Et ne manquez pas de lire l'avis d'Yvon, incollable sur l'oeuvre de Ken Bruen en général et sa série Jack Taylor en particulier.

Un autre livre de Ken Bruen, dans mon chapeau: "Toxic Blues (Jack Taylor, 2)"

9 mars 2010

La belle fraîcheur de Jamel Debbouze (et des petits moutons provençaux ;-).)

18993513"Parlez-moi de la pluie" d'Agnès Jaoui,
avec Jamel Debbouze, Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui

J'ai passé un bon moment, comme d'habitude, en compagnie du nouvel opus d'Agnès Jaoui et de son compère Jean-Pierre Bacri: le juste cocktail d'amertume et de légéreté, une belle fraîcheur amenée par Jamel Debbouze, les verts pâturages des Alpilles et leurs petits moutons aux opinions politiques apparemment bien arrêtées (dans une des scènes les plus drôles du film...)

Plaisir pourtant pas tout à fait sans mélange, et mâtiné d'un vague sentiment de déjà-vu qui ne devait rien au scénario, ni aux décors. Mais c'est que Jean-Pierre Bacri en vieux bougon un-tiers-pathétique, un-tiers-agaçant, un-tiers-touchant, et Agnès Jaoui en féministe bon teint, ben oui, on a déjà vu ça ailleurs, et qui plus est en mieux articulé. Ce fut un bon moment, oui. J'ai ri un peu, et souri souvent. Mais tout de même, je m'interroge: la lassitude me guette-t-elle au tournant de leur prochain film? Ou une vraie belle surprise sera-t-elle au rendez-vous?

8 mars 2010

Au bord de l'eau (2) - Carnet de Stockholm (14)

Au bord de l'eau, les beaux immeubles de Strandvågen font face à l'île de Djurgården et au Musée Nordique.

IMG_1264

Strandvågen, Stockholm (Cliché Fée Carabine)

5 mars 2010

Un théâtre de l'intime

"Mademoiselle Julie""Le Pélican" d'August Strindberg51W0HGDYTSL__SL500_AA300_
4 étoiles

GF Flammarion, 1997, 245 pages, isbn 9782080709707

(traduit du Suédois par Régis Boyer)

Deux personnages de femmes s'imposent à l'avant-plan des deux pièces rassemblées ici. Mademoiselle Julie tout d'abord, dernier rejeton d'une lignée aristocratique dont elle signe la déchéance en se jetant au mépris de son rang dans les bras de Jean, le valet fiancé à Kristin, la cuisinière. Et bien plus monstrueuse encore, la mère de famille à l'égoïsme forcené du "Pélican" dont le titre constitue une allusion ironique à l'oiseau qui selon la légende n'hésiterait pas, en temps de famine, à nourrir ses petits de sa propre chair et que l'iconographie chrétienne associe par conséquent à la figure du Christ et au sacrement de l'Eucharistie. Deux personnages exemplaires, on l'aura compris, de la misogynie proverbiale d'August Strindberg qui en a sans doute agacé plus d'un (et certainement plus d'une).

Mais ce sont pourtant d'autres aspects de l'oeuvre du dramaturge suédois que Régis Boyer a choisi – et à raison me semble-t-il - de mettre plus particulièrement en lumière dans le texte de présentation qui ouvre ce volume. A commencer par la grande économie de moyens de ce théâtre tout entier centré sur l'intime, la tentation du rêve si bien incarnée par Gerda dans "le Pélican" – "Laisse-moi dormir! Je sais que je me réveillerai mais que ce soit dans longtemps! Ouh! Tout ce que je ne sais pas mais que je soupçonne!" (p. 186) -, les aspirations irréalisables et les déceptions et l'amertume qu'elles suscitent... La force des images ensuite: le petit oiseau mort de "Mademoiselle Julie", ainsi que la sonnette et la paire de bottes qui suffisent à représenter son père, "monsieur le Comte". Autant de qualités auxquelles j'ai été très sensible tout au long de ma lecture de "Mademoiselle Julie", et un peu moins au cours de celle du "Pélican", pièce que j'ai éprouvé quelque peine à me représenter sur mon théâtre intérieur sans l'aide de comédiens incarnant véritablement les personnages.

Extrait:

MADEMOISELLE

Tout ça, c'est bien! Mais Jean... il faut que tu me donnes du courage... Dis que tu m'aimes! Viens et prends-moi dans tes bras!

JEAN (hésitant)

Je veux... mais je n'ose pas! Plus ici, dans cette maison! Je vous aime... sans aucun doute... Pouvez-vous en douter?

MADEMOISELLE (timidement, bien féminine)

Vous!... Dis-moi tu! Entre nous, plus de barrières!... Dis-moi tu!

JEAN (au supplice)

Je ne peux pas!... Il y a encore des barrières entre nous, tant que nous séjournerons dans cette maison... Il y a le passé, il y a monsieur le Comte... et je n'ai jamais rencontré personne pour qui j'aie un pareil respect... il me suffit de voir ses gants sur une chaise, je me sens petit... Il suffit que j'entende la sonnette là-haut, je sursaute comme un cheval ombrageux!... Et quand je vois ses bottes là, droites et arrogantes, ça me prend dans le dos, il faut que je me courbe! (Il donne un coup de pied dans les bottes) Superstition, préjugés qu'on nous a enseignés depuis l'enfance... mais qu'on ne peut pas tout aussi facilement oublier.

(p. 106)

Un autre livre d'August Strindberg, dans mon chapeau: "Le sacristain romantique de Rånö"

Et d'autres encore sur Lecture/Ecriture.

Et pourquoi ne pas prolonger la lecture par une visite du Musée Strindberg?

Publicité
Dans mon chapeau...
Publicité
Archives
Publicité