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Dans mon chapeau...
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17 décembre 2009

De grands enfants trop gâtés

"Tendre est la nuit" de Francis Scott Fitzgerald51ckfBYesjL__SL160_AA115_
4 étoiles

Le livre de poche, 2008, 415 pages, isbn 9782253052296

(traduit de l'Anglais par Jacques Tournier)

Lorsque Rosemary Hoyt a fait la connaissance de Nicole et de Dick Diver, sur une plage de la Riviera, elle est instantanément tombée sous le charme de l'atmosphère de raffinement, de luxe et d'oisiveté qui entourait ce couple si éloigné de ce qui constituait son monde habituel et sa vie de jeune actrice à l'aube d'une brillante carrière, tout entière centrée sur son travail. Tout au plaisir de la découverte, elle n'a tout d'abord rien deviné du lourd secret que cachaient ses nouveaux amis, un secret que la quatrième de couverture "lâche" bien malencontreusement mais que Francis Scott Fitzgerald, lui, nous dissimule jusque bien avant dans le déroulement de "Tendre est la nuit", se contentant de nous suggérer sa présence par de toutes petites touches d'une grande délicatesse. Une dispute au motif bien énigmatique qui met fin à une soirée, une liste de courses (qui a, à juste titre, retenu l'attention de David Lodge), quelques propos presque anodins tenus ici ou là, sont autant de signes, ténus puis de plus en plus clairs et menaçants, des failles qui courent sous la surface scintillante de la vie des Diver et de leur petit cercle d'intimes.

Au fil des pages et des points de vue qui changent au gré des trois sections de ce roman, le vernis des apparences se craquèle insensiblement laissant remonter au jour les souvenirs de la première guerre mondiale et les blessures familiales, l'amertume et le désoeuvrement de ces jeunes américains – la "génération perdue" - trompant leur ennui sur les routes européennes des années 1920. Tout le charme et l'intérêt de ce portrait de grands enfants trop gâtés, englués dans une vie de luxe et d'oisiveté, est là, dans l'élégance et le raffinement de la prose de Francis Scott Fitzgerald, dans son art subtil de la suggestion, et dans le mystère soigneusement entretenu, le secret si longtemps maintenu à l'état de simple pressentiment (et l'indiscrétion de la quatrième de couverture n'en est sans doute que plus regrettable...). Tout, ici, est dans la manière, l'art, le style. Et quel style!

Extrait:

"Elle était d'une telle naïveté que la fastueuse simplicité des Diver la touchait au coeur, incapable encore d'en saisir la complexité, le manque absolu d'innocence, incapable de deviner qu'il s'agissait pour eux d'un choix de qualité, et non de quantité, dans le clinquant de l'univers, et que cette assurance, cette simplicité, cette ouverture d'esprit, presque enfantine en apparence, la façon qu'ils avaient d'exagérer les qualités les plus banales, faisaient partie d'un marchandage désespéré avec les dieux, et n'avaient été obtenus qu'à la suite de violents conflits, qu'elle ne pouvait pas soupçonner." (p. 37)

Une autre génération perdue, celle des années 1980, s'anime sous la plume de Jay McInerney dans "Moi tout craché".

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