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Dans mon chapeau...
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france
24 août 2009

A la découverte de la faune locale

"Les projets (Le retour à la terre, tome 2)" de Jean-Yves Ferri et Manu Larcenet 9782205057324v1
4 ½ étoiles

Dargaud/Poisson pilote, 2008, 48 pages, isbn 9782205057324

L’hiver est fini. Et Manu vient de terminer un nouvel album. Le temps est donc venu pour de nouveaux projets. Une nouvelle BD intitulée "Le retour à la terre", sur un scénario d’un ami de Manu - Jean-Yves Ferri – racontant l’installation de Manu à la campagne (Mais je vous en avais déjà parlé dans mon billet consacré à "La vraie vie (Le retour à la terre, tome 1)"). Un potager. Et un bébé, même si ça, c’est surtout un projet de Mariette et que Manu, lui, a besoin d’un peu – beaucoup -  de temps pour se faire à l’idée!

Quelques nouveaux personnages font ici leur entrée en scène - Esope, le petit-neveu de Mr Laguinche, et Mr Loupiot, l’épicier (le commerce de proximité n’est vraiment plus ce qu’il était…) -, tandis que nos héros continuent petit à petit à s’intégrer dans la communauté villageoise. Et quelle meilleure occasion pour ce faire que la fête du cochon, pour laquelle Manu a dessiné une nouvelle affiche, "un vrai dessin réalisé par un pro de la BD!" (p. 11)… avant d’apprendre de la bouche de Mr le Maire que "les gens par ici ne sont pas habitués à un graphisme si… euh… original!" (p. 12).

Avec le retour des beaux jours, le temps s’est fait propice – aussi – à la découverte des petites bêtes qui courent, qui volent, grouillent ou rampent dans nos vertes campagnes: les p’tits ziozieaux, un pauvre petit lézard malencontreusement égaré à l’intérieur de la maison, et bien sûr toute la bande de limaces qui s’est empressée de coloniser le nouveau potager. Avec pour résultat un deuxième album tout aussi désopilant que le premier!

Extrait:

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(p. 34)

Les autres épisodes: "La vraie vie (Le retour à la terre, tome 1)", "Le vaste monde (Le retour à la terre, tome 3)", "Le déluge (Le retour à la terre, tome 4)"  et "Les révolutions (Le retour à la terre, tome 5)"

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17 août 2009

Ce n’est pas le Montana. Mais ça y ressemble!

"La vraie vie (Le retour à la terre, tome 1)" de Jean-Yves Ferri et Manu Larcenet413N3P7X5ZL__AA75_
4 ½ étoiles

Dargaud/Poisson pilote, 2007, 48 pages, isbn 9782205057331

Facile de planter le décor du "retour à la terre" en deux coups de cuillère à pot: c’est l’autobiographie de Manu Larcenet scénarisée par son copain Jean-Yves Ferri, ou comme le dit Manu : "C’est moi vu par Ferri mais dessiné par moi! Sauf que, quand Manu dessine, je change de style pour pas qu’on voie qu’il dessine comme moi…". Bon, faut suivre, mais si ça paraît compliqué comme ça, c’est très simple quand on prend l’histoire depuis le début. Et c’est vrai que là, j’anticipe un peu*…

Donc, "le retour à la terre" nous raconte l’histoire d’un dessinateur de BD, Manu Larssinet, et de sa compagne Mariette, qui en ont assez de leur vie à Juvisy, des gaz d’échappement et des embouteillages et qui décident de partir s’installer à la campagne, aux Ravenelles. Et "La vraie vie" nous offre le récit de leur installation: la désaccoutumance nécessaire pour ne plus confondre les silos à grains avec un Virgin Megastore, les rencontres avec les autochtones (Mr Henry, le maire, l’ermite et la mère Mortemont) qui parlent un drôle de patois et l’épreuve du premier hivernage. Et c’est que les Ravenelles, ce n’est pas le Montana que décrit Rick Bass dans "Winter" ou "Le livre de Yaak", mais ça y ressemble bien plus qu’on ne pourrait le penser a priori! Les hivers y sont rudes, et on se sent bien loin de tout, de la civilisation et de son monde trépidant.

Le dessin de Manu Larcenet n’est pas de ceux qui me séduisent immédiatement, avec ses bouilles à peine esquissées, ses gros pifs, ses petits yeux tout noirs et le nœud improbable de Mariette, trônant au sommet d’une couette à la Fifi Brindacier. Et pourtant, je n’ai pas tardé à tomber sous le charme de ces gags d’une demi-page, qu’on peut grignoter par tout petits bouts comme on peut dévorer tout l’album d’un seul trait. C’est tout simplement dé-sar-mant :-). Et je ne compte vraiment pas m’arrêter au premier tome…

Extrait:

 

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(p. 12)

* Voir "Les projets (Le retour à la terre, tome 2)" (p. 19)

Les autres épisodes: "Les projets (Le retour à la terre, tome 2)", "Le vaste monde (Le retour à la terre, tome 3)", "Le déluge (Le retour à la terre, tome 4)" et "Les révolutions (Le retour à la terre, tome 5)"

13 août 2009

Célébration des noces troubles de l’Art et du Politique

"Les Onze" de Pierre Michon31GQxeQRIWL__SL160_AA115_
5 étoiles

Verdier, 2009, 137 pages, isbn 9782864325529

On s’en approche à pas prudents. Sur la gauche. Puis sur la droite. On penche la tête pour s’affranchir d’un reflet dans la vitre pare-balles. On s’en éloigne. On se retourne pour lire le panneau explicatif placé à l’entrée de la salle. Littéralement, on tourne autour de ce tableau – "Les Onze", la représentation par François-Elie Corentin du Comité de salut public de 1794, un des plus beaux fleurons des collections du musée du Louvre.

On tourne autour, tant Pierre Michon multiplie les biais et les détours, pour nous évoquer – avec une rare puissance de suggestion - ce tableau parfaitement imaginaire. Oeuvre fictive d’un artiste qui l’est tout autant, mais dont l’auteur nous retrace ici longuement les origines et la vie, de sa naissance dans un modeste manoir des bords de Loire – fils d’un père absent qui sacrifia sa famille pour poursuivre sans succès la carrière des Lettres – à sa formation auprès de Giambattista Tiepolo, qui aurait prêté les traits de son jeune élève à l’un des pages des fresques du palais épiscopal de Wurtzbourg, et à son amitié avec Collot, membre – justement – du Comité de salut public.

Au fil des innombrables digressions et des longues périodes de la prose de Pierre Michon, l’illusion de réalité est parfaite. On croit vraiment pouvoir se retrouver face à ce tableau des "Onze", au détour d’un couloir du musée du Louvre. Tout comme on en vient sans peine à croire à l’existence de François-Elie Corentin. Cela seul est déjà, en soi, assez bluffant, mais c’est loin d’être tout ce qu’il y a à ce long récit d’une sombre beauté. Car on a rarement célébré, avec autant d’éloquence, les noces troubles de l’Art et du Politique. Ce que l’Art peut montrer, obéissant aux volontés de ses commanditaires, à leurs agendas les plus secrets et ambigus. Et plus encore ce que l’Art montre par-delà les volontés de ceux qui le paient - dépassant ainsi, et de loin, ceux qu’il était supposé servir. Ce mystérieux supplément d’âme que les artistes, parfois, pressentent, tel François-Elie Corentin recevant cette ultime et prestigieuse commande de la bouche de Collot: "Corentin ne rit pas. Peut-être qu’il n’écoute pas Collot, mais il le regarde. Il se dit avec une sorte de joie que le zèle compatissant pour les malheureux et la plaine des Brotteaux, la table inhospitalière et la lande de Macbeth, la main tendue et le meurtre, nivôse et avril, c’est dans le même homme. C’est dans Collot, un des onze hommes qu’il va peindre. Il se dit encore que tout homme est propre à tout. Que onze hommes sont propres à onze fois tout. Que cela peut se peindre." (p. 119)

Ce récit âpre et goûteux, magnifique d’intelligence, est le premier que je lis de Pierre Michon. Mais ce ne sera certainement pas le dernier, tant il me laisse en proie à une admiration sans mélange…

Extrait:

"Vous imaginez cela, Monsieur, au temps de la douceur de vivre? Elle n’est telle que parce qu’elle n’est plus, c’est vrai, mais comme il est doux d’y rassembler nos rêves, de leur donner la becquée dans ce nid germanique, oh à peine germanique, vénitien de par-delà, simplement. Ils viennent là au premier coup de trompette, nos rêves, ils connaissent le chemin. Ils accourent comme des poussins sous leur mère. Ils savent bien qu’elle est là, la douceur de vivre, - à moins qu’ils ne le croient increvablement. Le temps de la douceur de vivre, on veut donc croire que c’était, et c’était peut-être en vérité, celui où Giambattista Tiepolo de Venise, c’est-à-dire un géant, un homme de la carrure de Frédéric Barberousse, en plus pacifique, employait trois années de sa vie (trois années de la vie de Tiepolo, qui ne voudrait les voir sortir de son petit cornet à dés?) employait trois années au fond de la Germanie sur un plafond par-dessus un escalier, à montrer, peut-être à démontrer, comment les quatre continents, les quatre saisons, les cinq religions universelles, le Dieu trois qui est un, les Douze de l’Olympe, les quatre races d’hommes, toutes les femmes, toutes les marchandises, toutes les espèces, mais oui : - le monde -, comment donc le monde toutes affaires cessantes accourait des quatre orients pour faire hommage lige à Carl Philipp von Greiffenclau son suzerain, qui est peint au beau milieu au point de jonction des quatre orients, comme au quai de débarquement du fret universel, et dont on reçoit en plein l’image triomphale quand on arrive sur la dernière marche – Carl Philipp, suzerain des quatre orients, prince-évêque électeur, torve du visage, large de ceinture, d’épaules étroites, d’âge incertain, de pouvoir plus incertain, frotté de vers latins, d’escarcelle grande ouverte et de mœurs un peu dissolues car par ailleurs, sous son effigie sur les degrés de Carrare, il poursuivait à coups de cannes un rapin français qui lui soulevait des filles." (pp. 18 -19)

Peut-être les longues descriptions des fresques réalisées par Giambattista Tiepolo au palais épiscopal de Wurtzbourg vous donneront-elles l'envie de retrouver plus longuement le peintre vénitien. Aussi, voici quelques suggestions de lecture, autour de Tiepolo: "La ville invisible", beau roman d'Emili Rosales qui y évoque avec sensibilité la période madrilène du peintre, et bien sûr, "Giambattista Tiepolo - l'oeuvre peint" de Massimo Gemin et Filippo Pedrocco.

On trouvera aussi, sur la toile, une lecture des "Onze" par Angèle Paoli sur son blog Terres de femmes,  une autre par Pierre Assouline sur La république des livres, et une autre encore par Mapero sur Wodka.

27 juillet 2009

La bande à Robert

033575"A la vie, à la mort!" de Robert Guédiguian,
avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Daroussin, Jacques Gamblin et Gérard Meillan

Avec l'arrivée des belles journées d'été, c'est réglé comme du papier à musique, la saison théâtrale se termine et les programmes TV se désertifient. Mais heureusement, l'été c'est aussi la saison de l'écran total. Non, pas la crème solaire. Mais le festival de cinéma, organisé par l'Arenberg-Galeries et qui en vingt ans s'est imposé comme une véritable institution bruxelloise. Des derniers jours de juin aux premiers jours de septembre, l'Arenberg nous propose une programmation aussi diverse que passionnante, mêlant classiques (Losey, Hitchcock, Satyajit Ray, Ingmar Bergman...), inédits (avec un coup de projecteur sur les films sélectionnés pour la Quinzaine des réalisateurs au dernier festival de Cannes), documentaires et quelques reprises de l'année écoulée (le très beau film de James Gray "Two lovers" que je ne pourrais trop vous recommander).

C'est à ce festival que je dois sans doute quelques unes des plus belles découvertes cinématographiques de mon adolescence: celles qui m'ont fait aimer le cinéma, "L'eclisse", "Les fraises sauvages", "La soif du mal", "Kes" mais aussi des chefs-d'oeuvre inconnus tels "The shade" de Raphaël Nadjeri... Et cette année, vingtième anniversaire oblige, une section supplémentaire a été ajoutée au programme. "Vingt ans, vingt réalisateurs" retraçant vingt ans de cinéma à travers vingt films. Et pour l'année 1995: "A la vie à la mort!", sixième film et premier vrai succès public où Robert Guédiguian retrouve, une fois de plus, son quartier de l'Estaque et sa bande de fidèles. Ariane Ascaride, Jean-Pierre Daroussin et Gérard Meillan, ici renforcé par Jacques Gamblin infiniment vulnérable et touchant, donnent chair à un groupe d'amis gravitant autour du cabaret du Perroquet bleu, dont l'enseigne de néon jette ses derniers feux. Tous sont aux prises avec le chômage et les fins de mois difficiles, mais font face avec une solidarité indéfectible et cet optimisme délibéré qui relève de la combativité. Comme souvent chez Guédiguian, "A la vie, à la mort!" hésite entre la douceur de vivre et l'amertume qui, ici, l'emporte dans les dernières images. C'est véritablement poignant...

A lire, sur la toile, un article consacré à "A la vie, à la mort!".

Et pour le programme complet de l'écran total et toutes les informations pratiques, c'est ici.

14 juillet 2009

Dans le cimetière du nord

L'eau. Le ciel.
Un rien de terre à vif, plus loin.
Les fleurs pâles en lisière de pelouse et, dans la véranda, cinq ou six plantes souffreteuses.
La proximité d'une route puis d'un chemin qui semble se perdre très au large des faubourgs, vers les brumes, les landes, l'océan, les bouleaux chétifs dont les feuillages frissonnent à la fraîcheur du soir.
Il ne m'en faut pas davantage pour me complaire aux charmes et malices de la mélancolie, ne ressentant d'autre désir que celui d'enfreindre la loi monotone des choses aujourd'hui, d'user le temps ou, d'un pas qu'aucune considération d'heure ni d'averse qui menace ne précipite, errer selon l'humeur, flâner, arpenter les allées du cimetière voisin - le "cimetière du nord" -, où repose Henri Thomas.

Lionel Bourg, "Le Chemin des écluses" , Folle Avoine/La petite bibliothèque, 2008, p. 10

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19 juin 2009

Une lente montée des émotions

19086684"London River" de Rachid Bouchareb,
avec Brenda Blethyn et Sotigui Kouyaté

Elisabeth, agricultrice à Guernesey, et Ousmane, qui a quitté son Afrique natale pour se fixer en France où il est devenu garde forestier - la première chrétienne, le second musulman -, sont sans nouvelle de leurs enfants, installés à Londres, depuis le matin du 7 juillet 2005 et les attentats qui ont ensanglanté la capitale britannique.

Au fil de leurs errances inquiètes dans la ville endeuillée, leurs chemins se croisent et se recroisent à plusieurs reprises. Et petit à petit, ces deux êtres apeurés - chacun pour des raisons complexes, qui sont un peu différentes mais aussi un peu les mêmes - en viennent à s'apprivoiser. La rencontre l'emporte ainsi sur la peur de l'autre dans ce film sobre, presque serein par moments mais finalement déchirant, les émotions y montant lentement, et comme à retardement, pour ne prendre que plus de force.

Vu il y a peu de temps encore au cinéma, et déjà diffusé sur Arte ce mardi soir, "London River" est de ces films qui s'imposent discrètement mais durablement, fixant sur la pellicule l'esprit d'un temps troublé - temps de douleur et plus encore temps marqué par la peur - d'un regard humaniste sans aucune naïveté. Bien loin de l'hystérie d'une bande-annonce à mon sens complètement ratée, c'est simplement poignant. Et surtout, surtout: d'une justesse parfaite et par là-même inoubliable.

30 mai 2009

Où notre monde rencontre l’Autre

"La Porte des Enfers" de Laurent Gaudé51aPs6xs47L__SL160_AA115_
3 ½ étoiles

Actes Sud, 2008, 267 pages, isbn 9782742777044

Nouveau retour en Italie pour l’auteur du "Soleil des Scorta", non plus dans les Pouilles mais à Naples – ville infernale, violente et puante, où Giuliana et Matteo étaient pourtant parvenus à construire un petit bonheur tranquille qui trouvera une fin tragique avec la mort de leur fils, Pippo, six ans, tué par une balle perdue au début de ce livre.

On le comprend tout de suite: ce nouveau  roman de Laurent Gaudé est un drame où le sang et les larmes vont couler d’abondance. Et l’on comprend à peine moins vite que ce livre flirte allègrement avec le fantastique, celui des mythes immémoriaux, celui du théâtre baroque et de ses improbables machineries. La progression dramatique en est impeccablement réglée et Laurent Gaudé ménage (trop ?) soigneusement ses effets: pas question de se perdre, les balises sont bien visibles. Ce serait gâcher le plaisir des futurs lecteurs de "La Porte des Enfers" que de révéler davantage de cette relecture moderne de la légende d’Orphée. Je ne dirai donc rien de plus au sujet de l’intrigue, et je ne m’étendrai plus ici que sur mes impressions toutes subjectives. Et à vrai dire, quelque peu partagées.

Que l’on me comprenne bien: j’ai pris un vrai plaisir à la lecture du nouveau roman de Laurent Gaudé, à me plonger dans son univers sensuel même si celui-ci peut passer pour inhospitalier, brûlé de chaleur, menacé par les colères de la terre et la violence des hommes. Mais je n’ai jamais – même une minute - pu croire à son histoire. "La Porte des Enfers" est restée tout au long de ma lecture une fiction, un spectacle extérieur, du théâtre qui ne laisse pas oublier qu’il est du théâtre. C’était peut-être l’intention de l’auteur – je n’en sais rien -, et c’est certainement un parti pris aussi défendable qu’un autre. Mais voilà, tout simplement et tout subjectivement, je préfère à "La Porte des Enfers" et à ses tonalités fantastiques "Le soleil des Scorta" et son réalisme si terrien.

Extrait:

"Personne ne naît ici, au pied des tourelles du quai. Il n’y a que l’herbe souillée par des canettes de bière renversées, des drogués et quelques clandestins qui dorment là, bercés par le bruit constant des voitures. Pourtant, je n’ai pas menti, c’est bien là que je suis venu au monde la deuxième fois. La première, bien sûr, je suis né dans un hôpital – sorti du ventre de ma mère, au milieu de ses viscères chauds. Mais, plus tard, je suis né ici, de la seule volonté de mon père. L’air que j’ai respiré était celui de cette route à deux voies crasseuse et, comme à ma première naissance, j’ai cligné les yeux d’éblouissements et j’ai hurlé tant l’air me brûlait les poumons. Je me souviens de tout. Et même de ce qu’il y avait avant. Ce qui remplit mes nuits de glapissements et de nausée. Mais cela, je ne le lui raconterai pas. Il faudrait trop parler. Viendra peut-être un moment où il sentira qui je suis. Il ne le comprendra pas – qui le pourrait? – mais la chair de poule qui le fera frissonner lui dira ce que je tais." (pp. 36-37)

D'autres livres de Laurent Gaudé sont présentés sur Lecture/Ecriture.

26 mai 2009

Brouillard sur le bayou

19070274"Dans la brume électrique" de Bertrand Tavernier,
avec Tommy Lee Jones, Peter Sarsgaard, John Goodman et Mary Steenburgen

J'ai pris grand plaisir aux quelques incursions que j'ai fait jusqu'à présent dans l'univers de James Lee Burke et de son flic louisianais un peu désabusé, Dave Robichaux. L'envie m'est donc venue tout naturellement de découvrir la toute nouvelle adaptation, réalisée par Bertrand Tavernier, d'une de ses enquêtes - enquête que je n'ai justement pas encore lue, ce qui est peut-être aussi bien: pas d'attente particulière, pas d'a priori...

Sans préjuger de la fidélité de cette adaptation de "Dans la brume électrique", j'ai apprécié les atmosphères - crépusculaires, pesantes et orageuses mais non dénuées de douceur - que Bertrand Tavernier a recréées ici. Et l'âpreté qu'il a su donner, aussi, au monde de Dave Robichaux: un monde souvent dur, violent, où quelques méchantes gens peuvent certes passer pour complètement noires (au figuré s'entend), mais où personne, y compris notre héros, n'est vraiment tout blanc...

Voici un film qui s'inscrit dignement dans la grande tradition des films noirs made in USA, servi par des acteurs tous aussi impeccables les uns que les autres et par une superbe bande-son, lorgnant vers un blues aux sonorités rauques et éraillées et trimbalant tout son poids de vécu - on croise d'ailleurs le bluesman Buddy Guy dans un petit rôle. Un très bon moment de cinéma.

Vous trouverez sur Lecture/Ecriture plusieurs fiches consacrées aux livres de James Lee Burke.

28 avril 2009

Gentil...

18744346"Ensemble, c'est tout" de Claude Berri,
avec Françoise Bertin, Audrey Tautou, Guillaume Canet et Laurent Stocker

Non, je ne suis pas une lectrice inconditionnelle d'Anna Gavalda. Ma seule rencontre avec son oeuvre - "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part" - m'a laissé le souvenir d'un recueil de nouvelles écrit d'un bout à l'autre dans la même tonalité, ou en d'autres mots manquant de constrastes ou d'épaisseur. Et cela ne m'avait pas donné l'envie de poursuivre plus avant.

Et non, ce n'est pas le film que Claude Berri a tiré de son roman "Ensemble, c'est tout" qui me convaincra d'entreprendre la lecture de cette "brique" de six cents pages. Il n'y avait pas là assez de relief pour me donner envie de lire le livre, mais pourtant beaucoup de charme: de quoi me faire passer une heure et trois quarts d'heures bien agréables devant ma télé par un dimanche soir à l'humeur flemmarde. Grâce à une mise en scène irréprochable. Et surtout à un casting parfait: Guillaume Canet en dur au petit coeur très très tendre, sa grand-mère Paulette qui s'ennuie dans sa maison de retraite (Françoise Bertin), Amélie - oups, pardon... Camille - bien plus douée pour s'occuper des vies des autres que de la sienne et incarnée par Audrey Tautou - oui, ça vous a un petit air de déjà vu, mais bon, elle est bien mignonne Audrey Tautou, dans ce genre de rôle - et enfin Philibert le Bègue dont la chapka a fait la campagne de Russie aux côtés de Napoléon, et sur la tête de son bisaïeul (un excellent Laurent Stocker). Bref, quatre bons acteurs qui se glissent sans coup férir dans les peaux de leurs personnages, et c'est tout juste de quoi passer un bon moment de détente...

26 avril 2009

"Bologne"

L'homme demande son chemin
parmi les rues chaudes.
Il entend à peine
l'essaim des vespas, le timbre des trams.
Son papier à la main,
c'est une statue
dans la ville vivante.
Sa question hésite
entre les jeunes et les vieux,
les hommes et les femmes,
souvent retenue
dès qu'elles sont trop belles.
A travers le treillis de son inquiétude
passe par moment un éclair de splendeur,
une arcade, un clocher,
jaune ou rouge brique devant le ciel proche,
ces couleurs que les poètes
récitant aujourd'hui leurs vers sur les places
voyaient dans leur jeunesse
quand ils étaient perdus.

Jean-Pierre Lemaire, "L'Intérieur du monde", Cheyne, 2007, pp. 70-71

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