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Dans mon chapeau...
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30 mai 2009

Où notre monde rencontre l’Autre

"La Porte des Enfers" de Laurent Gaudé51aPs6xs47L__SL160_AA115_
3 ½ étoiles

Actes Sud, 2008, 267 pages, isbn 9782742777044

Nouveau retour en Italie pour l’auteur du "Soleil des Scorta", non plus dans les Pouilles mais à Naples – ville infernale, violente et puante, où Giuliana et Matteo étaient pourtant parvenus à construire un petit bonheur tranquille qui trouvera une fin tragique avec la mort de leur fils, Pippo, six ans, tué par une balle perdue au début de ce livre.

On le comprend tout de suite: ce nouveau  roman de Laurent Gaudé est un drame où le sang et les larmes vont couler d’abondance. Et l’on comprend à peine moins vite que ce livre flirte allègrement avec le fantastique, celui des mythes immémoriaux, celui du théâtre baroque et de ses improbables machineries. La progression dramatique en est impeccablement réglée et Laurent Gaudé ménage (trop ?) soigneusement ses effets: pas question de se perdre, les balises sont bien visibles. Ce serait gâcher le plaisir des futurs lecteurs de "La Porte des Enfers" que de révéler davantage de cette relecture moderne de la légende d’Orphée. Je ne dirai donc rien de plus au sujet de l’intrigue, et je ne m’étendrai plus ici que sur mes impressions toutes subjectives. Et à vrai dire, quelque peu partagées.

Que l’on me comprenne bien: j’ai pris un vrai plaisir à la lecture du nouveau roman de Laurent Gaudé, à me plonger dans son univers sensuel même si celui-ci peut passer pour inhospitalier, brûlé de chaleur, menacé par les colères de la terre et la violence des hommes. Mais je n’ai jamais – même une minute - pu croire à son histoire. "La Porte des Enfers" est restée tout au long de ma lecture une fiction, un spectacle extérieur, du théâtre qui ne laisse pas oublier qu’il est du théâtre. C’était peut-être l’intention de l’auteur – je n’en sais rien -, et c’est certainement un parti pris aussi défendable qu’un autre. Mais voilà, tout simplement et tout subjectivement, je préfère à "La Porte des Enfers" et à ses tonalités fantastiques "Le soleil des Scorta" et son réalisme si terrien.

Extrait:

"Personne ne naît ici, au pied des tourelles du quai. Il n’y a que l’herbe souillée par des canettes de bière renversées, des drogués et quelques clandestins qui dorment là, bercés par le bruit constant des voitures. Pourtant, je n’ai pas menti, c’est bien là que je suis venu au monde la deuxième fois. La première, bien sûr, je suis né dans un hôpital – sorti du ventre de ma mère, au milieu de ses viscères chauds. Mais, plus tard, je suis né ici, de la seule volonté de mon père. L’air que j’ai respiré était celui de cette route à deux voies crasseuse et, comme à ma première naissance, j’ai cligné les yeux d’éblouissements et j’ai hurlé tant l’air me brûlait les poumons. Je me souviens de tout. Et même de ce qu’il y avait avant. Ce qui remplit mes nuits de glapissements et de nausée. Mais cela, je ne le lui raconterai pas. Il faudrait trop parler. Viendra peut-être un moment où il sentira qui je suis. Il ne le comprendra pas – qui le pourrait? – mais la chair de poule qui le fera frissonner lui dira ce que je tais." (pp. 36-37)

D'autres livres de Laurent Gaudé sont présentés sur Lecture/Ecriture.

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Commentaires
F
Oui, ce n'est pas aussi fort, ou peut-être trop calculé, d'une certaine façon...
D
Je n'ai pas lu "la porte des enfers" mais j'ai lu un précédent de Gaudé acheté après "le soleil des Scorta" et comme vous j'ai été un peu déçu, on ne retrouve pas la force cruelle et magnifique des Scorta <br /> A ce propos j'ai récemment "écouté" ce roman et j'y ai pris un plaisir immense
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