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Dans mon chapeau...
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1 septembre 2009

Un monde de saveurs et de sensations…

"Mort au romantisme" d’Antoni Casas Ros41Sm5Ad7NvL__SL160_AA115_
4 ½ étoiles

Gallimard, 2009, 145 pages, isbn 9782070124565

Chacune des 39 nouvelles rassemblées ici est une explosion de saveurs, tour à tour corsées, amères ou veloutées, à l’instar de ces petits cafés bien serrés que l’on peut déguster sur le pourtour de la Méditerranée. Evoquant les thèmes les plus divers – la cérémonie du café cortado dans un petit bar de Barceloneta justement, la plongée dans l'obscurité d'un tunnel pendant un trajet en train, une éclipse solaire ou une chambre d'hôtel des plus banales – Antoni Casas Ros n'a pas cessé de me surprendre, et de me maintenir en alerte.

Chacun des textes réunis ici est une ouverture vers un monde en soi: une infinité de possibilités enfermée dans l'espace de quelques pages à peine, quelques pages d'une prose qui suscite l'admiration par sa concision et son extrême économie autant que par sa puissance de suggestion. Les sensations s'y bousculent avec une intensité inédite, tout comme les réflexions qui s'y nourrissent de quelques affinités électives (Baltus, Graham Greene... et surtout, surtout, Frida Kahlo) et d'une conception exigeante de l'art et de la littérature - lecture comme écriture - en marges des remous médiatiques.

Depuis la parution de son premier roman, "Le théorème d'Almodovar", en 2008, la personnalité d'Antoni Casas Ros a suscité d'abondantes spéculations dont son blog personnel se fait d'ailleurs l'écho. On s'est beaucoup interrogé sur la part respective de l'autobiographie et de la fiction dans l'oeuvre de cet auteur qui préserve jalousement son anonymat. Mais le découvrant ici avec son second livre, je ne peux me défendre de l'impression que toute cette agitation est vaine: peu importe ce qui est vrai et ce qui relève de l'imagination. Et peu importe l'identité réelle de l'auteur. Seul compte le fait qu'il ait choisi de s'effacer derrière son oeuvre, en toute cohérence avec elle. Et seul compte, surtout, la très grande qualité de cette oeuvre qui s'impose d'entrée comme profondément originale.

Extrait:

"- L’ultime acte poétique est de disparaître avec son œuvre.
- Je comprends. M’autoriserez-vous à la lire avant de la détruire?
- Non, j’ai décidé de la manger.
- Et vous pensez que cela sera suffisant pour mourir?
- Absolument, si vous pouviez la lire, vous comprendriez immédiatement. C’est une œuvre faite d’éclats de diamant et de lave en fusion, de curare et de plumes de colibri. Elle me transpercera!"
(p. 139)

D'autres extraits de "Mort au romantisme", dans mon chapeau: "Les beaux fruits de l'été" (2) et (3), et "Le lecteur idéal" (2)

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13 août 2009

Célébration des noces troubles de l’Art et du Politique

"Les Onze" de Pierre Michon31GQxeQRIWL__SL160_AA115_
5 étoiles

Verdier, 2009, 137 pages, isbn 9782864325529

On s’en approche à pas prudents. Sur la gauche. Puis sur la droite. On penche la tête pour s’affranchir d’un reflet dans la vitre pare-balles. On s’en éloigne. On se retourne pour lire le panneau explicatif placé à l’entrée de la salle. Littéralement, on tourne autour de ce tableau – "Les Onze", la représentation par François-Elie Corentin du Comité de salut public de 1794, un des plus beaux fleurons des collections du musée du Louvre.

On tourne autour, tant Pierre Michon multiplie les biais et les détours, pour nous évoquer – avec une rare puissance de suggestion - ce tableau parfaitement imaginaire. Oeuvre fictive d’un artiste qui l’est tout autant, mais dont l’auteur nous retrace ici longuement les origines et la vie, de sa naissance dans un modeste manoir des bords de Loire – fils d’un père absent qui sacrifia sa famille pour poursuivre sans succès la carrière des Lettres – à sa formation auprès de Giambattista Tiepolo, qui aurait prêté les traits de son jeune élève à l’un des pages des fresques du palais épiscopal de Wurtzbourg, et à son amitié avec Collot, membre – justement – du Comité de salut public.

Au fil des innombrables digressions et des longues périodes de la prose de Pierre Michon, l’illusion de réalité est parfaite. On croit vraiment pouvoir se retrouver face à ce tableau des "Onze", au détour d’un couloir du musée du Louvre. Tout comme on en vient sans peine à croire à l’existence de François-Elie Corentin. Cela seul est déjà, en soi, assez bluffant, mais c’est loin d’être tout ce qu’il y a à ce long récit d’une sombre beauté. Car on a rarement célébré, avec autant d’éloquence, les noces troubles de l’Art et du Politique. Ce que l’Art peut montrer, obéissant aux volontés de ses commanditaires, à leurs agendas les plus secrets et ambigus. Et plus encore ce que l’Art montre par-delà les volontés de ceux qui le paient - dépassant ainsi, et de loin, ceux qu’il était supposé servir. Ce mystérieux supplément d’âme que les artistes, parfois, pressentent, tel François-Elie Corentin recevant cette ultime et prestigieuse commande de la bouche de Collot: "Corentin ne rit pas. Peut-être qu’il n’écoute pas Collot, mais il le regarde. Il se dit avec une sorte de joie que le zèle compatissant pour les malheureux et la plaine des Brotteaux, la table inhospitalière et la lande de Macbeth, la main tendue et le meurtre, nivôse et avril, c’est dans le même homme. C’est dans Collot, un des onze hommes qu’il va peindre. Il se dit encore que tout homme est propre à tout. Que onze hommes sont propres à onze fois tout. Que cela peut se peindre." (p. 119)

Ce récit âpre et goûteux, magnifique d’intelligence, est le premier que je lis de Pierre Michon. Mais ce ne sera certainement pas le dernier, tant il me laisse en proie à une admiration sans mélange…

Extrait:

"Vous imaginez cela, Monsieur, au temps de la douceur de vivre? Elle n’est telle que parce qu’elle n’est plus, c’est vrai, mais comme il est doux d’y rassembler nos rêves, de leur donner la becquée dans ce nid germanique, oh à peine germanique, vénitien de par-delà, simplement. Ils viennent là au premier coup de trompette, nos rêves, ils connaissent le chemin. Ils accourent comme des poussins sous leur mère. Ils savent bien qu’elle est là, la douceur de vivre, - à moins qu’ils ne le croient increvablement. Le temps de la douceur de vivre, on veut donc croire que c’était, et c’était peut-être en vérité, celui où Giambattista Tiepolo de Venise, c’est-à-dire un géant, un homme de la carrure de Frédéric Barberousse, en plus pacifique, employait trois années de sa vie (trois années de la vie de Tiepolo, qui ne voudrait les voir sortir de son petit cornet à dés?) employait trois années au fond de la Germanie sur un plafond par-dessus un escalier, à montrer, peut-être à démontrer, comment les quatre continents, les quatre saisons, les cinq religions universelles, le Dieu trois qui est un, les Douze de l’Olympe, les quatre races d’hommes, toutes les femmes, toutes les marchandises, toutes les espèces, mais oui : - le monde -, comment donc le monde toutes affaires cessantes accourait des quatre orients pour faire hommage lige à Carl Philipp von Greiffenclau son suzerain, qui est peint au beau milieu au point de jonction des quatre orients, comme au quai de débarquement du fret universel, et dont on reçoit en plein l’image triomphale quand on arrive sur la dernière marche – Carl Philipp, suzerain des quatre orients, prince-évêque électeur, torve du visage, large de ceinture, d’épaules étroites, d’âge incertain, de pouvoir plus incertain, frotté de vers latins, d’escarcelle grande ouverte et de mœurs un peu dissolues car par ailleurs, sous son effigie sur les degrés de Carrare, il poursuivait à coups de cannes un rapin français qui lui soulevait des filles." (pp. 18 -19)

Peut-être les longues descriptions des fresques réalisées par Giambattista Tiepolo au palais épiscopal de Wurtzbourg vous donneront-elles l'envie de retrouver plus longuement le peintre vénitien. Aussi, voici quelques suggestions de lecture, autour de Tiepolo: "La ville invisible", beau roman d'Emili Rosales qui y évoque avec sensibilité la période madrilène du peintre, et bien sûr, "Giambattista Tiepolo - l'oeuvre peint" de Massimo Gemin et Filippo Pedrocco.

On trouvera aussi, sur la toile, une lecture des "Onze" par Angèle Paoli sur son blog Terres de femmes,  une autre par Pierre Assouline sur La république des livres, et une autre encore par Mapero sur Wodka.

30 mai 2009

Où notre monde rencontre l’Autre

"La Porte des Enfers" de Laurent Gaudé51aPs6xs47L__SL160_AA115_
3 ½ étoiles

Actes Sud, 2008, 267 pages, isbn 9782742777044

Nouveau retour en Italie pour l’auteur du "Soleil des Scorta", non plus dans les Pouilles mais à Naples – ville infernale, violente et puante, où Giuliana et Matteo étaient pourtant parvenus à construire un petit bonheur tranquille qui trouvera une fin tragique avec la mort de leur fils, Pippo, six ans, tué par une balle perdue au début de ce livre.

On le comprend tout de suite: ce nouveau  roman de Laurent Gaudé est un drame où le sang et les larmes vont couler d’abondance. Et l’on comprend à peine moins vite que ce livre flirte allègrement avec le fantastique, celui des mythes immémoriaux, celui du théâtre baroque et de ses improbables machineries. La progression dramatique en est impeccablement réglée et Laurent Gaudé ménage (trop ?) soigneusement ses effets: pas question de se perdre, les balises sont bien visibles. Ce serait gâcher le plaisir des futurs lecteurs de "La Porte des Enfers" que de révéler davantage de cette relecture moderne de la légende d’Orphée. Je ne dirai donc rien de plus au sujet de l’intrigue, et je ne m’étendrai plus ici que sur mes impressions toutes subjectives. Et à vrai dire, quelque peu partagées.

Que l’on me comprenne bien: j’ai pris un vrai plaisir à la lecture du nouveau roman de Laurent Gaudé, à me plonger dans son univers sensuel même si celui-ci peut passer pour inhospitalier, brûlé de chaleur, menacé par les colères de la terre et la violence des hommes. Mais je n’ai jamais – même une minute - pu croire à son histoire. "La Porte des Enfers" est restée tout au long de ma lecture une fiction, un spectacle extérieur, du théâtre qui ne laisse pas oublier qu’il est du théâtre. C’était peut-être l’intention de l’auteur – je n’en sais rien -, et c’est certainement un parti pris aussi défendable qu’un autre. Mais voilà, tout simplement et tout subjectivement, je préfère à "La Porte des Enfers" et à ses tonalités fantastiques "Le soleil des Scorta" et son réalisme si terrien.

Extrait:

"Personne ne naît ici, au pied des tourelles du quai. Il n’y a que l’herbe souillée par des canettes de bière renversées, des drogués et quelques clandestins qui dorment là, bercés par le bruit constant des voitures. Pourtant, je n’ai pas menti, c’est bien là que je suis venu au monde la deuxième fois. La première, bien sûr, je suis né dans un hôpital – sorti du ventre de ma mère, au milieu de ses viscères chauds. Mais, plus tard, je suis né ici, de la seule volonté de mon père. L’air que j’ai respiré était celui de cette route à deux voies crasseuse et, comme à ma première naissance, j’ai cligné les yeux d’éblouissements et j’ai hurlé tant l’air me brûlait les poumons. Je me souviens de tout. Et même de ce qu’il y avait avant. Ce qui remplit mes nuits de glapissements et de nausée. Mais cela, je ne le lui raconterai pas. Il faudrait trop parler. Viendra peut-être un moment où il sentira qui je suis. Il ne le comprendra pas – qui le pourrait? – mais la chair de poule qui le fera frissonner lui dira ce que je tais." (pp. 36-37)

D'autres livres de Laurent Gaudé sont présentés sur Lecture/Ecriture.

23 mars 2009

Un cheminement vers le monde

"L’Intérieur du monde" de Jean-Pierre Lemaire4164TJDMXAL__SL160_AA115_
4 étoiles

Cheyne, 2007, 98 pages, isbn 9783841160662

De la dernière maladie du père au retour de la lumière sur la mer, après une averse estivale, les cinq sections de "L’intérieur du monde" - "Simple mortel", "Noé", "Chants du purgatoire", "La retenue" et "Les bras ouverts" – retracent un cheminement spirituel. Une lente méditation allant de la prise de conscience de se trouver désormais aux avant-postes, face à la vieillesse et à la mort, vers un regard renouvelé sur le monde alors que le poète constate:

"La vie t’est rendue
comme le soir, après la pluie,
l’odeur des iris au fond du jardin."
(p. 91)

C’est un parcours par mille émotions et sensations, de la douce lumière baignant les paysages toscans où "Le ciel léger repose / sur la pointe des cyprès." (p. 46) à l’ombre fraîche d’une chapelle dans la chaleur de l’été, du craquement des feuilles mortes au bleu lumineux et doux d’une "Crucifixion" de Giotto *. Ce sont autant de perles recueillies d’un œil attentif, condensées dans le flux d’une langue fluide et souple, qui semble couler tout naturellement.

Extrait :

"Debout, tu as longtemps éclipsé le monde,
dieu volcanique des commencements,
et tu l’as entraîné avec toi sous terre.
Il n’y a plus que des fantômes d’arbres,
le décor de ta ville au bord de la mer,
des flocons de couleur. Les enfants seuls
croient encore assez au monde pour jouer.
Parmi les racines, ton masque de sang
est devenu un masque de cristal
où je te revois faible, endormi, suivant de loin
le lent travail, dans la lumière sépulcrale,
de ton visage qui se recompose."
(p. 19)

* "Giotto", un poème tiré de "L'Intérieur du monde" et reproduit sur Terres de femmes.

D'autres poèmes de Jean-Pierre Lemaire, dans mon chapeau: "Marchant sur le moût des feuilles en hiver..." et "Bologne".

8 mars 2009

Pèlerinage au bord du canal d’Ille-et-Rance

"Le Chemin des écluses", suivi de "Gueules de fort" 316hYjAW8qL__SS500_
de Lionel Bourg
4 ½ étoiles

Folle Avoine/La petite bibliothèque, 2008, 59 pages, isbn 9782868101846

Au bord du canal d’Ille-et-Rance, la villa Beauséjour, maison de la poésie de Rennes, accueille depuis quelques années des écrivains en résidence. Au printemps 2007, ce fut le cas de Lionel Bourg qui en a ramené ce "Chemin des écluses", récit précis et même méticuleux de ses promenades au long du canal et dans ses environs. Des promenades qui se muent insensiblement en un pèlerinage littéraire et poétique, sur les traces de Chateaubriand, Victor Segalen, Henri Thomas ou René-Guy Cadou, et partant en une méditation sur le temps qui passe, la vie, la mort, l’amour et ce que la poésie peut diable venir faire au milieu de tout cela : "Serait-ce donc ça, la poésie, ce qui cruellement nous manque ?
La frappe, et la scansion, douce, brutale, de ce défaut, ou comme aux veines des poignets le pouls sectionné de l’absence."
(p. 48)

Un second texte plus bref, "Gueules de fort", vient compléter cette plaquette par une évocation des tableaux d’Elice Meng, inspirés par les ouvriers – prisonniers, forçats… - qui construisirent le fort de Saint-Père, et dont beaucoup perdirent la vie dans ces grands travaux inutiles, offrant ainsi un prétexte à une nouvelle réflexion sur le rôle de l’art : ranimer des souvenirs occultés, et rendre justice aux exclus et aux oubliés…

Bien loin de se limiter à offrir un reflet des circonstances de leur création, "Le Chemin des écluses" et "Gueules de fort" se prêtent à de multiples relectures, suscitant de nouveaux échos, de nouvelles résonances à chaque redécouverte. Dans leur beauté aussi austère qu’insaisissable, et leurs épaisseurs de sens superposées de l’expérience immédiate aux détours de la mémoire la plus lointaine, ces deux textes se révèlent en fait propices à des explorations sans fin.

Extrait :

"Comment écrire, après ça ?
Comment s’acquitter de cette tâche ou, villa Beauséjour, dans l’appartement mis à ma disposition, tracer à l’intérieur de mes carnets autre chose que les phrases crayeuses, qui s’ébrèchent lorsque le temps ou l’inexpiable durée qu’elles réclament ne les étaie plus, les abandonnant à la friabilité, l’indigence d’une pensée, d’un monde, même, qu’elles drapaient autrefois, auquel elles aspiraient du moins, et comment l’assouvir,
Elle est retrouvée !
Quoi ? L’éternité.
Après tant d’échecs, tant d’itinéraires absurdes aux confins du langage, l’exigence, en soi, de ce que l’on suppose être encore la mer, le soleil, la poésie ?" (p. 41)

D'autres extraits, dans mon chapeau: ici et .

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18 janvier 2009

Des mots pour dire l’indicible

"Les bains de Kiraly" de Jean Mattern41S6LBTTm0L__SL160_AA115_
5 étoiles

Sabine Wespieser, 2008, 133 pages, isbn 9782848050669

Malgré son mariage avec Laura. Malgré son amitié pour Léo. Gabriel s’est enfoncé dans le silence comme on se noie, des cailloux plein les poches. Pendant longtemps, il a cru qu’il pourrait remonter à la surface, échapper à l’héritage de non-dits laissés ses parents qui ne lui ont jamais parlé de leur origines familiales, ni de leur religion qui s’est réduite à une sentence laconique - «Dieu a donné, Dieu a repris» -, tout comme ils ont laissé s’engloutir dans le silence le visage de Marianne, leur fille aînée fauchée par un chauffard. Pendant longtemps, Gabriel a cru que les mots des autres - les mots des écrivains qu’il traduit – pouvaient lui servir de refuge. Mais à l’occasion d’un voyage en Hongrie, et d’une visite au cimetière juif de Budapest, puis à l’annonce de la naissance prochaine de son enfant, son silence lui est devenu insupportable. Et Gabriel a fui vers l’anonymat du quartier londonien de Golders Green, et le murmure des fidèles de la Synagogue Beth Hamedrash.

Au long des pages des "bains de Kiraly", Gabriel se raconte, il se confesse sans se chercher d’excuses ni espérer d’absolution. Multipliant les allers-retours entre le présent et le passé de son héros, Jean Mattern élabore une construction aussi fascinante que bouleversante. Une double spirale qui nous entraîne vers un enfermement où nul langage n’a plus cours – selon les mots de Gabriel, "Croire que les mots sont insuffisants. J’avais seulement dix ans, mais je ne me suis jamais relevé de cette croyance-là." (p. 91) – puis qui nous libère, nous rend la puissance du langage en une conversion bien plus profonde, essentielle et fondamentale que ne pourrait jamais l’être une conversion au sens religieux du terme.

Avec ce premier roman, Jean Mattern – éditeur chez Gallimard, où il veille aux destinées de la collection "Du monde entier" – nous offre paradoxalement une réflexion d’une rare force sur les failles du langage, en même temps qu’il rend le plus bel hommage qui soit au pouvoir des mots. Un hommage frémissant, aussi, à quelques livres majeurs des littératures d’Allemagne et d’Europe centrale, au premier rang desquels "Le docteur Faustus" de Thomas Mann qui, sans doute plus encore que "La Montagne magique" ou que "Les Buddenbrook", peut être considéré comme son grand œuvre: "Mais comment pouvait-on ne pas admirer cette parabole du Mal absolu, la mise en scène magistrale du destin d’Adrian Leverkühn, ce musicien qui vend son âme au Diable en même temps que l’Allemagne, et presque toute l’Europe, offre la sienne au nazisme." (p. 74)

Lu dans les derniers jours de décembre, ce roman fort, bouleversant, sensible et subtil a pris rang in extremis mais de toute évidence parmi mes plus belles lectures de l’année 2008. Et je ne pourrais le recommander assez chaleureusement!

Extrait :

"Les dictionnaires, à force de remplir mes journées, ont vidés les mots de leur sens. Je n’ai plus de langue maternelle, je n’en ai jamais eu. Celle qui aurait pu l’être, mes parents la chuchotaient seulement quand ils se croyaient seuls. J’entendais leur langue à travers la cloison de leur chambre, mais elle m’était interdite. La grammaire de leur enfance ne s’appliquait pas à la mienne. On l’a voulue ordinaire, passe-partout. Oubliant leur exil, ils voulaient m’offrir une enfance ordinaire dans une petite ville de province ordinaire. J’appris par cœur les mots et les phrases qui permettent de se fondre dans le décor, j’obéis à leur désir. Je devins brillant élève, surtout en français, un  habtiué des félicitations. Mon oreille absolue et ma mémoire photographique me permirent d’apprendre plus vite que les autres, et je n’eus aucun nul besoin de l’aide de mes parents. Ils parlaient un français désuet aux formules bien rodées, figés dans l’angoisse de se trahir par une faute de grammaire. Mais cette langue ne devint jamais mienne, et la seule grammaire que je possède est faite de cette règle unique énoncée un jour par un mon père : « Dieu a donné, Dieu a repris.»" (p. 21)

Un autre livre de Jean Mattern, dans mon chapeau: "De lait et de miel"

4 décembre 2008

Un curieux petit roman encyclopédique

"Ravel" de Jean Echenoz31MZ5DFQN4L__SL160_AA115_
4 étoiles

Les éditions de minuit, 2006, 124 pages, isbn 2707319309

C’est un curieux petit roman que celui-ci, où Jean Echenoz évoque les dix dernières années de la vie de Maurice Ravel, de sa grande tournée américaine de 1928 à sa mort en 1937, des suites d’une opération de la dernière chance, tentée en désespoir de cause pour soigner les troubles neurologiques qui en étaient venus à l’empêcher totalement de composer.

D’une précision encyclopédique et quasi-maniaque, la première moitié de ce livre esquisse un portrait du compositeur en dandy à l’élégance parfaite. Tout y est couché noir sur blanc, au fil d’énumérations qui semblent sans fin : les couleurs des costumes et des pyjamas, les qualités des étoffes, les modèles des voitures, les dimensions du paquebot France et la puissance développée par ses turbines… Peu importe que Jean Echenoz nous ait présenté d’entrée Maurice Ravel dans l’intimité de sa salle de bain, au matin de son départ pour les Etats-Unis, l’impression qui se dégage du début du livre est celle d’une distance froide car ces listes, vraiment, ne laisse aucune place à la musique ou à l’homme qui se dissimule sous le masque du dandy.

Il faut s’armer de patience, et attendre le retour d’Amérique, pour découvrir un Ravel désoeuvré, en proie à un ennui pire que jamais.  "Or, l’ennui, Ravel connaît bien : associé à la flemme, l’ennui peut le faire jouer au diabolo pendant des heures, surveiller la croissance de ses ongles, confectionner des cocottes en papier ou sculpter des canards en mie de pain, inventorier voire essayer de classer sa collection de disques qui va d’Albéniz à Weber, sans passer par Beethoven mais sans exclure Vincent Scotto, Noël-Noël ou Jean Tranchant, de toute façon ces disques il les écoute très peu. Combiné à l’absence de projet, l’ennui se double aussi souvent d’accès de découragement, de pessimisme et de chagrin qui lui font amèrement reprocher à ses parents, dans ces moments, de ne pas l’avoir mis dans l’alimentation. Mais l’ennui de cet instant, plus que jamais démuni de projet, paraît plus physique et plus oppressant que d’habitude, c’est une acédie fébrile, inquiète, où le sentiment de solitude lui serre la gorge plus douloureusement que le nœud de sa cravate à pois." (pp. 65-66)

Il faut attendre le retour d’Amérique pour rencontrer dans ces pages un grand enfant vulnérable, trop solitaire, qui n’a jamais vécu que pour sa musique et qui compose, ces années-là, ses ultimes chefs-d’œuvre : les deux concertos pour piano et le si célèbre Boléro… Avant que le compositeur ne perde pied, petit à petit, ne lâche son emprise sur la réalité et sur son œuvre… "Ravel" – le livre comme son héros – se font alors infiniment touchants. Et cela valait bien d’attendre, fut-ce tout au long d’un demi-roman!

Extrait:

"Quant au paquebot France, deuxième de ce nom, à bord duquel Ravel va s'en aller vers l'Amérique, il a encore neuf ans d'activité devant lui avant d'être vendu aux Japonais pour démolition. Navire amiral de la flotte qui assure la traversée transatlanique, c'est une masse d'acier riveté coiffée de quatre cheminées dont une décorative, bloc long de deux cent vingt mètres et large de vingt-trois, sorti voici vingt-cinq ans des Ateliers de Saint-Nazaire-Penhoët. De la première à la quatrième classe, ce bâtiment peut transporter quelque deux mille passagers en plus des cinq cents hommes d’équipage et de l’état-major. Fort de ses vingt-deux mille cinq cents tonneaux, propulsé à une vitesse moyenne de vingt-trois nœuds par quatre groupes de turbines Parsons qu’alimentent trente-deux chaudières Prudhon-Capus développant quarante mille chevaux, six jours lui suffiront pour traverser l’Atlantique en douceur alors que, moins puissamment poussés, les autres paquebots de la flotte s’époumonnent à en mettre neuf." (pp. 19-20)

Le 7 octobre dernier, François Busnel avait eu l'excellente idée de faire dialoguer Jean Echenoz avec J.M.G. Le Clézio dans sa grande librairie. Un intérêt commun est très vite apparu entre ces deux auteurs: Ravel et son boléro, qui joue aussi un rôle essentiel dans le dernier roman de J.M.G. Le Clézio, "Ritournelle de la faim".

26 novembre 2008

"Du corps par le corps avec le corps..."*

"Syngué sabour - Pierre de patience" d'Atiq Rahimi21Q9ky3V8OL__SL500_AA240_
4 1/2 étoiles

P.O.L., 2008, 155 pages, isbn 9782846822770

Dans un pays en guerre, une ville en proie à des combats acharnés, une femme veille son mari blessé, qu'une balle dans la nuque a laissé paralysé. "Son homme" qui l'a été si peu: si peu un homme digne de ce nom mais c'est que "quand c'est dur d'être femme, ça devient dur aussi d'être homme" (p. 152), et si peu à elle. En dix ans de mariage, ils n'ont partagé que trois ans de vie commune car il était parti la plupart du temps. Se battre.

Dans un pays en guerre, une femme se réapproprie le corps de son homme, qu'il ne lui laissait presque pas toucher, au temps de sa force. Et du même mouvement, elle se réapproprie son propre corps. Et la parole que son mari n'écoutait guère. Inlassablement, elle dévide ses souvenirs, ses regrets et ses secrets, au rythme des souffles de son homme, au rythme des grains du chapelet qui roulent entre ses doigts et des 99 noms de Dieu qui scandent sa prière.

J'avais aimé les deux premiers romans d'Atiq Rahimi - "Terres et cendres" et "Les mille maisons du rêve et de la terreur". Je ne pouvais donc manquer de lire son nouveau livre, Goncourt ou pas. Et pourtant, "Syngué sabour" a séjourné plusieurs semaines sur mes étagères, attendant son heure. Attendant l'heure propice pour laisser résonner la poésie - séduisante et toujours un peu étrange à nos yeux d'occidentaux - que l'auteur est allé puiser aux sources de la littérature persane. Attendant l'heure d'affronter un sujet que l'on peut, sans aucun doute, qualifier de "difficile", l'évocation des violences faites aux femmes - du déni de leur être - dans un pays déchiré par le fanatisme religieux, en Afghanistan ou ailleurs.

Mais autant dire d'entrée que, si "Syngué sabour" n'a pas déçu mes attentes, le nouveau roman d'Atiq Rahimi m'a aussi prise par surprise, et offert ce que je n'en attendais pas: la force et la douceur qui s'y opposent à l'indéniable violence... La force et la douceur des gestes quotidiens, inlassablement répétés, les détails si concrets qui font que cette pierre de patience est peut être d'un accès plus aisé - c'est du moins mon sentiment - que les précédents romans de l'auteur. Et surtout, la force et la douceur des corps qui affirment leur désir de vie...

Extrait:

"Elle s'adosse au mur, et laisse passer un long moment - peut-être une dizaine de tours de chapelet, comme si elle l'égrenait encore au rythme de souffles de l'homme -, le temps de réfléchir, de partir dans les recoins de sa vie, et puis de revenir avec des souvenirs: «Tu ne m'as jamais parlé de tout cela! Cela fait plus de dix ans que nous sommes mariés, mais nous n'avons vécu ensemble que deux ou trois ans. Non?» Elle compte. «Oui, dix ans et demi de mariage, trois ans de vie commune! C'est maintenant que je compte. C'est aujourd'hui que je me rends compte de tout!» Un sourire. Un sourire jaune et court qui remplace mille et un mots pour exprimer ses regrets, ses remords..." (pp. 67-68)

* "Du corps par le corps avec le corps
depuis le corps et jusqu'au corps."

Antonin Artaud, cité en exergue de "Syngué sabour - Pierre de patience"

7 novembre 2008

L'art de l'ellipse

"Ritournelle de la faim" de J.M.G. Le Clézio41MlqXcvsYL__SL500_AA240_
5 étoiles

Gallimard, 2008, 207 pages, isbn 9782070122837

L'histoire semble si simple. Un narrateur qui est et n'est pas l'auteur conte l'histoire d'une jeune fille - Ethel Brun - qui est et n'est pas la mère de J.M.G. Le Clézio. L'histoire d'une petite fille, d'une adolescente puis d'une jeune femme dans la France des années 1930 à 1945, avec ses emprunts à la mémoire familiale de l'auteur mais aussi la liberté de la fiction. Et simples, le ton et la conduite du récit semblent l'être aussi. L'écriture s'est dépouillée du lyrisme qui n'était pas pour peu dans le charme d'autres livres de J.M.G. Le Clézio, tandis que la narration prend toutes les apparences d'une histoire racontée très spontanément, en suivant les tours et les détours de la mémoire, passant ici et là du coq à l'âne, filtrée parfois par la compréhension qu'une enfant pouvait avoir des événements...

Puis, petit à petit, on comprend qu'un pan essentiel de l'histoire n'apparaît qu'en creux, ne nous est raconté que dans les silences et les ellipses de ce récit qui semblait au premier abord si simple et décousu.

C'est toute la vie d'une famille d'abord, la vie la plus secrète des parents d'Ethel qui surgit des pages de ce livre, alors même qu'aux yeux de la jeune fille, "Il était trop tard pour savoir la vérité, pour connaître leur vraie histoire, comment ils s'étaient connus, pourquoi ils avaient voulu se marier, ce qui leur avait donné l'idée de mettre une fille au monde." (p. 175) Inexpliquée, irréductiblement mystérieuse, leur vie est pourtant là, qui nous est donnée à pressentir, de la même façon que nous pouvons, en découvrant de vieilles photos de famille de bien avant notre naissance, avoir l'intuition de cette part de la vie de nos parents qui échappe à notre connaissance et même à notre imagination.

Et c'est toute la vie d'une époque, aussi, qui ressuscite dans ces pages. La vie d'une certaine bourgeoisie française des années trente, son anti-sémitisme rampant, son attitude ambiguë envers Hitler ou tout simplement sa molle et égoïste indifférence. Tant de livres ont déjà été consacrés à cette sombre période. Des livres intelligents et/ou bouleversants. Mais on n'a sans doute jamais serré d'aussi près le poison insidieux qui imprégnait ces années, et sans lequel l'Impensable n'aurait peut-être pas été possible. On n'a sans doute jamais apporté tant de justice, d'humanité et d'intelligence à l'évocation de l'héroïsme sans phrase ou de la médiocrité verbeuse qui faisaient l'ordinaire de ces années-là.

Sous ses dehors d'une fausse simplicité, "Ritournelle de la faim" est un livre extraordinairement intelligent.

Et incroyablement fort.

Extrait:

"Est-ce qu'elle voyait les restes de la guerre, le long de la route, ces pans de mur à demi effondrés sur lesquels on pouvait lire un nom, un slogan, les trous noirs dans les champs, les épaves de voitures calcinées, une carriole sans roues, un squelette de cheval à demi dressé contre une barrière, couleur de suie rouge, ses dents ricanant aux moineaux et aux choucas? Peu de chose en vérité par rapport aux ruines de Dunkerque, de Verdun, de Châlons, aux ponts effondrés à Orléans, à Poitiers. Mais ici, le long de cette route sans fin, ce n'étaient pas des photos, des images tremblantes sur les films du Pathé-Journal. Aucune voix pour mentir, pour érailler le réel. Ce qui était étrange, angoissant même, c'était plutôt ce calme excessif, ces champs si beaux, ce ciel si bleu, une paix exsangue, ou, plus réalistement, le vide vertigineux de la défaîte." (p. 147)

J.M.G. Le Clézio était l'auteur du mois de mars 2006, sur Lecture/Ecriture

Un autre extrait de "Ritournelle de la faim", dans mon chapeau:

28 octobre 2008

A la lumière d'Anna

"L'Ange incliné" de Pierre Mari41UL81vLd2L__SL160_AA115_
3 1/2 étoiles

Actes Sud, 2008, 223 pages, isbn 9782742777068

Universitaire à l’aube de la quarantaine, le narrateur de "L’Ange incliné" porte sur son travail et sur ses collègues un regard de plus en plus amer, désabusé, d’une totale intransigeance. Et sa famille n’est pas beaucoup plus gâtée. Le décès de son père l’année précédente a mis fin à un mariage qui tenait de la guerre froide. Sa sœur, souffrant d’une forme ou l’autre de troubles nerveux, est la plupart du temps hospitalisée. Et les visites qu’il rend de temps à autre à sa mère, dans la maison familiale de Saint-Asaphe, mènent à tous les coups à un moment difficile: "celui où [il] ne savai[t] plus quoi opposer à l'envie de faire le procès de [sa] mère." (p. 45) Le début du roman de Pierre Mari prend ainsi des allures de règlements de comptes, d’un long catalogue de récriminations en tous genres, amenant le narrateur à constater, au cours d’une conversation avec sa mère, qu’"une fois de plus, [il] s’étai[t] laissé entraîner par [sa] rancoeur." Et qu’il "aurai[t] voulu revenir en arrière, trouver autre chose à lui offrir." (p. 48)

Mais heureusement pour lui – et pour le lecteur – un double coup de foudre vient interrompre ces pages un peu aigres – trop ou pas assez pour mon goût. Coup de foudre amoureux lorsque notre homme, dans le train, noue conversation avec Anna, tombant complètement sous le charme de la jeune femme: "Mes questions chevauchaient ses réponses, je ne voulais rien approfondir, j'écoutais à peine jusqu'au bout. J'étais si curieux d'elle qu'une distraction souveraine parlait à ma place." (p. 84) Et un autre coup de foudre sous la forme d’un arc électrique mettant providentiellement la locomotive hors service, offrant ainsi aux deux jeunes gens quelques heures entre parenthèses. L’écriture de Pierre Mari se fait alors souple, vivante, chaleureuse et enfiévrée pour dire ce miracle improbable dans la vie de son narrateur: "un visage tout neuf, qui ne découlait pas de [sa] vie d'avant, que rien n'annonçait - un visage dont la moindre péripétie se tenait à la hauteur de [son] imagination." (p. 99)

Le narrateur comme Anna ont déjà d’autres attaches, et leur histoire d’amour sera dès lors tissée de moments volés. Des petits bonheurs comme on en a déjà vu mille fois mais auxquels Pierre Mari parvient pourtant à conférer une fougue juvénile et un air de nouveauté. Cette part de "L’Ange incliné" a infiniment de charme, mais elle ne prend pas complètement le pas sur les déboires et les aigreurs de la vie universitaire. Et le contraste entre ces deux faces du livre est si violent que j’ai eu l’impression de lire deux romans différents dont on aurait cousu les pièces, au petit bonheur la chance, en un livre unique en forme de patchwork. En fin de compte, j’ai refermé "L’Ange incliné" avec un sentiment partagé : séduite par une voix et un regard originaux, mais agacée par le volet universitaire de l’intrigue…

Extrait:

"Il aura fallu quelques minutes, en ce début d'après-midi, pour qu'à l'éclat du ciel succède une pénombre comme j'en avais rarement vu: un gris plombé, deux fronts de nuages découpés à l'extrême qui prenaient en tenaille une bande de lumière dorée. Le vent s'est mis à siffler à mes fenêtres. Quand je me suis penché dans la rue, le ciel moutonnant avait l'air à portée de main. Une femme qui s'aidait d'une béquille m'a demandé: Mais quelle heure est-il? A croire en effet que la nuit tombait. D'abord, un orage de grêle a éclaté. Bref, intense, il a un peu rafraîchi l'air. Puis un énorme nuage s'est détaché des autres: bleu sombre, avec sa proue noire très régulière, il concentrait toute l'imminence dont le ciel étai privé depuis longemps. La pluie l'a crevé d'un seul coup: de grosses gouttes serrées ont éclaté sur les pavés, suivies d'une cataracte qui a tout noyé." (pp. 181-182)

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Dans mon chapeau...
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