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Dans mon chapeau...
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4 octobre 2008

Inabouti, ce roman

"Inassouvies, nos vies" de Fatou Diome31JEx5cXxWL__SS500_
3 étoiles

Flammarion, 2008, 271 pages, isbn 9782081213531

Betty vit près du ciel, au cinquième étage d'un immeuble strasbourgeois, dans un appartement prenant figure de bateau renversé. Et chaque soir, ou presque, Betty appareille vers l'immeuble d'en-face, se plongeant dans les vies de ses voisins, observant le va-et-vient des lumières dans les rectangles des fenêtres, brodant, élaborant tout un monde à partir des quelques bribes d'informations qu'elle a pu glaner au fil des jours. Puis, petit à petit, au hasard de rencontres, au parc ou à la boulangerie du coin, des liens se tissent. L'imagination cède la place à la réalité, et sous le regard de Betty, les vies de ses voisins - des vies si ordinaires que, somme toute, ce sont les nôtres - révèlent leurs richesses et leurs failles, comme à travers une loupe grossissante.

Le lecteur le comprend très vite: Betty n'est pas d'ici. Elle vient d'un autre bout du monde que l'on découvrira progressivement, au fil des pages. Et le regard candide, faussement naïf, qu'elle pose sur les vies de ses voisins, révèle par moments des détails que nous ne voyons plus, aveuglés par l'habitude. L'expérience est alors décapante, rafraîchissante. Mais cette qualité du roman de Fatou Diome s'avance accompagnée de son revers: quand elle n'apporte pas une nouvelle fraîcheur, la loupe de Betty se contente de grossir les traits, sombrant dans la caricature. Ses personnages se font si ordinaires, si Mr et Mme  Toutlemonde, qu'ils perdent toute chair pour se réduire à des généralités.

Quelques petits joyaux de poésie se perdent entre platitudes et notations si léchées qu'elles en deviennent artificielles. Et des pages profondément émouvantes se diluent dans la trame d'un récit qui s'effiloche par trop en de vagues considérations philosophiques. Le projet de ce roman - révéler nos vies à travers leurs manques - était très sympathique, mais peut-être a-t-il été traité trop tôt, alors que Fatou Diome n'avait pas trouvé, à mon avis, le bon angle de vue, la bonne distance. Et le résultat est un livre qui agace et ennuie au moins autant qu'il ne charme. Un roman inabouti. C'est dommage, car les beaux moments de ce livre sont vraiment beaux, mais ils ne me suffisent vraiment pas...

Extrait:

"La nuit appelle le jour, le jour appelle la nuit. Les lumières sont aussi absurdes, aussi illisibles que les ténèbres. Ebloui ou aveuglé, on cligne des yeux, pareillement. Où et comment situer la piste? Vivre impose une loupe. Les buttes, comme les crevasses, contrarient la marche. Pour Betty, le crépuscule n'était pas un simple aspirateur d'heures d'existence, c'était aussi l'entonnoir temporel qui la conduisait dans la chambre noire où elle développait, déformait à loisir les scènes que son imagination captait derrière les fenêtres d'en face. Dans ses yeux, la nuit ne gommait le jour que pour afficher les contours de la vie." (p. 13)

L'avis, nettement plus enthousiaste, de Roger-Pierre Turine, dans La libre Belgique

Et un autre extrait: ici

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