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Dans mon chapeau...
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belgique
20 mars 2011

Une scénographie éblouissante!

"Le Géant de Kaillass" de Peter Turrini,
par la compagnie Arsenic

Au Parc à Mitrailles de Court-St-Etienne, le 17 mars 2011

Du haut de ses deux mètres et cinquante-huit centimètres, le héros du nouveau spectacle de la compagnie Arsenic s'attire les foudres des habitants de son petit village de Kaillass qui le poussent finalement à partir à la découverte du vaste monde. De Prague à Paris, et de Londres à Berlin, le géant de Kaillass connaîtra la gloire, l'admiration des têtes couronnées, l'amour de la plus petite femme du monde mais aussi le déclin, la pauvreté et la maladie. En vingt tableaux servis par une scénographie éblouissante, un décor aux métamorphoses aussi poétiques qu'incessantes, ce nouveau spectacle retrace son parcours, tout en mêlant théâtre, musique, cirque et cabaret, des oripeaux de légèreté qui dissimulent mal ce que l'histoire du géant de Kaillass a en fait de très noir et très macabre. C'est certainement une expérience inédite à tenter, mais quoiqu'en disent les publicités, ce n'est pas tout à fait mon idée d'un spectacle familial, et pas seulement parce que l'inconfort des banquettes en bois ne vaudra rien aux rhumatismes de bon-papa...

Présentation du spectacle sur le site de l'Atelier Théâtre Jean Vilar

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19 mars 2011

Comme un chien fou, un peu brusque, un peu joueur

“Poèmes sauvages” de Serge Delaive111_2
4 étoiles

Maelström éditions, 2007, 39 pages, isbn 9782930355764

Séduite par mes premières lectures de Serge Delaive – “Argentine” et “Le livre canoë” -, j’ai bien vite éprouvé l’envie de poursuivre mon exploration de son œuvre. J’ai donc emprunté à la bibliothèque ces “Poèmes sauvages” et découvert dans la foulée la collection “bookleg” des éditions Maelström: de tout petits livres destinés à capturer un instant, le temps d’une lecture ou d’une performance dans toute sa vivacité et sa spontanéité et que je ne crois pas avoir croisé auparavant – l’ironie du sort voulant que depuis ma lecture des “Poèmes sauvages” j’en rencontre à peu près partout, dans les bonnes librairies bien sûr, mais aussi dans certaine grande surface culturelle qui ne rentre sans doute pas vraiment dans la première catégorie…

Et vif, spontané, libre et ludique, tel est bien l’esprit qui préside à cette sélection d’une trentaine de poèmes où j’ai certes retrouvé certains des thèmes qui parcouraient comme un fil rouge “Le livre canoë” ou “Argentine”: la tentation de la fuite, de l’abandon (“Il est parti”, “Midi encore”…) ou les cicatrices d’une histoire familiale à tout le moins chargée (“Le psychologue”, “La moitié de mon sang”…), mais aussi les paysages grandioses d’une Amérique du Sud chère au cœur de l’auteur (“(c’est pas) Le Pérou”, “Voilà que ça recommence”). Mais aux côtés de ces textes d’une tonalité plus grave, les poèmes en manière de clin-d’œil que Serge Delaive dédie à ses compères-poètes – Karel Logist, William Cliff, Carl Norac, Jacques Izoard, ou encore Hésiode auquel l’auteur adresse d’amusants remerciements pour “les travaux et les jours” qui ont souvent animé ses nuits d’insomnie - imposent une complicité joueuse, un peu brusque, un peu tendre, ébouriffée presque toujours…

Extrait:

Il est parti

Tu n'es ni Hans Staden
Ni Cabeza de Vacca
Pourtant tu as accompli la traversée
Tu as renié tes serments de houle
Tu as combattu bec à bec
L'albatros qui t'a rogné les ailes
Puis tu étais salamandre
Parmi les congrégations immobiles
Tu as lancé des imprécations
Contre le ciel et ses courants
Et pour finir le ressac
T'a rejeté sur la plage vide
Mais tu es vivant
Tes récits ne goûtent plus le sel
A présent il te faudra choisir entre
Abjurer ou monter sur le trône incandescent
De ceux qui s'en vont
Pour ne pas revenir.
(p. 28)

17 mars 2011

"Instruire et émouvoir"

"Henry Bauchau, passeur de frontières"

Forum des halles de Louvain-la-Neuve,
jusqu'au 25 mars 2011

Le forum des halles de Louvain-la-Neuve (passage de la gare, derrièrelesbureaux d'Inforville) présente régulièrement de petites expositions. Et petite, celle qui y est consacrée en moment à l'écrivain Henry Bauchau l'est assurément. Elle est aussi très courte puisqu'elle refermera déjà ses portes le vendredi 25 mars. Mais elle est surtout si bien conçue, par les efforts conjugués de l'association hypothésarts et du fonds Henry Bauchau de l'Université catholique de Louvain, que sa visite, si brève soit-elle, est un vrai plaisir. Le plaisir de retrouver, au fil d'un parcours de son oeuvre(beaucoup) et de sa vie (un peu), un écrivain qui fut aussi enseignant et thérapeute, et dont les livres reflètent le lent cheminement vers une réconciliation de la science et de l'émotion. Les oeuvres graphiques d'Henry Bauchau, qui jouèrent leur rôle dans ce cheminement, ne sont bien sûr pas oubliées, et l'on (re)verra donc ici la silhouette stricte et droite du Grand Inquisiteur, entourée de créations de Lionel, qui fut le modèle d'Orion ("L'enfant bleu"). Et puis, comment résister à une exposition où les livres posés sur les présentoirs vous disent - réellement - "Lisez-moi"?

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Henry Bauchau, Le Grand Inquisiteur, Fonds Henry Bauchau, Louvain-la-Neuve (source: Henry Bauchau, "L'atelier spirituel", Actes Sud, 2008, p. 39)

Vous trouverez plusieurs billets consacrés à Henry Bauchau, dans mon chapeau: "Le régiment noir", "Diotime et les lions", "Déluge" et "La pierre sans chagrin"

Et d'autres encore sur Lecture/Ecriture.

10 mars 2011

Un éditeur au coeur du courant symboliste

"Impressions symbolistes - Edmond Deman (1857-1918)"
Musée Félicien Rops, Namur
Jusqu'au 20 mai 2011

Galeriste, collectionneur et éditeur d'art, Edmond Deman a joué un rôle clé dans l'émergence du courant symboliste en Belgique, en favorisant les contacts et les collaborations entre des écrivains comme Emile Verhaeren, Maurice Maeterlinck ou Stéphane Mallarmé, et des peintres tels Fernand Khnopff, Théo Van Rysselberghe, Léon Spilliaert ou James Ensor. Ce n'est donc que justice si le Musée Félicien Rops de Namur, dont l'attention se porte tout spécialement sur la création de cette période charnière à la fin du XIXème et au début du XXème siècles, lui rend l'hommage d'une exposition consacré entièrement à ses activités de collectionneur et d'éditeur.

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Maximilien Luce, Usines près de Charleroi, Musée d'Orsay, Paris (source)

Cette exposition s'articule en trois temps. S'ouvrant sur une évocation des relations entre Edmond Deman et Félicien Ropsdont il fut un ami proche jusqu'à la mort de l'artiste en 1898, elle se poursuit par la présentation d'une série d'illustrations réalisées pour les ouvrages édités par Edmond Deman par Odilon Redon, Fernand Khnopff ou Théo Van Rysselberghe. Ces livres trouvent place quant à eux dans la salle du premier étage, en compagnie de quelques oeuvres de la collection personnelle d'Edmond Deman parmi lequels on rencontrera, aux côtés de symbolistes typés comme Jean Delville, quelques pièces d'artistes engagés dans les réalités sociales et économiques de l'époque: Georges Minne, Constantin Meunier ou encore Maximilien Luce... C'est encore une belle découverte à porter à l'actif du petit musée namurois dont le dynamisme fait décidément plaisir à voir!

Présentation de l'exposition sur le site du Musée Félicien Rops

Article dans Le Soir

Dans mon chapeau, vous trouverez aussi des billets consacrés:

7 mars 2011

En cas de "blues" vespéral ;-)

"Selon Marais, environ cinq pour cent de la population éprouvent un léger sentiment de vague à l'âme et d'angoisse entre chien et loup. Une sensation qu'il connaît bien et sur l'origine de laquelle il s'interroge. Au cours de ses recherches dans le Waterberg, il a remarqué que les babouins se rassemblent systématiquement au coucher du soleil, précisément au moment où ils sont les plus fatigués et où les prédateurs nocturnes font leur apparition. Est-ce à dire que les babouins sont mus par une angoisse semblable à celle des humains, qui les force, au moment le plus fragile du jour, à se protéger contre les prédateurs? Se peut-il que cette angoisse, apparemment inutile chez les êtres humains, ait eu un jour un sens? Marais part de l'hypothèse d'une continuité entre l'homme et l'animal. Cette  mélancolie quotidienne passagère, aurait été sélectionnée à la suite d'un processus complexe parce qu'elle offre de meilleures chances de survie. Toujours selon cette logique, les sujets les plus portés à la mélancolie seraient aussi les plus aptes à la survie. Voilà qui a au moins le mérite de me remonter le moral pour la soirée."

David Van Reybrouck, "Le Fléau", Actes Sud, 2008, pp. 193-194 (traduit du Néerlandais par Pierre-Marie Finkelstein)

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6 mars 2011

Pour les amateurs d'un cinéma contemplatif

noir_ocean_aff"Noir Océan" de Marion Hänsel,
avec Adrien Jolivet, Nicolas Robin et Tao le chien dans le rôle de Giovanni

Un bateau de la Marine Nationale française stationné à Mururoa, tel est le décor du nouveau film de Marion Hänsel, un décor où pendant une heure et demie, il ne se passera rien, ou presque, abstraction faite de la croissance soudaine d'un champignon nucléaire dont personne à bord ne semble véritablement enregistrer l'existence ou a fortiori mesurer pleinement toute la signification.

Adaptant au grand écran deux nouvelles d'Hubert Mingarelli*, Marion Hänsel a en effet choisi d'en restituer toute la lenteur, la vacuité, l'extrême économie et ce parfum d'illusions perdues qui faisaient tout le prix des textes de l'écrivain français. Comme dans les nouvelles, ce sont les petites cruautés ordinaires, inconséquentes presque, des rapports entre les jeunes matelots, dont le col marin et le petit béret à pompon accentuent encore l'apparence de premiers communiants montés en graines, qui filent toute la matière du récit. Et, comme dans les nouvelles, c'est le manque de bonté des hommes qui crève l'écran dans ce film dont l'heure et demie est très exactement calculée pour nous sembler longue, vraiment longue sans l'être trop... Le manque de bonté des hommes et Giovanni, incarné avec un naturel criant par le chien Tao, seule touche de lumière dans toute cette noirceur océane. C'est là donc une belle adaptation, fidèle en esprit à l'oeuvre d'Hubert Mingarelli, mais qui plaira surtout aux amoureux d'un cinéma très,très contemplatif.

*"Océan Pacifique" et "Giovanni", du recueil "Océan Pacifique"

Pour en savoir plus: le site officiel du film

16 février 2011

Sous le signe du feu

"La cérémonie des poupées" de Chantal Deltenre56_2
4 ½ étoiles

Maelström, 2005, 123 pages, isbn 2930355395

Keiko Fujimori est née à Paris de parents japonais venus s’installer en France sitôt après la fin de la deuxième guerre mondiale, fuyant les ruines de Nagasaki et de Tokyo où leurs familles avaient péri. Mais jusqu’à ce jour où elle a suivi là-bas son compagnon, Pierre, orientaliste français en poste pour deux ans dans une université japonaise, elle n’avait jamais posé le pied sur la terre de ses ancêtres. Et d’entrée, dès leur installation dans ce petit appartement d’un immeuble moderne de la banlieue de Tokyo, dans un quartier complètement reconstruit après la guerre, Keiko se voit rattrapée par le passé, par cette histoire familiale dont elle ne sait rien, et dont la résurgence met à mal la relation fusionnelle qu’elle entretenait jusqu’alors avec Pierre : "Ma seule urgence est de donner sens à ces traces anciennes, les décrypter, les rassembler, que la mémoire du lieu et la mienne s’accordent et que le rébus de nos origines, ruines et cendres, trouve sa solution." (pp. 40-41)

D'emblée, sa quête se trouve placée sous un double signe. Le signe des poupées, et le signe du feu. Des poupées qui, au Japon, jouent un rôle important dans de nombreux rituels. Des poupées que Keiko a découvertes dès son arrivée, bien installées dans une niche au fond de la cuisine de son nouvel appartement, et dont la présence n'est pas, tant s'en faut, toute bienveillance: "(...) elles sont là, elles attendent, écoutent et se taisent. On leur parle et les mots tombent sur elles comme dans un puits, avec un écho mat et perdu. On ne sait ce qui les touche vraiment, de nos pires tortures qu’elles supportent bouche cousue, souriantes, ou de nos marques d’amour qui se déversent en elles, signes de manque ou de trop-plein, et qu’elles reçoivent avec le même silence." (p. 22). Des poupées, enfin, qu'au Japon l'on a coutume de brûler au cours d'une cérémonie*, lorsque l'on n'en veut plus, car "les poupées ont une âme, on ne les jette pas ainsi au rebut." (p. 107), une cérémonie qui nous conduit donc tout droit au deuxième signe planant sur la recherche de Keiko: le feu qui ne cesse de hanter ses nuits pendant lesquelles elle rêve d'un jeune cerisier en fleur, brûlant de l'intérieur. Le feu resté prisonnier des roches volcaniques dont elle fait collection depuis l'enfance. Le feu, enfin, auquel sa mère, plutôt que de les jeter, livrait certains objets de la vie courante: "Je me souviens du souci de ma mère de ne jamais jeter au rebut les baguettes, pas plus que d’autres objets usuels, aiguilles de couture ou porte-mine. Elle les enveloppait dans du papier de soie, celui-là même qu’elle utilisait pour emballer les objets d’art de sa galerie, et les déposait pieusement dans la cheminée du salon, où elle les brûlait. Les objets en métal et en plastique calcinaient longtemps sans parvenir à disparaître. La femme de ménage emportait leurs restes avec les cendres." (pp. 20-21)

C'est une belle découverte que celle de ce livre qui s'impose durablement à l'attention par la force d'images récurrentes dont les subtiles variations dans leur répétition même renforcent encore les échos. Des images que je qualifierais volontiers de "redoutablement efficaces" si je ne craignais par là de les faire passer pour simplistes, ce qu'elles ne sont en aucun cas: si riches d'harmoniques, de profondeurs et de couleurs changeantes, tout comme le roman qui en est tissé.

* Une cérémonie que Chris Marker a d'ailleurs filmée dans son très beau et très étrange "Sans soleil".

Extrait:

"Est-ce le mouvement des feuilles, j’ai l’impression que les arbres progressent avec moi: ils m’accompagnent, figures tutélaires protégeant mes premiers pas, et me guident jusqu’à un coin de la muraille où pousse un jeune cerisier. Son printemps est splendide, ses branches ploient sous les fleurs, essaimant une pluie de pétales qui tombent avec la douceur molle des flocons. Face au jeune arbre, j’ai la certitude d’être devant un autre moi-même et je ressens au plus profond la joie de sa floraison, sa poussée de sève, juvénile et un peu folle. L’envie me prend de jouer, et je plonge les mains dans cette neige soyeuse et odorante. Aussitôt j’éprouve une terrible brûlure: les pétales ne sont que cendres, la terre dessous est une braise. Les mains à vif, me mordant les lèvres pour ne pas hurler, je recule, regarde sans comprendre l’arbrisseau si paisible en apparence dont l’écorce vert tendre se craquelle révélant un tronc gris: l’arbre brûle de l’intérieur, de ses branches calcinées s’envolent des pétales de feu. Mes pieds s’enfoncent dans la cendre, la brûlure me gagne, je me sens aspirée par le brasier sous la terre, prise au piège des racines mortes. De toutes mes forces, je m’agrippe au tronc fragile du jeune cerisier: qu’il lutte, pousse, grandisse, malgré ses branches mortes et les arbres centenaires indifférents au drame. Posant ma joue contre le jeune tronc, j’entends résonner des craquements sinistres: métamorphosés en lave, la sève consume l’arbre de l’intérieur et ses fleurs, cendres éparpillées, volettent autour de moi pareilles à des âmes perdues..." (p. 10)

4 janvier 2011

L'art de la caricature

TACA0W12I2CA3G47AICAGULB85CAUN8R0KCAOJMSTSCAP0NZFXCA905VDBCAWZKOJ0CA4FK7G2CARP3UP4CAIHGTV3CAZ0N9WGCABQTSOICAJI6YCBCASK6GZCCAKNPHG3CAGSPVWQCAD42UQQCAPI7QUP"Pour rire: Daumier, Gavarni, Rops",
Musée provincial Félicien Rops, Namur
Jusqu'au 9 janvier 2011

Poursuivant une politique d'expositions temporaires centrées sur les personnalités de Félicien Rops et/ou d'artistes dont l'oeuvre offre des correspondances particulières avec celle du troublion namurois, le musée Félicien Rops met actuellement en lumière son art de la caricature, dans un face à face savoureux avec les dessins et gravures de deux maîtres français du genre: Honoré Daumier et Paul Gavarni.

Sous leurs crayons affutés, leurs traits vifs et coquins, la caricature fait flèche de tout bois, prenant pour cible aussi bien la bourgeoisie et la vie du couple que les attitudes des jeunes femmes de moeurs légères que l'on connaissait alors sous le nom de lorettes, contrepoint féminin du dandy, ou encore de se gausser au passage des dernières modes vestimentaires (l'encombrante crinoline!) ou des nouvelles professions en vogue (médecins, avocats...) sans oublier d'ailleurs de rire de soi et plus généralement des poses de l'artiste. De quoi s'offrir un franc sourire en ces temps de grisailles météorologiques.

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Honoré Daumier, Croquis d'expressions: Que diable! Monsieur, ne bougez donc pas les mains, vous perdez la pose... (source)

Présentation officielle de l'exposition, sur le site du musée Félicien Rops

Vous trouverez également, dans mon chapeau, des billets traitant d'autres expositions du musée Félicien Rops: "L'oeuvre secret de Gustav-Adolf Mossa" et "Impressions symbolistes - Edmond Deman (1857-1918)" 

30 décembre 2010

Une danse des bas-fonds

"Ego tango" de Caroline De Mulder31aji1cpryL__SL500_AA300_
4 étoiles

Editions Champ vallon, 2010, 217 pages, isbn 9782876735330

"Tout commence vraiment par les chaussures, rangées dans ses sacs exprès, veloutés ou satinés. Nous en changeons sitôt arrivées, laissant loin derrière l’hiver et la lumière basse et le cuir mouillé des jours de semaines. Nous perchons sur nos escarpés de jolies folles, nous nichons à des hauteurs épineuses, nous nous berçons, enlevées. Plus grandes que nous-mêmes, des gamines debout sur une chaise, et les hanches serrées de près, des oiseaux juchés sur des béquilles." (p. 21)

Une libération du poids du quotidien, un autre rapport au corps ou encore une forme d’équilibre. Voilà en peu de mots ce que l’héroïne de ce premier roman très maîtrisé recherchait, plus ou moins confusément, dans la pratique du tango, le tango dont elle nous confie qu’il "était tout ce que je n’étais pas (…)" (p. 34). Mais elle y trouvera pourtant tout autre chose, et c’est bien là le sujet d’"Ego tango": une passion dévorante, une forme de dépendance ou d’addiction - qui n’a rien à envier, sans doute, à celle créée par l’alcool, la cigarette ou l’une ou l’autre poudre délétère -, destructrice, à force.

C’est que sous la plume effilée, et dans la prose rythmée, scandée et palpitante, de Caroline De Mulder, le tango, que l’auteur a elle-même pratiqué intensément pendant quelques années, redevient ce qu’il était aux origines: une danse des bas-fonds, la danse des ouvriers des abattoirs et des bordels, la danse des filles perdues et des mauvais garçons qui les exploitent sans vergogne, un espace où se perdre – peut-être – sans retour.

Extrait:

"Alors toi aussi, un avant et un après (le tango du côté de l’après). Une vraie communion et deux tronçons de vie, dont la seconde censément plus glorieuse. Tous les soirs la même histoire: c’est à se demander ce que je faisais avant. Le tango est une revanche dont je ne peux plus me passer; je me sens grandie d’autant que je fais tourner toutes les têtes. La vraie vie n’existe plus. Rien dehors, ici diosa, ils disent déesse. Je suis ce que j’aurais pu être. Moi qui ai les mains vides et les yeux plus grands que le cœur." (pp. 71-72)

25 décembre 2010

Tous mes voeux pour un très heureux Noël et une bonne année 2011!

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Civilisation Vicus, Côte septentrionale du Pérou, Vase à goulot et anse pontée représentant un couple avec enfant, Musées royaux d'Art et d'Histoire, Bruxelles (Cliché Fée Carabine)

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