Une porte ouvrant sur un avenir meilleur
"Une porte sur l'été" de Robert A. Heinlein
3 ½ étoiles
Le livre de poche/SF, 2010, 281 pages, isbn 9782253023401
(traduit de l'Anglais par Régine Vivier)
Oui, je l'avoue, je fais partie de ces lecteurs trop gourmands qui ont la mauvaise habitude de lire plusieurs livres en même temps... Sauf que... Une fois n'est pas coutume: passant de nouvelles inédites de Raymond Carver ("Débutants") à "Une porte sur l'été", j'aurais parfaitement pu croire que je lisais toujours le même livre, à savoir l'histoire d'un pauvre type noyant dans l'alcool son chagrin d'avoir été trahi par la femme qu'il aimait.
Mais heureusement pour Danny B. Davis, le héros d'"Une porte sur l'été", le monde selon Robert A. Heinlein offre des possibilités inexistentes dans les USA de Raymond Carver. Avec la complicité de son chat Pete (diminutif de Petronius), et de Ricky Tikki-Tavi – non, ce n'est pas une mangouste*! C'est une petite fille -, grâce aux cures de long sommeil – trente ans au dodo en hypothermie, dont on se réveille sans avoir pris une ride – et aux voyages temporels – encore très expérimentaux -, Danny a au fond toutes les cartes en main pour se construire un avenir meilleur, et trouver sa porte sur l'été.
En dépit de l'humeur morose de son héros, du moins au moment où nous faisons sa connaissance, Robert A. Heinlein maintient de bout en bout un ton léger, désinvolte et pétillant, en évitant soigneusement toute réflexion métaphysique sur le libre arbitre, que le voyage dans le temps appelait pourtant du pied et à laquelle Hubert Lampo – un des grands représentants du réalisme magique en Belgique – a prêté une dimension proprement vertigineuse dans son excellente nouvelle "De geboorte van een god"**. Il n'y a donc rien de cela dans "Une porte sur l'été", mais un bon petit roman, bien enlevé: juste ce qu'il faut pour passer un agréable moment de détente.
* Même si Rikki-Tikki-Tavi en est bien une, de mangouste, sous la plume de Rudyard Kipling ;-).
** "La naissance d'un dieu", nouvelle qui, à ma connaissance, n'est malheureusement pas disponible en traduction française.
Extrait:
"Durant son enfance de chaton, alors qu'il n'était encore qu'une boule duveteuse et bondissante, Pete s'était élaboré une philosophie toute personnelle: j'avais la charge du logis, de la nourriture et de la météorologie. Lui était chargé du reste. Il me rendait tout particulièrement responsable du temps qu'il faisait. Les hivers du Connecticut ne sont jolis que sur les cartes de Noël. Cet hiver-là, très régulièrement, Pete allait jeter un coup d'oeil à sa chatière, et, se refusant à emprunter ce chemin recouvert d'une déplaisante matière blanche – il n'était pas fou -, venait me tanner jusqu'à ce que je lui ouvre une porte.
Il avait la conviction inébranlable que l'une d'elles, au moins, devait s'ouvrir en plein soleil – s'ouvrir sur l'été. Il me fallait donc, chaque fois, faire le tour des onze portes en sa compagnie, les lui ouvrir l'une après l'autre, et lui faire constater que l'hiver sévissait également, tandis que ses critiques sur mon organisation défectueuse s'élevaient crescendo à chaque déception." (p. 8)
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