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Dans mon chapeau...
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5 juin 2010

Fascinations

"Reflets dans un œil d’or" de Carson McCullers41625WSVH8L__SL500_AA300_
4 étoiles

Stock/La cosmopolite, 2001, 174 pages, isbn 2234054273

(traduit de l’Anglais par Pierre Nordon)

Désir ou répulsion, amour ou haine. Ces passions ne s'exacerbent jamais autant que dans un monde refermé sur lui-même, alors que ceux qui en sont la proie ne peuvent leur opposer la moindre dérivation. Et il en va bien ainsi des héros de "Reflets dans un oeil d'or": le capitaine Penderton, sa femme et l'amant de cette dernière, le commandant Langdon dont la propre épouse, Alison, ne s'est jamais remise de la mort de leur petite fille et ne trouve quelque consolation que grâce aux attentions de son domestique philipin, Anacleto, tandis qu'ignoré des autres personnages, le simple soldat Elgee Williams se prend d'une véritable fascination pour Mrs Penderton.

Avec ce roman situé dans le huis-clos d’une garnison du Sud des Etats-Unis, Carson McCullers nous offre un drame tendu et resserré, d’une extrême économie. Un drame à six personnages que leurs obsessions, leurs angoisses et leurs fascinations inavouables – de celles que l’on n’ose même pas s’avouer à soi-même mais que vient pourtant incarner dans leurs rêves "un paon d’un vert sinistre, avec un immense œil d’or. Et dans cet œil les reflets d’une chose minuscule…" (p. 121) - mèneront inéluctablement vers une issue tragique. Un drame qui tient toute son intensité de la franchise avec laquelle l'auteur aborde les ressorts les plus secrets des comportements de ses héros - sans pour autant sombrer dans l'impudeur – par la grâce d'une écriture aussi sobre que précise.

C'est dire que si le deuxième roman de Carson McCullers ne partage pas la notoriété de son devancier, "le coeur est un chasseur solitaire", ou des nouvelles de "La Ballade du café triste", dont il ne possède peut-être pas la grâce, il n'en mérite pas moins toute notre attention!

Extrait:

"L’agitation du capitaine avait ce soir de nombreuses causes. Il possédait à certains égards une personnalité peu banale. Il entretenait une curieuse relation avec les trois aspects fondamentaux de l’existence que sont la vie elle-même, le sexe et la mort. Sexuellement, il présentait une subtile ambivalence entre les deux sexes, mais sans manifester l’activité de l’un ou de l’autre. Pour un être enclin à se tenir un peu à l’écart de l’existence et à relativiser ses impulsions affectives pour se livrer à une activité impersonnelle, de nature artistique ou simplement excentrique, la recherche de la quadrature du cercle, par exemple, est une condition tout à fait supportable. Le capitaine avait son travail et il ne se ménageait pas; on lui prédisait une brillante carrière. Peut-être sans sa femme n’aurait-il pas souffert de ce manque ou de cet excès. Mais il souffrait en sa compagnie. Il avait une funeste tendance à s’éprendre des amants de son épouse." (p. 20)

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Commentaires
F
Ah... je n'ai jamais vu le film tiré de "Reflets...", mais j'en prends bonne note car j'aime énormément les adaptations cinématographiques de Tennessee Williams (à commencer par la formidable "Chatte sur un toit brûlant")... Merci!
E
J'aime beaucoup l'univers très sud de Carson McCullers.Le film de Huston est assez réussi avec Brando et Taylor.J'aime aussi Frankie Adams. Tennessee Williams n'est pas si loin.
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