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Dans mon chapeau...
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japon
16 avril 2010

Un film total

affiche_jpg_r_160_214_b_1_CFD7E1_f_jpg_q_x_20021210_030144"Les sept samouraïs" d'Akira Kurosawa,
avec Toshirô Mifune

L'enthousiasme obsessionnel de Ludo et Sibylla, héros du "dernier samouraï" d'Helen Dewitt, pour ce film qu'ils se repassent en boucle, du début à la fin ou par morceaux, dans l'ordre ou dans le désordre, avait rendu cela inéluctable: je me devais de découvrir "Les sept samouraïs" et grâce au cycle "films de samouraïs" proposé récemment sur Arte, c'est à présent chose faite. Et ma foi, je peux comprendre l'admiration de Sibylla pour ce film et son idée un peu biscornue de proposer ses sept héros à son fiston comme figures paternelles de remplacement, car les valeurs et le code éthique qu'ils incarnent - sans tomber dans les bons sentiments ni dans la morale à deux sous - les prédisposent à l'évidence pour ce rôle.

Mais c'est bien loin d'épuiser tout ce qu'il y a à dire de ce qui s'impose comme un des tout grands films d'Akira Kurosawa. Car "Les sept samouraïs" est avant tout un film total à l'image des pièces de Shakespeare que le réalisateur japonais admirait tant et qu'il a d'ailleurs portées à plusieurs reprises au grand écran: tout à la fois un film contemplatif et un film d'action, un film de guerre et un film d'amour, un drame et une comédie. Bref, un indispensable à voir et à revoir, oui, à l'exemple de Ludo et Sibylla.

Un autre film d'Akira Kurosawa, dans mon chapeau: "Rhapsodie en août"

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4 février 2010

"Séismes intérieurs"

"Après le tremblement de terre" d'Haruki Murakami414E2H9B38L__SL500_AA240_
4 étoiles

10/18, 2007, 158 pages, isbn 9782264033796

(traduit du Japonais par Corinne Atlan)

C'est le grand tremblement de terre de Kobé – plus de 6000 morts et 40000 blessés le 17 janvier 1995 – qui amena Haruki Murakami, alors installé aux Etats-Unis, à rentrer au Japon. Et dans ce recueil de nouvelles – son premier livre publié après son retour au pays -, l'écrivain japonais nous livre six parcours peut-être pas très différents de ce qui fut le sien, six histoires dont les héros voient leurs vies peu ou prou bouleversées dans la foulée de ce tremblement de terre.

Les deux premières nouvelles – "Un ovni a atterri à Kushiro", le récit des quelques jours de vacances que Komura passe dans le Hokkaido alors que son épouse vient de le quitter soudainement et de demander le divorce, et "Paysage avec fer", portrait d'un groupe de personnages quelque peu paumés que le destin a rejetés sur une plage déserte – m'ont laissé malgré leur charme un petit goût de trop peu, de pas tout à fait achevé. Mais je me suis par la suite de plus en plus laissée prendre au jeu des autres nouvelles. Les développements oniriques de "Tous les enfants de Dieu savent danser" et de "Crapaudin sauve Tokyo" ont su me surprendre à l'égal des passages les plus étonnants de "Chroniques de l'oiseau à ressort" ou de "Kafka sur le rivage". Quant à "Thaïlande" et "Galette au miel", ces deux récits nettement plus réalistes sont aussi très touchants, retraçant la prise de conscience et d'une certaine façon la libération de deux héros qui s'étaient laissés prendre au piège, l'une par la haine, l'autre plus simplement par ses hésitations interminables...

Extrait:

"Junpei reprit l'avion, rentra à Tokyo, retourna à sa vie habituelle. Il n'alluma plus la télévision, ne lut pas les journaux. Quand on parlait du tremblement de terre, il se taisait. C'était l'écho d'un passé lointain qu'il avait enterré il y a trop longtemps. Il n'avait même pas remis les pieds dans cette ville depuis sa sortie de l'université. Pourtant, les scènes de dévastation entrevues sur l'écran de la télévision espagnole avaient ravivé une blessure profondément enfouie en lui. Cette catastrophe d'une ampleur inégalée, qui avait fait de nombreuses victimes, semblait avoir transformé tous les aspects de sa vie, sans bruit, mais de fond en comble. Junpei ressentait une profonde solitude, inconnue jusqu'alors. «Je n'ai pas de racines, se disait-il. Je ne suis relié à rien.»" (p. 149)

D'autres livres d'Haruki Murakami sont présentés sur Lecture/Ecriture.

4 janvier 2010

Une inquiétante absence

"Manazuru" d'Hiromi Kawakami51ZKnS92uAL__SL500_AA240_
4 étoiles

Philippe Picquier, 2009, 230 pages, isbn 9782809701067

(traduit du Japonais par Elisabeth Suetsugu)

Peintre, dans "Les années douces" et "La Brocante Nakano", de la délicatesse et de la subtilité de sentiments qui affleurent à peine à la conscience de ses héros, Hiromi Kawakami révèle avec ce nouveau roman une facette plus sombre de son talent.

Rei, le mari de Kei, l'héroïne de "Manazuru", a disparu douze ans auparavant sans laisser la moindre trace. Depuis lors, la jeune femme a poursuivi son existence: elle s'est installée avec sa mère, elle a regardé grandir sa petite fille, devenue à présent adolescente, et elle a noué une liaison avec Seiji, lui-même marié et père de trois enfants mais qui offre un exutoire à ses aspirations sensuelles et passionnelles. Mais si pleine qu'elle puisse paraître la vie de Kei demeure boîteuse, hantée par une absence qui, faute de s'avouer définitive, n'en est pas vraiment une. Et elle se trouve hantée, aussi, par ces silhouettes inquiétantes, mystérieuses et quelque peu menaçantes, que la jeune femme aperçoit, ça et là, du coin de l'oeil, des silhouettes, celle en particulier d'une femme inconnue, qui ne cessent de la ramener à Manazuru, petite station balnéaire dont le nom est l'une des dernières annotations que son mari disparu avait portées dans son journal...

Flirtant délicatement avec l'étrange et le fantastique, Hiromi Kawakami distille lentement dans "Manazuru" un trouble subtil, reflet des états d'âme de son héroïne qui, déjà privée de son mari depuis plus de douze ans, se voit peu à peu dépossédée de ses souvenirs, occultés parce que trop douloureux, ou plus simplement mais tout aussi inéluctablement effilochés par le passage des années. Elle nous offre ainsi un beau roman de l'incertitude, de l'entre-deux. Un roman voilé des brumes du bord de mer, et d'une infinie délicatesse.

Extrait:

"Qu'en est-il alors de mon mari? Ce mari qui a disparu, dont je ne connais plus l'apparence, cette coupure soudaine et brutale. Mon mari n'est pas «quelqu'un qui n'est plus», il est celui «qui n'est pas encore là».
Celui qui n'est pas encore là. Qui apparaîtra peut-être un jour.
Seul ce qui existe maintenant peut disparaître dans le passé.
Ce qui n'est pas là ne saurait être gommé et rejeté dans le passé. Indélébile pour toujours. Absent, et pourtant qui ne disparaît jamais, présent à jamais.
Encore une fois, la femme a dit: Le bateau...
Bon, ça va, j'ai compris! Oui, j'irai à Manazuru, ai-je répondu. Au même instant, la pluie s'est mise à tomber."
(pp. 95-96)

12 novembre 2009

Haiku (2)

Soseki_2Le feu des prunelles
Dévore sa silhouette squelettique
Chat amoureux

Sôseki, "Haikus", Philippe Picquier, 2006, p. 59 (traduit du Japonais par Elisabeth Suetsugu)

Haiku (1)

16 octobre 2009

Haiku (1)

Soseki_1

Dans l'air vibre la corde
Silence tendu silence rompu
Chute mate d'une fleur de camélia

Sôseki, "Haikus", Philippe Picquier, 2006, p. 23 (traduit du Japonais par Elisabeth Suetsugu)

Haiku (2)

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31 août 2009

Yakuza-san va à la plage

18476821"Sonatine" de et avec Takeshi Kitano

Retour à l'écran total* et au cycle "Vingt ans, vingt réalisateurs" où l'année 1993 est représentée par Takeshi Kitano et son étonnante "Sonatine", qui s'annonce comme un film de genre avant d'emprunter des chemins de traverse.

Tout commence en effet en pleine scène de racket, Takeshi Kitano incarnant Murakawa, le lieutenant d'un big boss de la mafia tokyoïte, menant pendant son temps libre ses propres et juteuses petites affaires. Et voilà que le big boss décide d'envoyer Murakawa et ses hommes pour négocier la fin d'une guerre des gangs sur l'île d'Okinawa, ce qui sent le coup fourré à plein nez - et pour cause! La suite semble prévisible et il est vrai que par moment, ça pam pim pouf et rakatakata pas mal. Mais les scènes de violence résonnent ici à l'égal d'un coup de foudre dans un ciel serein, tandis que Murakawa et sa bande coulent quelques journées tranquilles dans une maisonnette isolée en bord de mer, passant leur temps entre frisbee, combats de sumo pour de rire et châteaux de sable... Juste avant "Hana Bi" qui devait asseoir définitivement la réputation de Takeshi Kitano comme réalisateur, "Sonatine" se révèle un film insolite par son atmosphère le plus souvent idyllique, et en bref, une jolie surprise.

*Non, je ne parle toujours pas de la crème solaire, bien inutile dans les salles obscures. Pour plus d'explications, c'est ici.

Et pour le programme complet du festival "Ecran total" et toutes les informations pratiques, c'est là.

6 août 2009

Peace and love

"La Femme qui dort" de Natsuki Ikezawa 51o54QthcPL__SL160_AA115_
4 étoiles

Philippe Picquier, 2009, 119 pages, isbn 9782809701166

(traduit du Japonais par Corinne Quentin)

L’ombre de puissances archaïques semble étendre sa protection bienveillante sur les trois nouvelles rassemblées dans ce recueil. "La Femme qui dort" de la nouvelle-titre se voit ainsi transportée en rêve, en un sommeil irrésistible et hypnotique, de Boston où elle a suivi son mari vers l’île de Kudakajima, et la célébration d’un ancien rituel, Izaihô, qui y fut pratiqué pour la dernière fois en 1978. Dans "Mieux encore que les fleurs", un couple que séparent différences d’âge et de rang social partage quelques jours d’une passion sensuelle, prêtant ainsi leurs corps à deux amants dont l’histoire connut une fin tragique quelques siècles plus tôt. Quant à la première nouvelle, "Les origines de N’kunre", elle nous entraîne au Brésil pour assister à l’émergence d’une pratique spirituelle – N’kunre aussi appelée la Recitação – qui en apaisant leurs désirs amène les hommes à mener une vie plus sereine et pacifique.

L’écriture de Natsuki Ikezawa, simple, neutre, "blanche" à la façon de celle du Suisse Peter Stamm, dégage le même charme inattendu, un peu mystérieux car inexplicable. On ne pourrait rêver plus bel écrin pour ces trois histoires animées de bout en bout par de discrètes et anciennes présences qui n’ont pourtant rien perdu de leur puissance vivifiante, celles peut-être que cherchent à rejoindre les rituels animistes pratiqués encore il y a peu dans la région d’Okinawa où l’auteur a longtemps vécu et sur lesquels il pose un regard attentif et teinté de tendresse.

C’est un très beau moment de chaude douceur, qui enveloppe le lecteur dès la – fort jolie – couverture.

Extrait:

"A partir de ce moment-là, elle eut l’impression de vraiment se transformer. Depuis le rêve de ces derniers jours je me sens comme un grand bateau qui sombre dans une mer peu profonde; je me sens couler vers le fond de moi-même et là, sans le moindre tangage, immobile au milieu du vaste océan sur lequel je ne naviguerai plus, j’ai l’impression que l’eau va me traverser librement au gré des marées et que des milliers de petits poissons viendront se réfugier là. C’est sans doute parce que le bateau coule que je deviens quelqu’un d’autre. Dorénavant, uniquement préoccupée par ce rafiot dont la silhouette n’est qu’à peine visible au milieu des vagues, je vais vivre les yeux fixés sur lui à travers l’épaisseur de l’eau. A moins que je ne plonge et nage dans les profondeurs pour regarder autour de moi les bancs de poissons étincelants, les rayons du soleil qui percent la surface au-dessus de ma tête, ou les timides langoustes qui, à reculons, vont se cacher dans des coins sombres." (p. 112)

4 juillet 2009

Retrouvailles familiales

19062293"Still walking" de Hirokazu Kore-Eda,
avec Hiroshi Abe, Yoshio Harada et Kirin Kiki

Le précédent opus de Hirokazu Kore-Eda - le très bon "Nobody Knows" - est  avant tout resté dans ma mémoire comme l'un des films les plus littéralement plombants qu'il m'ait jamais été donné de voir. Et je ne pouvais sans doute pas imaginer de contraste plus frappant qu'entre ce film et la dernière oeuvre en date du réalisateur japonais. Car "Still walking" est un vrai petit moment de bonheur cinématographique, d'une grande douceur même si l'ombre n'en est pas absente.

Comme chaque année, à la même époque depuis quinze ans, la famille Yokohama s'est réunie pour commémorer la mort accidentelle du fils aîné. C'est l'occasion de resserrer les liens familiaux, affaiblis par la distance, mais aussi de laisser affleurer - oh, à peine - les vieilles rancoeurs, car le jeune frère et la soeur du disparu n'ont pas oublié que celui-ci était sans conteste le fils préféré... Hirokazu Kore-Eda a déployé une infinie délicatesse et une grande finesse d'observation pour nous restituer les relations entre les membres de cette famille, à la fois unie et divisée - une famille au fond comme  beaucoup d'autres -, tout au long de cette belle journée d'été. Et le résultat est un bijou que vous auriez bien tort de bouder!

27 avril 2009

"Le poids de la brise de mer"

"La mer" de Yôko Ogawa41o8J_2Bli6IL__SL160_AA115_
4 ½ étoiles

Actes Sud, 2009, 149 pages, isbn 9782742781782

(traduit du Japonais par Rose-Marie Makino)

"La mer", ce sont sept nouvelles de Yôko Ogawa, dans sa veine la plus délicate et la plus tendre. Bien plus près de la douceur de "La marche de Mina" que de l’inquiétante étrangeté de "L’annulaire".

Deux de ces nouvelles sont très courtes, guère plus que des instantanés. "Le crochet argenté" évoque un voyage en train pendant lequel une des passagères, tortillant habilement un fil de coton blanc autour d’un crochet d’argent, rappelle à la narratrice le souvenir de sa grand-mère décédée. "Boîte de pastilles" nous fait partager le quotidien du chauffeur d’un  bus scolaire, les poches bourrées de pastilles aux parfums variés pour consoler les petits et gros chagrins de ses turbulents petits passagers. Mais si les cinq autres textes rassemblés ici sont plus longs, tous séduisent par la même capacité à plonger leurs lecteurs dans des atmosphères d’une grande douceur, que ce soit au cours d’un "Voyage à Vienne", d’une visite guidée d’une petite ville japonaise ( "La guide" ) ou lorsqu’un envol de poussins rend sa voix à une petite fille que la mort de sa maman avait rendue muette ("Le camion de poussins").

La poésie et l’insolite sont toujours au rendez-vous. Mais il s’agit bien ici des surprises qui surgissent d’une observation attentive d’un monde tout ce qu’il y a de plus ordinaire, comme lorsqu’une des employées du "bureau de dactylographie japonaise Butterfly" se prend à réfléchir à la portée symbolique de certains caractères d’imprimerie japonais. Point de dérapage onirique ici, mais une grande acuité d’observation mariée à un art subtil de la suggestion pour 150 pages de pure douceur.

Extrait:

"Au début, j’ai trouvé que Butterfly était un drôle de nom pour un bureau de dactylographie japonaise.
— Regardez le mouvement de la main tenant le levier qui cherche un caractère sur la casse, ne trouvez-vous pas qu’il ressemble à celui d’un papillon volant à la recherche du nectar des fleurs ? disait le directeur du bureau en désigant le travail de mes aînées."

D'autres livres de Yôko Ogawa sont présentés sur Lecture/Ecriture.

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