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Dans mon chapeau...
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4 janvier 2010

Une inquiétante absence

"Manazuru" d'Hiromi Kawakami51ZKnS92uAL__SL500_AA240_
4 étoiles

Philippe Picquier, 2009, 230 pages, isbn 9782809701067

(traduit du Japonais par Elisabeth Suetsugu)

Peintre, dans "Les années douces" et "La Brocante Nakano", de la délicatesse et de la subtilité de sentiments qui affleurent à peine à la conscience de ses héros, Hiromi Kawakami révèle avec ce nouveau roman une facette plus sombre de son talent.

Rei, le mari de Kei, l'héroïne de "Manazuru", a disparu douze ans auparavant sans laisser la moindre trace. Depuis lors, la jeune femme a poursuivi son existence: elle s'est installée avec sa mère, elle a regardé grandir sa petite fille, devenue à présent adolescente, et elle a noué une liaison avec Seiji, lui-même marié et père de trois enfants mais qui offre un exutoire à ses aspirations sensuelles et passionnelles. Mais si pleine qu'elle puisse paraître la vie de Kei demeure boîteuse, hantée par une absence qui, faute de s'avouer définitive, n'en est pas vraiment une. Et elle se trouve hantée, aussi, par ces silhouettes inquiétantes, mystérieuses et quelque peu menaçantes, que la jeune femme aperçoit, ça et là, du coin de l'oeil, des silhouettes, celle en particulier d'une femme inconnue, qui ne cessent de la ramener à Manazuru, petite station balnéaire dont le nom est l'une des dernières annotations que son mari disparu avait portées dans son journal...

Flirtant délicatement avec l'étrange et le fantastique, Hiromi Kawakami distille lentement dans "Manazuru" un trouble subtil, reflet des états d'âme de son héroïne qui, déjà privée de son mari depuis plus de douze ans, se voit peu à peu dépossédée de ses souvenirs, occultés parce que trop douloureux, ou plus simplement mais tout aussi inéluctablement effilochés par le passage des années. Elle nous offre ainsi un beau roman de l'incertitude, de l'entre-deux. Un roman voilé des brumes du bord de mer, et d'une infinie délicatesse.

Extrait:

"Qu'en est-il alors de mon mari? Ce mari qui a disparu, dont je ne connais plus l'apparence, cette coupure soudaine et brutale. Mon mari n'est pas «quelqu'un qui n'est plus», il est celui «qui n'est pas encore là».
Celui qui n'est pas encore là. Qui apparaîtra peut-être un jour.
Seul ce qui existe maintenant peut disparaître dans le passé.
Ce qui n'est pas là ne saurait être gommé et rejeté dans le passé. Indélébile pour toujours. Absent, et pourtant qui ne disparaît jamais, présent à jamais.
Encore une fois, la femme a dit: Le bateau...
Bon, ça va, j'ai compris! Oui, j'irai à Manazuru, ai-je répondu. Au même instant, la pluie s'est mise à tomber."
(pp. 95-96)

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