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Dans mon chapeau...
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21 décembre 2010

"Une comédie de l’âme allemande", vraiment?

"Avant la retraite" de Thomas Bernhard41I91pA0n2L__SL500_AA300_
3 ½ étoiles

Editions de l’Arche, 2007, 137 pages, isbn 9782851810663

(traduit de l’Allemand par Claude Porcell)

Sous-titré "une comédie de l’âme allemande", "Avant la retraite" nous immerge dans le huis-clos oppressant qu’est la vie de Rudolf Höller, de ses sœurs Vera - avec laquelle il entretient une relation incestueuse - et Clara – que les blessures qu’elle a encourues pendant un bombardement ont clouée dans un fauteuil roulant -, et de leur bonne sourde-muette... Certainement pas par hasard, ainsi que le constate Vera :

"Une qui entendrait et qui parlerait
serait mieux naturellement d’une part
mais d’autre part il est bon
qu’elle ne puisse pas entendre
ni parler
c’est là-dessus que tout repose
qu’elle n’entende pas
et ne parle pas
imagine
qu’elle parle
et qu’elle entende."
(pp. 11-12)

Ancien SS et commandant d’un camp de prisonniers, Rudolf a échappé aux procès de l’après-guerre grâce à de faux papiers qui lui avaient été fournis par Himmler. Devenu par la suite juge dans sa ville natale, une fonction qu'il est à présent sur le point de quitter, atteint par la limite d'âge, il célèbre depuis lors chaque 7 octobre l’anniversaire de son sauveteur, et cela comme de bien entendu dans la plus stricte intimité. La comédie de l’âme allemande annoncée par le sous-titre apparaît dès lors comme celle d’un esprit imprégné d’un antisémitisme irréductible car "telle est la nature allemande" (p. 40), sans que les protestations de Clara - ses convictions politiques sont diamétralement opposées à celles de sa sœur et de son frère dont elle est par ailleurs dépendante - puissent y changer quoi que ce soit. Portrait-charge – mais on a connu Thomas Bernhard plus virulent -, comédie ou drame, "Avant la retraite" m’a en tout cas semblé curieusement privé d’enjeu, une longue suite de confrontations certes non dénuées de brio mais d’autant plus artificielles que leurs protagonistes ne sont que trop conscients d’y jouer un rôle écrit d’avance, obéissant à des règles précises encore que mystérieuses.

Extrait:

"Mais ce dont il s’agit
C’est de perfectionner
le rôle que nous jouons
parfois nous ne comprenons pas cela nous-mêmes
alors nous sommes plongés dans le malaise
mais nous savons exactement ce que nous avons à faire
Toi c’est avec le fauteuil roulant
c’est au moins aussi cruel
que moi avec Rudolf
Nous ne pouvons pas faire autrement
nous nous mentons
mais que c’est beau en fin de compte
ce que nous faisons
en le jouant
et ce que nous jouons
en le faisant
Contrevenir à nos lois
n’est plus possible"
(p. 42)

Un autre livre de Thomas Bernhard, dans mon chapeau: "Un enfant", "Maîtres anciens", "Le naufragé" et "Des arbres à abattre".

Et d'autres encore sur Lecture/Ecriture où Thomas Bernhard était l'auteur des mois d'octobre et novembre 2010.

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