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Dans mon chapeau...
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7 juin 2009

D’une émotivité exacerbée

"Le petit héros" de Fédor Dostoïevski51SQV46H9BL__SL160_AA115_
3 ½ étoiles

Actes Sud/Babel, 2000, 69 pages, isbn 274272768X

(traduit du Russe par André Markowicz)

Un jeune garçon, presqu’un adolescent, passe le mois de juillet à la campagne chez des parents éloignés. Ses hôtes mènent grand train, recevant dans leur propriété des environs de Moscou une société brillante et variée, très gaie et superficielle aussi, que l’enfant n’a pas encore pris l’habitude de fréquenter. Et pour le jeune héros de Dostoïevski, ces quelques semaines estivales au milieu de tous ces inconnus se muent en une véritable éducation sentimentale: découverte des premiers émois amoureux, mais aussi de l’hypocrisie, du poids des apparences, de la bêtise et de l’absurde cruauté des hommes…

Tout, dans ce bref récit, est exacerbé : émotions, sensations. A tel point que l’intensité à laquelle Dostoïevski atteint dans l’expression des sentiments en vient presque à occulter le déroulement du récit. A tel point aussi qu’il est bien difficile de faire abstraction des circonstances dans lesquelles "Le petit héros" a vu le jour, et que nous dévoile la quatrième de couverture: au printemps 1849, alors que l’auteur emprisonné pour complot politique, attend le procès dont nous savons aujourd’hui qu’il se clôtura par sa condamnation à mort (qui fut ensuite commuée en une peine de déportation). Dostoïevski ne pouvait sans doute pas repousser davantage les murs de sa cellule, et l’angoisse de ces jours d’attente, qu’avec ce court récit imprégné de toutes les senteurs d’un été baigné de soleil et de toutes les émotions inédites et incontrôlables de la fin de l’enfance, récit tendre à sa façon et pourtant tracé d’une plume trempée dans le vitriol le plus pur. C’est incontestablement émouvant, quoique pour d’obscures raisons qui ne tiennent pas toutes aux qualités du texte…

Extrait:

"On le disait un homme intelligent. C’est ainsi que, dans certains cercles, on appelle une race particulière de l’humanité, engraissée sur le compte d’autrui, qui ne fait absolument rien, qui ne veut absolument rien faire et qui, suite à sa paresse éternelle, à force de ne rien faire, a un morceau de gras à la place du cœur. Ces gens vous racontent qu’ils n’ont rien à faire suite à je ne sais quelles circonstances hostiles et embrouillées, qui "épuisent leur génie" et que c’est pour cela qu’ils "font peine à voir". C’est une phrase, agréable et pompeuse, qu’ils se répètent, c’est leur mot d’ordre*, leur mot de passe et leur slogan, une phrase que ces bedaines gavées répandent partout à chaque instant, et qui, depuis longtemps, commence à vous lasser, comme une tartufferie patente ou une platitude." (pp. 24-25)

* En Français dans le texte.

D'autres livres de Fédor Dostoïevski, dans mon chapeau: "Les nuits blanches" et "Le rêve d'un homme ridicule"

Et d'autres encore, sur Lecture/Ecriture.

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Commentaires
F
La biographie chez Actes Sud, c'est bien celle de Joseph Frank? Il y a déjà un petit moment que j'ai envie de lire une bonne biographie de Dostïevski: je prends note!
D
Ravie de découvrir un dostoievski jamais lu, ce que tu dis sur la période d'écriture de ce texte est important, du coup je vais me replonger pour voir si dans sa bio vraiment excellente chez actes sud ou dans sa correspondance il fait référence à ce texte ...Et puis un texte de 69 pages ne fera pas pencher trop fortement ma PAL
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