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Dans mon chapeau...
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17 décembre 2008

Quand le corps se fait "autre"

"Métamorphoses", chorégraphie de Frédéric Flamand
interprétée par le Ballet National de Marseille

Théâtre Royal de Namur, le 16 décembre

Frédéric Flamand et le Ballet National de Marseille ont ici fait appel à la complicité de deux designers brésiliens, les frères Humberto et Fernando Campana, pour revisiter les "Métamorphoses" d'Ovide à la lumière de nos obsessions contemporaines. Par le jeu d'éclairages et d'accessoires à première vue incongrus mais dont on comprend au fil du spectacle qu'ils n'ont rien de gadgets, les corps des danseurs se muent en créatures inquiétantes. Et le corps de ballet - car c'est bien de l'ensemble des danseurs qu'il faut parler alors - en vient à ne faire plus qu'un organiquement avec des musiques - telles la sonate pour violon et piano de Maurice Ravel - dont je n'imaginais pas qu'elles puissent se prêter à une semblable métamorphose.

Une heure et dix minutes d'une expérience intense, surprenante et fascinante!

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur

Article de Jean-Marie Wynants

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15 décembre 2008

Splendeur et dévastation

afte2"A cinq heures de l'après-midi" de Samira Makhmalbaf,
avec Agheleh Rezaïe

En 2001, le cinéaste iranien Mohsen Makhmalbaf avait consacré avec "Kandahar" un film aussi sombre qu'il n'était visuellement éblouissant au sort des femmes dans l'Afghanistan contrôlé par les Talibans. Deux ans plus tard, dans Kaboul à peine libérée, c'était au tour de sa fille Samira de prendre sa caméra pour nous conter l'histoire de Nogreh et de sa famille dans un film guère plus optimiste mais tout aussi magnifique que celui de son père.

Certes, en 2003, à Kaboul, les écoles s'étaient rouvertes et les filles avaient à nouveau le droit de les fréquenter. Mais la violence n'en continuait pas moins à faire rage. Et la détermination avec laquelle Nogreh et ses camarades de classe voulaient s'impliquer dans la vie sociale, économique et politique de leur pays ne cessait pas de se heurter à des comportements sexistes bien ancrés. Si bien qu'"A cinq heures de l'après-midi" pourrait passer pour un film désespéré si la beauté de ses images n'offrait vaille que vaille un barrage contre le désespoir. Et si son existence-même n'était un signe d'espoir malgré tout, et malgré tout le temps qu'il faudra encore avant que l'Afghanistan ne retrouve vraiment la paix.

Cinq ans après sa sortie en salle, le film de Samira Makhmalbaf, diffusé hier soir sur Canvas*, ne m'a paru, à l'épreuve du temps écoulé, que d'autant plus juste et sensible...

* Deuxième programme de la télévision belge d'expression flamande

14 décembre 2008

Un réveillon sans surprise

affiche_cuisine"Cuisine et dépendances" d'Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri,
Mise en scène de Daniel Hanssens

Théâtre Royal de Namur, le 13 décembre

En la transposant un soir de Saint-Sylvestre, Daniel Hanssens a fait de la première pièce écrite à quatre mains par le duo d'Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri un spectacle idéal pour les fêtes de fin d'année, bonne humeur garantie. On peut certes imaginer ce texte interprété avec un tout petit peu plus de mordant. Mais l'on n'en rit pas moins beaucoup au long de cette soirée qui tourne au désastre pour la maîtresse de maison (le dîner était trop salé, vraiment...) comme pour son mari, qui se sent bien coincé entre les inexplicables sautes d'humeur de madame et les "talents" de joueur de poker de son beau-frère...

Un réveillon agréable, sans grande surprise.

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur

Article dans Le Soir

Dans mon chapeau: un billet consacré au film "Cuisine et dépendances" de Philippe Muyl, avec Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri.

13 décembre 2008

"Paysage de neige"

Les flocons de neige
qui tombent
sur nos têtes
sont des clous vivants

Les champs blanchissent
les bruits s'estompent
la mort est certaine

Anise Koltz, "Le cri de l'épervier", Editions Phi/Collection Graphiti, 2000, p. 85

Un autre poème d'Anise Koltz, dans mon chapeau: "Le paysage immobile"

11 décembre 2008

Soleil d'hiver

"Deux rives" de Fabio Pusterla
4 étoiles
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Cheyne/D'une voix l'autre, 2004, 115 pages, isbn 284116070x

(traduit de l'Italien par Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet)

Né à Mendrisio, en Suisse italienne, en 1957, Fabio Pusterla partage à présent sa vie entre sa région d'origine et l'Italie du Nord. Entre l'enseignement, les traductions et une oeuvre poétique, qui apparaît au travers de ces "Deux rives" comme une poésie des lieux abandonnés où flotte pourtant encore le souvenir d'une présence, à l'égal d'un parfum... C'est une ruelle désertée, après le passage du promeneur dont les pas s'éloignent. Ce sont les échos laissés par les voix des habitants d'un quartier d'Ancône, détruit par un bombardement. C'est Armand Robin, un poète tombé dans l'oubli, et qui s'en voit tiré le temps d'une épitaphe. Ce sont les mots, même, qui se dérobent...

Composant ce recueil en mêlant des textes tirés en fait de deux livres différents, "Le Cose senza storia" et "Pietra sangue", Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet sont parvenus à offrir au lecteur francophone une vision aussi cohérente que séduisante de l'univers de Fabio Pusterla. La vision d'une beauté fragile sous un pâle soleil d'hiver. Une vision que j'aimerais pouvoir retrouver ailleurs...

Extrait:

Epitaffi per Armand Robin (3)

"Durante i miei lunghi ascolti
sentivo le margherite
chinare la testa pazienti
sul flusso delle radici:
terra nera che infossa.
Zolla su zolla dispensa
un alito greve, profondo.
Le voci dei miei poeti
salivano sempre dal basso,
parlavano piano
dal fondo."

Epitaphes pour Armand Robin (3)

"Pendant mes longues écoutes
je sentais que les marguerites
courbaient la tête, patientes
au-dessus de la force des racines:
terre noire, fossé.
Motte après motte, elle dispense
un souffle pesant, profond.
Les voix de mes poètes
montaient toujours d'en bas,
parlaient bas
à partir du fond."
(pp. 94-95)

Un autre poème de Fabio Pusterla, dans mon chapeau: Presso Voghera/Près de Voghera

Vous trouverez aussi plusieurs billets consacrés à Fabio Pusterla sur le blog d'Angèle Paoli, Terre de femmes: ici,  , et encore là-bas.

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10 décembre 2008

Mots masqués

"Sans doute était-elle, du fait de son âge, la seule qui écoutait sans rien dire. Pour les autres, ils avaient passé la plus grande partie de leur vie, et les mots n'étaient que du bruit, du vent. Ils n'avaient pas vraiment de réalité. Peut-être même qu'ils servaient à masquer la vie."

J.M.G. Le Clézio, "Ritournelle de la faim", Gallimard, 2008, pp. 83-84

9 décembre 2008

Le destin tragique d'Agamemnon

"Le Successeur" d'Ismail Kadaré
4 étoiles
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Le livre de poche/Biblio, 2007, 217 pages, isbn 9782253109143

(traduit de l'Albanais par Tedi Papavrami)

Deuxième étape de mon périple à travers l'oeuvre d'Ismaïl Kadaré, auteur des mois d'octobre et novembre 2008 sur Lecture/Ecriture.

Dans ce roman, écrit près de 18 ans après "La fille d'Agamemnon", Ismail Kadaré nous conte la suite de l'histoire de Suzana et de son père, lequel a poursuivi sa brillante carrière politique jusqu'à devenir rien de moins que le dauphin en titre du Guide de la Nation. Mais dans l'Albanie totalitaire, on ne s'élève si haut que pour mieux tomber. Et tel fut bien le sort du père de Suzana, retrouvé mort, "suicidé" d'une balle en pleine poitrine, par un froid matin de décembre.

Ismail Kadaré s'est ici inspiré d'un fait réel: la mort, restée à ce jour mystérieuse, d’un proche compagnon d'Henver Hodja, Mehmet Shehu, en 1981 *, dans un contexte politique très tendu, alors que l'Albanie et la Yougoslavie s'opposaient sur la question du Kosovo. Et partant, il nous offre un roman étrange, bruissant des multiples rumeurs d'une chute annoncée, puis des innombrables hypothèses suscitées par cette mort suspecte. Malgré la peur de la police secrète, les langues et les imaginations vont bon train, épinglant le ministre de l'intérieur, principal rival du Successeur, ou tourmentant la conscience de l'architecte qui signa son chef-d'oeuvre avec la rénovation de la maison du Dauphin en titre, au mépris de l'envie qu'une si belle demeure ne pouvait manquer d'éveiller...

Entretissant les nombreux fils de son récit, sans même se soucier de mener à terme les motifs ainsi esquissés, Ismail Kadaré livre, une fois de plus, un tableau implacable du régime totalitaire albanais, machine à broyer les hommes - disgrâciés, relégués, emprisonnés voire "suicidés" - et les sentiments humains - le nouvel amour de Suzana se voyant, lui aussi, sacrifié. Tout cela non sans s'offrir le luxe d'égratigner au passage les clichés obsolètes que l'Occident démocratique s'obstine à prendre pour la réalité albanaise, au cours de quelques rares moments d'un humour teinté de noir...

* Cette année-là, une manifestation de la population albanaise du Kosovo avait été violemment réprimée par le gouvernement yougoslave – un événement qu’Ismail Kadaré a traité dans le récit "Le cortège de la noce s’est figé dans la glace".

Extrait:

"Ce qui avait débuté comme une simple curiosité populaire prit des couleurs tragiques à l'occasion de la Fête nationale où le Guide et le Successeur se tenaient côte à côte. A la différence des années précédentes où ils s'étaient souri durant la cérémonie tout en échangeant quelques propos, le visage du Guide était cette fois demeuré de marbre. Non seulement il ne s'était pas adressé à lui une seule fois, mais comme pour mieux faire sentir son mépris, il avait par deux fois dit quelque chose à celui qui se tenait de l'autre côté: le ministre de l'intérieur." (pp. 25-26)

D'autres livres d'Ismaïl Kadaré, dans mon chapeau: "La fille d'Agamemnon", "Eschyle ou l'éternel perdant", "Invitation à un concert officiel et autres nouvelles" et "L'année noire - Le cortège de la noce s'est figé dans la glace".

7 décembre 2008

Correspondance à trois

"Le silence des communistes" de Vittorio Foa, Miriam Mafai et Alfredo Reichlin,
avec Patrizia Berti, Christian Crahay et François Sikivie

Grand Manège, Namur, le 6 décembre

"Le silence des communistes" n'est pas une pièce de théâtre à proprement parler, mais bien la mise en espace d'une correspondance à trois: celle échangée au cours de l'an 2000 entre Vittorio Foa, Miriam Mafai et Alfredo Reichlin - le premier syndicaliste, les seconds anciens cadres du Parti Communiste italien.

Au fil d'un demi-siècle de luttes sociales et politiques, tous trois se sont souvent croisés. Faut-il voir là un effet heureux de leur grand âge, leurs échanges se sont affranchis de tout faux-semblant. Ils évitent aussi bien l'écueil du dogmatisme que celui de la nostalgie. Et l'on sent bien que leur correspondance recèle une foule d'observations et de réflexions passionnantes. Mais voilà, ces lettres, j'aurais éprouvé tellement plus de satisfaction à les lire tranquillement chez moi, à les relire, les triturer, les ruminer - bref en faire mon propre miel - qu'à les entendre ainsi, dans un spectacle qui paradoxalement manquait de rythme alors même qu'il nous assénait beaucoup trop d'informations beaucoup trop vite.

Il n'y a rien à redire, vraiment, à la mise en scène ou à l'interprétation - l'une comme l'autre étaient sobres et justes. Mais je n'en ai pas moins quitté le Grand Manège sur une impression en demi-teinte: l'impression, surtout, que ce texte d'un intérêt indubitable ne se prête peut-être tout simplement pas si bien que cela à une transposition théâtrale...

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur

Article dans Le Soir

6 décembre 2008

Etonnant de maîtrise

"Ailleurs" de Julia Leigh51MUWMCBOML__SL160_AA115_
4 1/2 étoiles

Christian Bourgois, 2008, 105 pages, isbn 9782267019957

(traduit de l'Anglais par Jean Guiloineau)

Après douze longues années d'un exil australien, Olivia s'est enfin décidée à quitter son mari et à rentrer en France - le bras droit dans le plâtre, le dos couvert d'hématomes -, entraînant avec elle ses deux enfants: Andy, neuf ans, et Lucy, six ans. Cependant, à leur arrivée au château familial où Olivia avait passé son enfance, les trois fugitifs débarquent en plein drame. Marcus et Sophie, le frère et la belle-soeur d'Olivia, viennent d'avoir une petite fille, une petite Alice, morte à naissance, étranglée par son cordon ombilical. Sur les conseils des médecins, ils ont ramené leur enfant à la maison, le temps de lui faire leurs adieux, mais Sophie se révèlant en définitive incapable d'accepter la mort de son bébé - incapable de le laisser partir -, s'obstine à l'emmener partout avec elle, minuscule paquet enveloppé dans une couverture.

Deux enfants, transplantés dans un monde qui leur est inconnu, se voient ainsi plongés dans une situation malsaine au possible, une situation qu'ils ne peuvent comprendre mais dont Andy cherchera à s'échapper par n'importe quel moyen, fut-ce de commettre une bêtise gigantesque. Somme toute ce bref roman met en balance l'instinct de survie et la belle santé mentale d'un petit garçon que l'existence n'a pas précisément gâté et les névroses d'adultes responsables qui méritent bien peu ce qualificatif. C'est un récit noir, âpre, violent, déstabilisant à plus d'un titre, qui flirte continuellement avec l'insoutenable. Mais c'est surtout un texte époustouflant de maîtrise, bien digne de l'éloge rendu à Julia Leigh par Toni Morrison, reproduit sur la quatrième de couverture: "Julia Leigh est une magicienne. Sa prose adroite diffuse une impression de contrôle serein tandis que la terre tremble sous nos pieds". C'est cela, exactement: la terre tremble, mais jamais on ne perd pieds, jamais on ne lâche le fil de ce récit d'une puissance étonnante.

Extrait:

"La femme et les enfants, accompagnés de Sophie et de son paquet, pique-niquaient sous le grand chêne. La couverture de pique-nique n'était pas très loin de la petite tombe qu'on avait recouverte d'un morceau de gazon artificiel en plastique. A côté se trouvait un tas de terre sur lequel poussaient des brins d'herbe. La femme servait une seconde portion de céleri sur l'assiette de porcelaine de la petite fille. Pas de mouches dérangeantes; deux papillons titubaient au-dessus, attachés par l'abdomen. Ida était debout à côté, prête à répondre à un ordre. Le garçon se promenait dans le coin avec un pistolet imaginaire à la main, et quand sa mère l'appela - «Viens manger quelque chose» - il pointa son pistolet sur chaque membre du pique-nique avant de le diriger vers lui-même, d'appuyer sur la détente et de se faire sauter la cervelle, si bien qu'au lieu de simplement s'asseoir, il s'effondra en tas. Il trouva cela si drôle qu'il ressuscita et recommença: il posa le pistolet sur sa tempe, appuya sur la détente et s'écroula." (pp. 85-86)

5 décembre 2008

Couleurs automnales (2)

Un tapis roux et mordoré...

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Louvain-la-Neuve (cliché Fée Carabine)

Couleurs automnales (1), (3) et (4)

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