Soleil d'hiver
"Deux rives" de Fabio Pusterla
4 étoiles
Cheyne/D'une voix l'autre, 2004, 115 pages, isbn 284116070x
(traduit de l'Italien par Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet)
Né à Mendrisio, en Suisse italienne, en 1957, Fabio Pusterla partage à présent sa vie entre sa région d'origine et l'Italie du Nord. Entre l'enseignement, les traductions et une oeuvre poétique, qui apparaît au travers de ces "Deux rives" comme une poésie des lieux abandonnés où flotte pourtant encore le souvenir d'une présence, à l'égal d'un parfum... C'est une ruelle désertée, après le passage du promeneur dont les pas s'éloignent. Ce sont les échos laissés par les voix des habitants d'un quartier d'Ancône, détruit par un bombardement. C'est Armand Robin, un poète tombé dans l'oubli, et qui s'en voit tiré le temps d'une épitaphe. Ce sont les mots, même, qui se dérobent...
Composant ce recueil en mêlant des textes tirés en fait de deux livres différents, "Le Cose senza storia" et "Pietra sangue", Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet sont parvenus à offrir au lecteur francophone une vision aussi cohérente que séduisante de l'univers de Fabio Pusterla. La vision d'une beauté fragile sous un pâle soleil d'hiver. Une vision que j'aimerais pouvoir retrouver ailleurs...
Extrait:
Epitaffi per Armand Robin (3)
"Durante i miei lunghi ascolti
sentivo le margherite
chinare la testa pazienti
sul flusso delle radici:
terra nera che infossa.
Zolla su zolla dispensa
un alito greve, profondo.
Le voci dei miei poeti
salivano sempre dal basso,
parlavano piano
dal fondo."
Epitaphes pour Armand Robin (3)
"Pendant mes longues écoutes
je sentais que les marguerites
courbaient la tête, patientes
au-dessus de la force des racines:
terre noire, fossé.
Motte après motte, elle dispense
un souffle pesant, profond.
Les voix de mes poètes
montaient toujours d'en bas,
parlaient bas
à partir du fond." (pp. 94-95)
Un autre poème de Fabio Pusterla, dans mon chapeau: Presso Voghera/Près de Voghera
Vous trouverez aussi plusieurs billets consacrés à Fabio Pusterla sur le blog d'Angèle Paoli, Terre de femmes: ici, là , là et encore là-bas.