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Dans mon chapeau...
Dans mon chapeau...
poesie
16 novembre 2008

"Le paysage immobile"

En ce jour transparent
la lumière couve les pierres

Si tu touches la terre
elle s'émiette

La parole éclate de chaleur

Continue ton errance
dans ce paysage immobile
celui qui s'arrête
est perdu

Anise Koltz, "Le cri de l'épervier", Editions Phi/Collection Graphiti, 2000, p. 9

Un autre poème d'Anise Koltz, dans mon chapeau: "Paysage de neige"

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31 octobre 2008

Un poème pour Halloween

... ou une fort ancienne version de "Trick or treat!"

L'hirondelle, l'hirondelle,
ramenant la saison belle,
Et la bonne année avec elle!

Pour l'hirondelle au ventre blanc,
Pour l'hirondelle au dos tout noir,
Donne à manger et donne à boire!

Donne du fromage et du flan,
Du pain blanc et du raisin sec,
Pour l'hirondelle au joli bec!

Donne! Nous te remercierons!
Mais autrement nous resterons,
Ta porte nous démolirons!

Autrement, nous emporterons
Ta femme assise près du feu!
Elle est menue et pèse peu!

Donne! Donne et grand bien te fasse!
L'hirondelle aussi te rend grâce!
Nous ne sommes pas des méchants,
Mais rien que des petits enfants!

Chanson enfantine de Rhodes, in "La Couronne et la Lyre" - Anthologie de la poésie grecque ancienne, textes choisis, traduits et présentés par Marguerite Yourcenar, Poésie/Gallimard, 2001, pp. 147-148


25 octobre 2008

"Nuit qui déborde du corps"

Jasmin sur les nuits de juillet. Chanson
Pour deux étrangers qui se rencontrent sur
une rue qui ne mène nulle part
Qui suis-je après ces deux yeux en amande?
Dit l'étranger
Qui suis-je après ton exil en moi? Dit l'étrangère
Prenons garde alors, à ne pas remuer le sel
des mers anciennes,
Dans un corps qui se souvient
Elle lui restituait son corps chaud
Et il lui restituait son corps chaud
Ainsi les deux amants étrangers laissent leurs
amours en désordre
Comme ils abandonnent leurs sous-vêtements
entre les fleurs des draps
- Si tu es vraiment mon aimé, compose un
Cantique des cantiques pour moi
Et grave mon nom sur la branche d'un
grenadier, dans les jardins de Babylone
- Si tu m'aimes vraiment, place mon rêve
entre mes mains, et dis
Dis au fils de Marie: Ainsi, tu nous fais subir
le sort que tu t'es choisi
Seigneur, sommes-nous assez justes, pour
l'être demain?
- Comment guérirais-je du jasmin, demain?
- Comment guérirais-je du jasmin, demain?
Ils font obscurité ensemble, dans des ombres
qui dansent au plafond de sa chambre
Elle lui dit: Ne sois pas ténébreux après mes seins
Il dit: Tes seins, nuits qui éclairent l'essentiel
Nuits qui me couvrent de baisers, et nous
nous sommes emplis
Le lieu et moi, de nuits qui débordent de la
coupe
Elle rit de sa description. Et elle rit encore
Lorsqu'elle cache la pente de la nuit dans sa main
- Mon amour s'il m'était donné d'être un
garçon, je serais toi

- Et s'il m'était donné d'être une fille, je
serais toi
Et elle pleure, comme à son habitude
lorsqu'elle revient d'un ciel couleur de vin
Emmène-moi Etranger dans un pays où
Je ne possède pas un oiseau bleu sur un saule
Et elle pleure, pour pour traverser ses forêts dans
le long départ vers elle-même. Qui suis-je?
Qui suis-je après ton exil dans mon corps?
Ah cette peine qui me vient de moi, de toi de
mon pays
Qui suis-je après ces deux yeux en amande?
Montre-moi mon lendemain!
Ainsi les deux amants laissent leurs adieux en
désordre
Comme le parfum du jasmin sur les nuits de
juillet

Quand vient juillet
Le jasmin me porte à une rue qui ne mène
nulle part
Mais je chante encore
Jasmin
Sur les nuits
De juillet


Mahmoud Darwich, "Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude?", Actes Sud, 1996, pp. 99-100 (traduit de l'Arabe par E. Sanbar)

Récital en hommage à Mahmoud Darwich

D'autres poésies de Mahmoud Darwich, sur Terre de femmes: Si le jeune homme était un arbre et Je demeure vivant

24 octobre 2008

De simples histoires de détresses et de joies ordinaires

"La vitesse foudroyante du passé" de Raymond Carver
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Points, 2008, 175 pages, isbn 9782757805763

(traduit de l'Anglais par Emmanuel Moses)

Mes rencontres précédentes avec l'oeuvre de Raymond Carver m'ont laissé le souvenir d'un merveilleux nouvelliste, qui n'avait pas son pareil pour évoquer avec trois fois rien des vies très ordinaires, leurs détresses et leurs joies, petites et grandes. De la mort d'un enfant aux ravages de l'alcool, d'une scène de ménage - et chez Carver, celles-ci peuvent être d'une rare violence et pourtant rendues sans aucun pathos - au plaisir tranquille d'une journée consacrée à la pêche à la ligne, l'économie des moyens déployés n'a d'égal que la profonde attention que l'auteur accorde à ses personnages si terriblement humains, sans jamais les juger. Un regard qui n'est pas sans rappeler celui que Tchékhov posait sur les héros de ses propres nouvelles, Tchékhov à qui Raymond Carver avait d'ailleurs rendu un hommage sensible dans sa nouvelle "Les trois roses jaunes"...

Et les poèmes rassemblés dans "La vitesse foudroyante du passé" m'ont permis de retrouver les qualités que j'avais tellement appréciées dans les nouvelles, au fil d'histoires - car chacun de ces textes est une histoire à part entière, parfois resserrée dans l'espace d'une seule page - si possible encore plus denses et épurées que dans les nouvelles. Ce sont quatre-vingt poèmes de forme très libre et fluide où la poésie se fait impalpable, tout en restant incontestablement présente, par la grâce d'un je-ne-sais-quoi, peut-être à peine une lueur de beauté dans le regard du poète mais cette lueur change tout...

Extrait:

La petite chambre

"Il y eut un grand règlement de comptes.
Les mots volaient comme des pierres à travers les fenêtres.
Elle hurlait, elle hurlait, comme l'Ange du Jugement.

Puis le soleil jaillit et un sillage de fumée
stria le ciel matinal.
Dans le silence soudain, la petite chambre
se retrouva étrangement seule, tandis qu'il lui séchait ses larmes.
Elle devint comme toutes les autres petites chambres sur terre
que la lumière a du mal à envahir.

Des chambres où les gens hurlent et se blessent.
Puis éprouvent douleur, et solitude.
Incertitude. Un besoin de consolation." (p. 83)

D'autres poèmes de Raymond Carver, dans mon chapeau: La toile d'araignée et "Asie"

14 octobre 2008

Matière solaire, brûlante...

"Cala-te, a luz arde entre os lábios
e o amor não contempla, sempre
o amor procura, tacteia no escuro,
esta perna é tua?, é teu este braço?,
subo por ti de ramo em ramo,
respiro rente à tua boca,
abre-se a alma à lingua, morreria
agora se mo pedisses, dorme,
nunca o amor foi fácil, nunca,

também a terra morre."

"Tais-toi, la lumière brûle entre les lèvres

et l'amour ne contemple pas, sans cesse

l'amour cherche, tatônne dans l'obscurité,

cette jambe est la tienne?, il est à toi ce bras?;

je m'élève sur toi de branche en branche,

je respire aux abords de ta bouche,

l'âme s'ouvre à la langue, je mourrais

maintenant si tu me le demandais, dors,

jamais l'amour ne fut facile, jamais,

elle aussi la terre meurt."

Eugénio de Andrade, "Matière solaire", Editions de la Différence/Le fleuve et l'écho, 2000, pp. 60-61 (traduit du Portugais par M.A. Câmara Manuel, M. Chandeigne et P. Quillier)

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13 octobre 2008

"Le cheval est tombé du poème"

Mahmood_darwishRécital à la mémoire de Mahmoud Darwich
Théâtre Royal de Namur, le 12 octobre 2008 à 18h

Ce devait être un récital de Mahmoud Darwich, lisant lui-même ses poèmes. Mais la faucheuse en a décidé autrement, qui a emporté l'auteur le 9 août dernier.

C'est donc à Farouk Mardam-Bey et au comédien français Didier Sandre, soutenus par l'accompagnement musical des frères Jubran, qu'est revenu de défendre ces textes inspirés par l'exil et la nostalgie d'une terre perdue. Des poèmes parfois politiques, souvent engagés et toujours émouvants.

Il est rare que l'engagement politique et la poésie fassent si bon ménage... Mais les mots de Mahmoud Darwich sont toujours aussi beaux, aussi touchants, qu'ils évoquent la Palestine quittée en même temps que l'enfance, le parfum du jasmin dans les nuits de juillet ou - tendrement, amoureusement - l'attente d'une femme aimée qui - peut-être - ne viendra pas. Et puis, dans l'interprétation, très juste et expressive, de Didier Sandre, c'est une autre facette, plus surprenante, plus inattendue, de l'art du poète qui nous a été révélée au cours de cette soirée: son humour, une forme très subtile d'autodérision hésitant par moment entre tristesse et drôlerie et par là-même profondément touchante.

Ce bel hommage à un des grands poètes de notre temps était proposé dans le cadre du festival "Masarat Palestine".

Un poème de Mahmoud Darwich, dans mon chapeau: "Nuit qui déborde du corps ".

D'autres textes de Mahmoud Darwich sont présentés sur Terre de femmes: "Si le jeune homme était un arbre" et "Je demeure vivant"

28 septembre 2008

"La toile d'araignée"

Il y a quelques minutes, je suis sorti sur le ponton
de la maison. De là je pouvais voir et entendre l'eau,
et tout ce qui m'est arrivé pendant toutes ces années.
L'air était chaud et immobile. C'était marée basse.
Aucun oiseau ne chantait. Comme je m'appuyais à la balustrade,
une toile d'araignée a touché mon front.
Elle s'est prise dans mes cheveux. Personne ne pourra me reprocher d'être         
[alors rentré. Il n'y avait pas de vent. La mer
était d'huile. J'ai suspendu la toile d'araignée à l'abat-jour.
Où je l'observe frémir de temps à autre quand mon souffle
la rencontre. Un fil fin. Complexe.
Avant longtemps, avant que quiconque s'en aperçoive,
je serai parti.

Raymond Carver, "La vitesse foudroyante du passé", Points, 2008, p. 19 (traduit de l'Anglais par E. Moses)

Un autre poème de Raymond Carver, dans mon chapeau: "Asie"

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