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Dans mon chapeau...
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28 août 2010

Dans un village de Vieille-Castille

“Vieilles histoires de Castille” de Miguel Delibes315WH3Q0VEL__SL500_AA300_
4 étoiles

Verdier, 2000, 59 pages, isbn 2864323192

(traduit de l’Espagnol par Rudy Chaulet)

Quarante-huit ans après l’avoir quitté, un homme s’apprête à revenir dans le village de son enfance tout en se remémorant quelques scènes de sa vie d’alors – c’était au début du XXème siècle – en dix-sept brefs chapitres qui s’enchaînent à la marabout - bout de ficelle.

Ce village se trouve en Castille, et même, puisque le titre original – “Viejas historias de Castilla la Vieja” - est plus précis, en Vieille-Castille, partie septentrionale de l’ancien royaume de Castille, région dont les cités les plus importantes ont nom Santander, Logroño, Avila ou Burgos, autant de villes où, à de rares exceptions près – notre narrateur, don Benjamín ou encore le curé, don Justo del Espíritu Santo - les habitants du village qui nous intéresse n’ont jamais mis les pieds. Mais vraiment, l’on pourrait aussi bien se croire en Estrémadure, dans le village où Camilo José Cela avait planté le décor de son premier livre, “La famille de Pascal Duarte”. C’est la même pauvreté. C’est la même terre aride, nourrissant chichement son homme, et où l’alcool – le vin du pays s’il descend vite dans le gosier, fait tourner les têtes encore plus vite – et parfois le sang coulent trop librement.

Et pourtant, quelle tendresse, teintée d’une pointe d’ironie, dans le regard que le narrateur de ces “Vieilles histoires de Castille” porte sur le village où il a grandi, et sur une vie qui, malgré ses rudesses, offrait aussi quelques beaux moments d’une joie tranquille. La pêche aux écrevisses dans le ruisseau Moradillo. Ou une escapade romantique, à l’ombre du bosquet de peupliers dits “les Amoureux”: “Et c’est là, au pied de ces peupliers, que se sont faits les mariages de mon village au cours des cinq dernières générations. Dans mon village, quand un garçon parle à une fille en pensant au mariage, il suffit qu’il l’assoie à l’ombre des peupliers pour qu’elle dise « oui » ou « non ». Cette tradition a mis fin aux déclarations amoureuses, qui, dans  mon village, qui est un village de timides, constituaient un sacré problème. Il est vrai que, parfois, l’ombre des peupliers donne naissance à un enfant, mais cela ne gêne pas l’évolution des choses car don Justo del Espíritu Santo n’a jamais refusé de célébrer un baptême et un mariage en même temps.” (pp. 37-38)

L’on comprend donc sans trop de peine le soulagement du narrateur à retrouver son village presque inchangé, quarante huit ans après son départ, même si ce constat d’immobilisme donne une image quelque peu inquiétante de l’Espagne de la première moitié du XXème siècle: “Quand je suis arrivé au village, je me suis rendu compte que seuls les hommes avaient changé, l’essentiel n’avait pas bougé et si Ponciano était le fils de Ponciano, Tadeo, le fils du père Tadeo, l’Antonio, le petit-fils de l’Antonio, le ruisseau Moradillo continuait de couler dans le même lit, au milieu des laîches et des roseaux et dans le raccourci de la Veuve, il ne manquait pas un tournant; étaient là aussi, solides face au temps, les trois amandiers du Ponciano, les trois amandiers de l’Olimpio, le peuplier de l’Elicio, le pigeonnier de la mère Zenona, la Butte de la Fortune, le bois des Encagoulés, la Pinède, les Pierres Noires, la Navette, par où les jeunes perdrix descendaient vers les champs de blé, les noyers de la mère Bibiana, les Amoureux, (…). Tout était comme je l’avais laissé, la poussière du dernier battage encore accrochée aux murs de pisé des maisons et aux clôtures des basses-cours.” (pp. 56-57)

Extrait:

“Quelque chose me pesait au-dedans et je me suis tu. Les alouettes piétaient entre les tas de fumier, sur les terres du père Tadeo, à la recherche des plus grosses mottes de terre pour y grimper, et dans le virage, deux cailles s’envolèrent tout près l’une de l’autre. « Si l’Antonio les chope » dit l’Aniano ; mais l’Antonio ne pouvait pas les choper sauf avec un filet, au printemps, car il ne gâchait pas de cartouche pour une caille, mais je n’ai rien dit parce que quelque chose me pesait au-dedans et je commençais à comprendre que c’était important d’être d’un village de Castille. Dès qu’on est arrivé au raccourci de la Veuve, je me suis retourné et j’ai vu la plaine avec les zigzags du chemin poussiéreux ; à gauche, les trois amandiers du Ponciano, à droite, les trois amandiers de l’Olimpio, et derrière les champs de blé tout jaunes, le village avec son clocher plat au milieu et les petites maisons de pisé tout autour, comme des poussins. Il n’y avait à tout casser, que quatre ou cinq maisons mais cela faisait un village, (…).” (p. 11)

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Commentaires
F
C'était ma première lecture de cet auteur, mais vraiment c'était très bon... et très court aussi: idéal pour un premier contact, ou pour des retrouvailles.
D
Je me rends compte qu'il y a longtemps que je n'ai pas mis ici un commentaire alors que je viens grapiller des idées de lecture<br /> J'ai le souvenir un peu vague d'un roman de cet auteur, par contre le sujet de celui ci me tente et récemment mes lectures chez Verdier étaient très bonnes alors ...
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