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Dans mon chapeau...
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16 septembre 2009

L'Histoire à distance

"Les années avec Laura Diaz" de Carlos Fuentes51YNA80KBRL__SL160_AA115_
4 étoiles

Gallimard/Du monde entier, 2001, 620 pages, isbn 2070756742

(traduit de l'Espagnol par Céline Zins et José M. Ruiz-Funes)

Detroit, en 1999, un jeune réalisateur travaillant sur une série documentaire consacrée aux muralistes mexicains a la surprise de reconnaître parmi les personnages d'une fresque de Diego Rivera une femme qui lui fut très proche, quand il n'était encore qu'un tout petit garçon et elle déjà très âgée: Laura Diaz, son arrière grand-mère. Et dans la foulée de sa découverte, il en vient "à [se] demander si l'on peut revivre la vie d'une femme morte exactement comme elle l'a vécue, si l'on peut découvrir le secret de sa mémoire, se remémorer les mêmes choses qu'elle." (p. 18)

"Les années avec Laura Diaz" n'est autre que la réponse de Carlos Fuentes à cette question, une tentative de s'infiltrer dans la conscience d'une petite fille puis d'une femme dont la vie fut traversée par la plupart des grands remous de l'histoire du XXème siècle – révolution mexicaine de 1910, guerre civile espagnole, seconde guerre mondiale, et enfin purges anti-communistes menées par McCarthy aux Etats-Unis -, une petite fille puis une femme dont la vie aussi, dans une société traditionnellement plutôt machiste, fut façonnée par les hommes qu'elle a aimés: père, frère, mari, amants, fils et petit-fils... Pendant une bonne partie de son existence, Laura Diaz semble en effet s'être laissée porter par le courant ou du moins par les décisions et les convictions de ses proches. Certes, elle a eu ses moments de révolte. Il lui est arrivé de dire non, mais ce fut le plus souvent au moment de quitter un courant pour un autre. Et ce n'est que tard dans son parcours et dans le déroulement du récit, qu'elle se découvre une vocation, un engagement ou en d'autres mots un regard tout personnel.

Ce portrait d'une femme, à travers ses longues incertitudes, ses hésitations et les changements parfois profonds que connaît sa personnalité, est sans nul doute très juste d'un point de vue psychologique. Et pourtant, il en résulte pour le lecteur l'impression troublante d'observer l'Histoire à distance, à travers une vitre ou une série de filtres qui l'empêchent à tout instant de se laisser véritablement emporter par ces "années avec Laura Diaz". Un très grand roman, qui me laisse admirative, mais du dehors ou en tout cas du pas de la porte.

Extrait:

"Elle fut surprise de découvrir immédiatement qu'un autre pouvait lui plaire, non pas tant qu'elle puisse plaire à un autre, cela elle pouvait le supposer, son miroir ne se bornait pas à lui renvoyer une image, il la prolongeait d'une ombre de beauté, un spectre parlant qui la poussait – comme en cet instant – à aller au-delà d'elle-même, à pénétrer dans le miroir comme Alice, pour découvrir que chaque miroir cache un autre miroir et chaque reflet de Laura Diaz une autre image qui attend patiemment qu'elle tende la main, la touche et la sente fuir vers le prochain destin..." (pp. 192-193)

Un autre livre de Carlos Fuentes, dans mon chapeau: "Le bonheur des familles"

Carlos Fuentes était l'auteur des mois d'avril et mai 2009 sur Lecture/Ecriture.

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