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Dans mon chapeau...
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23 juin 2009

A hauteur d’homme

"Les Hauts Plateaux" de Lieve Joris414lQAeGjuL__SL160_AA115_
4 étoiles

Actes Sud, 2009, 135 pages, isbn 97827472783717

(traduit du Néerlandais par Marie Hooghe)

Depuis un premier voyage, dix-neuf ans plus tôt, dans la région du Bas-Congo où son oncle fut missionnaire, Lieve Joris n’a plus cessé d’explorer l’ancienne colonie belge, y revenant à plusieurs reprises tout en progressant lentement vers l’est. Aussi, ce dernier périple dans les hauts plateaux proches de la frontière rwandaise prend la figure d’un aboutissement, d’autant plus que cette région dépourvue de route et privée d’électricité, et dont les habitants – majoritairement de l’ethnie des banyamulenge – sont réputés pour leur fierté ombrageuse, est l’une des plus inhospitalière du pays.

Riches en ressources naturelles (or, notamment), sillonnés par les soldats des milices Interahamwe, venus du Rwanda voisin, et diverses milices congolaises plus ou moins rivales, les hauts plateaux de l’est congolais s’imposent comme une région d’une importance cruciale dans la géopolitique de notre époque, ainsi que le pointe justement la quatrième de couverture. Mais si Lieve Joris ne passe pas ce fait sous silence, elle ne cache pas que la motivation de son voyage est ailleurs, selon ses propres termes: "(…) chemin faisant, je regarderais autour de moi et visiterais les marchés des hauts plateaux, tout en essayant de comprendre comment vivaient les gens dans cette partie inhospitalière du Congo" (pp. 9-10). Le récit qu’elle nous ramène de son périple de Minembwe à Uvira se révèle bel et bien comme un portrait de la région à hauteur d’homme. Un portrait ancré dans le quotidien de villages dont la vie simple et rude nous renvoie aux temps bibliques : "Abraham, qui devenait père alors qu’il était déjà vieux et gris ; Caïn, le cultivateur, qui tuait son frère Abel, l’éleveur, parce qu’il le jalousait – c’étaient des récits qui acquéraient une signification nouvelle dans cet environnement pastoral." (p. 93). L’écriture de Lieve Joris épouse joliment cette simplicité, ressuscitant par la même occasion les souvenirs de son enfance dans la campagne flamande, en une belle rencontre insolite et surprenante.

Extrait:

"Monter, descendre, souvent sur un terrain inégal, rocheux – nous avancions péniblement et étions de plus en plus silencieux. Le soleil brillait, un vent frais soufflait et j’entendais le murmure d’une rivière en contrebas. L’air sentait l’herbe et les fleurs sauvages. Personne ne m’avait parlé des plaisirs de ce voyage – pourquoi mes amis ne m’avaient-ils prévenue que des difficultés ?
Des souvenirs tourbillonnaient dans ma tête, souvenirs des étés d’autrefois quand nous allions cueillir des myrtilles à Overpelt. Les aiguilles séchées des sapins crissaient sous nos pieds, les baies tombaient avec un bruit creux dans nos gobelets en plastique. La voiture blanche des revendeurs était garée à l’entrée du bois. Combien gagnions-nous, deux francs belges le kilo? Pourtant, nous recommencions chaque été. Boire du Coca tiède sur l’accotement, voir détaler un écureuil à la queue rousse, manger des myrtilles jusqu’à en avoir la langue et les lèvres toutes bleues. Puis, vers le soir, rentrer à vélo à la maison où ma mère frottait le seuil alors qu’à l’intérieur tout sentait le savon vert."
(p. 63)

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Commentaires
F
C'était le premier livre de Lieve Joris que je lisais, mais je me laisserai sans doute tenter par les plus anciens... J'ai moi aussi beaucoup apprécié ses relations avec son guide, les porteurs ou les gens qui lui offrent l'hospitalité...
D
je viens de terminer ce livre et j'ai beaucoup aimé, j'avais lu les précédents mais il y a longtemps et je ne gardais qu'un souvenir un peu pâle, j'ai beaucoup aimé les relations qu'elle entretien avec ses guides et il y a quelques scènes très drôles dans les traversées de villages et de marchés
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