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Dans mon chapeau...
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8 juin 2009

Un baiser n'est pas l'autre

Comme tout roman noir qui se respecte, "Le tueur mélancolique" est une histoire de secret, de crime, d'alcool et bien sûr de femme. En fait, il y a même deux femmes dans ce livre, l'une fatale et l'autre non. Et comme il y a femme et femme, il y a baiser... et baiser.

"Et elle posa ses lèvres sur les miennes, ce fut un baiser très doux, parfumé, extatique, comme un beau fruit qui n'était plus de mer heureusement, un velouté de framboise, de cassis, de myrtilles et d'herbes des champs."

François Emmanuel, "Le tueur mélancolique", Labor/Espace Nord, 1999, p. 34

"Elle me saisit par les épaules et me retourna de force, pressa ses lèvres contre les miennes, y planta un baiser rageur, sa langue en couteau, un fruit blet que l'on écrase, une gousse de venin noir."

Idem, p. 179

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7 juin 2009

D’une émotivité exacerbée

"Le petit héros" de Fédor Dostoïevski51SQV46H9BL__SL160_AA115_
3 ½ étoiles

Actes Sud/Babel, 2000, 69 pages, isbn 274272768X

(traduit du Russe par André Markowicz)

Un jeune garçon, presqu’un adolescent, passe le mois de juillet à la campagne chez des parents éloignés. Ses hôtes mènent grand train, recevant dans leur propriété des environs de Moscou une société brillante et variée, très gaie et superficielle aussi, que l’enfant n’a pas encore pris l’habitude de fréquenter. Et pour le jeune héros de Dostoïevski, ces quelques semaines estivales au milieu de tous ces inconnus se muent en une véritable éducation sentimentale: découverte des premiers émois amoureux, mais aussi de l’hypocrisie, du poids des apparences, de la bêtise et de l’absurde cruauté des hommes…

Tout, dans ce bref récit, est exacerbé : émotions, sensations. A tel point que l’intensité à laquelle Dostoïevski atteint dans l’expression des sentiments en vient presque à occulter le déroulement du récit. A tel point aussi qu’il est bien difficile de faire abstraction des circonstances dans lesquelles "Le petit héros" a vu le jour, et que nous dévoile la quatrième de couverture: au printemps 1849, alors que l’auteur emprisonné pour complot politique, attend le procès dont nous savons aujourd’hui qu’il se clôtura par sa condamnation à mort (qui fut ensuite commuée en une peine de déportation). Dostoïevski ne pouvait sans doute pas repousser davantage les murs de sa cellule, et l’angoisse de ces jours d’attente, qu’avec ce court récit imprégné de toutes les senteurs d’un été baigné de soleil et de toutes les émotions inédites et incontrôlables de la fin de l’enfance, récit tendre à sa façon et pourtant tracé d’une plume trempée dans le vitriol le plus pur. C’est incontestablement émouvant, quoique pour d’obscures raisons qui ne tiennent pas toutes aux qualités du texte…

Extrait:

"On le disait un homme intelligent. C’est ainsi que, dans certains cercles, on appelle une race particulière de l’humanité, engraissée sur le compte d’autrui, qui ne fait absolument rien, qui ne veut absolument rien faire et qui, suite à sa paresse éternelle, à force de ne rien faire, a un morceau de gras à la place du cœur. Ces gens vous racontent qu’ils n’ont rien à faire suite à je ne sais quelles circonstances hostiles et embrouillées, qui "épuisent leur génie" et que c’est pour cela qu’ils "font peine à voir". C’est une phrase, agréable et pompeuse, qu’ils se répètent, c’est leur mot d’ordre*, leur mot de passe et leur slogan, une phrase que ces bedaines gavées répandent partout à chaque instant, et qui, depuis longtemps, commence à vous lasser, comme une tartufferie patente ou une platitude." (pp. 24-25)

* En Français dans le texte.

D'autres livres de Fédor Dostoïevski, dans mon chapeau: "Les nuits blanches" et "Le rêve d'un homme ridicule"

Et d'autres encore, sur Lecture/Ecriture.

6 juin 2009

Les belles oisives

"Alfred Stevens"
Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts,
Du 8 mai au 23 août 2009

Né à Bruxelles en 1823 mais fixé à Paris dès 1844, Alfred Stevens s'est imposé comme le portraitiste en vogue auprès des belles bourgeoises du second empire. Et la première partie de la rétrospective qui lui est consacrée actuellement aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles rend pleinement justice à la merveilleuse délicatesse de sa touche picturale, et à l'infinie richesse de sa palette, que ce soit dans ses portraits des belles dames de la bonne société parisienne ou dans ses marines des années 1880. C'est un pur régal, et l'on ne peut que souscrire à ces quelques mots de Félicien Rops,qui a somme toute parfaitement cerné son contemporain: "Il y a des gens comme Degas, [De] Nittis, Manet qui vont plus loin que lui dans le rendu de la vie moderne, qui y voient autre chose plus aigu, plus grand, plus de notre temps, mais aucun n'a un rendu matériel aussi adorable que le sien... Si j'apprenais à peindre, je voudrais être son élève."

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Alfred Stevens, Tous les bonheurs, Paris, Musée d'Orsay (source)

Une deuxième salle fait, elle, la part belle au panorama de L'Histoire du siècle qu'Alfred Stevens avait réalisé en collaboration avec Henri Gervex pour l'exposition universelle de 1889. La grande fresque retraçant un siècle d'histoire française à travers les visages de ceux - hommes politiques, artistes, écrivains - qui l'ont marqué, a été démantelée à la fin de l'exposition et la plus grande partie en est aujourd'hui perdue, mais les Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles conservent toute une série d'esquisses et de dessins préparatoires qui m'ont charmée par la vivacité et la spontanéité de leur trait de crayon, au contraire des études peintes, plus proches de l'oeuvre achevée mais aussi plus conventionnelles.

C'est à Bruxelles, aux Musées Royaux des Beaux-Arts (section Arts anciens) jusqu'au 23 août, du mardi au dimanche et de 10h à 17h.

Présentation de l'exposition sur le site du musée

A lire sur la toile: Le regard d'une historienne d'art britannique, Griselda Pollock, sur quelques oeuvres d'Alfred Stevens [en Anglais], ainsi que deux articles dans Le Soir et dans La libre Belgique

3 juin 2009

Ironique?

"Le bonheur des familles" de Carlos Fuentes51RAoy4M7cL__SL160_AA115_
3 ½ étoiles

Gallimard/Du monde entier, 2009, 456 pages, isbn 9782070786558

(traduit de l’Espagnol par Céline Zins et Aline Schulman)

Paré de l’étiquette "Récits", ce nouveau livre de Carlos Fuentes s’avance sous des apparences doublement trompeuses. Certes, "Le bonheur des familles" rassemble seize récits, entrecoupés de seize textes brefs, écrits pour certains en vers libres, qui leur offrent un contrepoint et un commentaire, à l’instar des interventions du chœur dans la tragédie antique. Mais il ne faut pas s’y tromper:  l’ensemble forme bien un tout cohérent. Çà et là, quelques personnages passent d’une nouvelle à une autre, contribuant à la cohésion du livre. Et surtout, chacun des trente-deux textes composant ce volume se révèle comme une pierre d’une vaste mosaïque qui nous offre au final un dessin unique du Mexique. Même si certaines de ces nouvelles sont plutôt délicates à dater, l’on peut sans doute avancer sans trop de risque que c’est bien une image du Mexique du XXème siècle que Carlos Fuentes s’est efforcé de retracer à travers ce livre. Et quelle image! Celle d’un pays violent, excessif, machiste, archaïque et ultra-catholique, tout à la fois flamboyant, pathétique et grotesque.

Faut-il encore le préciser: le titre de ce livre – c’est là sa seconde tromperie – n’est pas à prendre au pied de la lettre, et le célèbre incipit d’"Anna Karénine" *, placé en exergue, en fait foi. On ne trouvera pas ici une seule famille heureuse, et ce qui s’en approche le plus (encore que…) est sans doute, par un superbe pied-de-nez au machisme ambiant, un couple homosexuel. De l’histoire d’un père qui accule implacablement ses fils à la révolte à celle d’une mère entretenant une correspondance avec l’assassin de sa fille, du sort d’une femme qui ne peut se résoudre à quitter son mari sadique aux retrouvailles d’une star déchue du cinéma avec son fils handicapé, on oscille continuellement entre le sordide, le grotesque et le macabre.

L’excès est ici permanent, les contrastes sont extrêmes. Et sans doute, il y a quelque chose de brillant dans la manière dont les pièces de la mosaïque qu’est "le bonheur des familles" s’agencent pour nous imposer une image unique. La construction de ce livre est aussi habile qu’indéniablement puissante. Mais en dépit des incontestables qualités de l’ouvrage, je n’en reste pas moins sur un triste constat: tout cela ne me parle guère et ne m’émeut pas le moins du monde…

* "Les familles heureuses se ressemblent toutes, les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon."

Extrait :

"garde-toi des familles heureuses
prends exemple sur tes parents : les choses se règlent par la violence
par la violence
prends exemple sur tes parents : ne respecte pas les femmes
prends exemple sur tes parents : ton père t’a tuée parce
qu’il voulait tuer ta mère mais c’est toi qu’il
avait sous la main
et maintenant où aller?
laisse tomber ta famille de merde l’école abêtissante, le
bureau étouffant la solitude des
rues
fais-toi motoboy, petit! Tu te mets sur une moto tu te
fous des feux rouges des gens qui t’engueulent des
agents de police des retards interminables
zigzague motoboy tue des piétons librelibrelibre
rapiderapiderapide
adrénalinexpress
ballemoto motoboy urban cowboy."
(pp. 220-221)

Un autre livre de Carlos Fuentes, dans mon chapeau: "Les années avec Laura Diaz"

Carlos Fuentes était l'auteur des mois d'avril et mai 2009 sur Lecture/Ecriture.

2 juin 2009

C'est la pleine floraison... (3)

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En ce début de mai, les recoins des parkings de l'université s'ornent de splendides massifs de spirées,
Louvain-la-Neuve (Cliché Fée Carabine)

C'est la pleine floraison (1), (2), (4), (5) et (6)

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1 juin 2009

Un vaudeville qui aurait oublié d'être comique

3530941028964"L'attente des femmes" d'Ingmar Bergman,
avec Maj-Britt Nilsson, Eva Dahlbeck, Anita Bjork et Aino Taube

Une villa de plaisance au bord de l'eau, par un clair été suédois, quatre femmes attendent leurs maris - et une  cinquième, leur benjamine, son fiancé -, qui doivent arriver par le bateau de nuit, en provenance de Stockholm. Et pendant les longues et tranquilles heures d'attente, une fois les enfants couchés, ces cinq femmes partagent en confidence leurs attentes, leurs chagrins, leurs bonheurs et leurs déceptions, le temps d'autant de flash-back.

Premier succès d'Ingmar Bergman (en 1952), hésitant entre l'humour et la gravité, "L'attente des femmes" prend les allures d'un vaudeville qui aurait oublié d'être comique. Abordant ici quelques uns de ses thèmes récurrents - les relations conjugales et familiales avec leur cortège de tensions, frustrations et trahisons, mais aussi le poids des apparences qu'il faut préserver soigneusement -, Ingmar Bergman est pourtant bien loin d'atteindre avec ce film, irréprochable à tout point de vue, à l'intensité de certaines de ses oeuvres plus tardives: en bref, c'est intéressant mais quelque peu longuet...

"L'attente des femmes" est disponible, à prix doux, dans un coffret de deux DVD de la série "Les films de ma vie", où il est couplé avec "Les fraises sauvages".

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