"Tous pourris au royaume des contes..."

"L'ombre" d'Evguéni Schwartz,
par Vincent Lécuyer, Benoit Verhaert et Lara Hubinont,
dans une mise en scène de Jasmina Douieb

Au Grand-Manège, Namur, le 24 avril 2010

Né en 1896 dans le Caucase russe, Evguéni Schwartz ne connut enfin le succès que peu avant sa mort, en 1958, ses oeuvres - et notamment sa trilogie théâtrale rassemblant "le roi nu", "L'Ombre" et "Le dragon" - ayant jusque là déclenché les foudres de la censure stalinienne. Les oripeaux de contes de fées dont ces trois pièces étaient parées ne dissimulant en effet que bien mal un propos avant tout satirique et politique.

A la mort du roi son père, la princesse héritière d'un royaume lointain et où les histoires qu'on lit dans les contes se passent réellement, a reçu pour mission de prendre pour mari un homme bon et honnête qui l'aiderait à gouverner son peuple. Et "L'Ombre" débute tout pile au moment où cet homme - un savant étranger dont les recherches ont pour objectif d'assurer le bonheur de l'humanité, rien de moins, et qui est ici incarné avec beaucoup de fraîcheur, de sensibilité et d'enthousiasme par Vincent Lécuyer - a pris ses quartiers dans un hôtel de sa capitale. S'en suit un coup de foudre réciproque et une avalanche de problèmes en tout genre pour notre savant... car bien sûr les ministres en place et tous les autres prétendants de la princesse n'ont plus qu'une idée en tête - se débarasser du gêneur - tandis que la philosophie du reste de la population tient en trois mots - baisser les bras, fermer les yeux et hausser les épaules -, l'inertie du plus grand nombre se révélant en définitive tout aussi ravageuse que l'avidité démesurée de quelques uns. Dès lors, faut-il encore dire que sous les dehors de la fable et du merveilleux, le constat dressé par cette "Ombre", si bien servie par la belle mise en scène de Jasminaz Douieb et ses astucieux jeux de miroir, est très, très amer? Implacable, oui, et très amer...

Présentation du spectacle, sur le site du Théâtre Royal de Namur.