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Dans mon chapeau...
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30 septembre 2009

Saturday night's fever

"Les oranges du Maroc" de Vassili Axionov51KV15W0N6L__SL160_AA115_
4 étoiles

Actes Sud/Babel, 2003, 235 pages, isbn 2742741593

(traduit du Russe par Irène Sokologorsky)

Première étape de ma (re)découverte de Vassili Axionov, auteur des mois d'août et septembre 2009 sur Lecture/Ecriture, et dont la phénoménale "Saga moscovite" m'avait profondément marquée lors de sa parution française...

A Phosphatogorsk, village – une rue pour être exacte – perdu de l'archipelle des Kouriles, au début des années 1960, c'est le branle-bas général: un cargo chargé d'oranges en provenance du Maroc vient d'accoster, et la nouvelle de ce festin inespéré s'est répandue comme une traînée de poudre. Cette année-là restera sans nul doute dans les mémoires comme l'année des oranges, tout comme 1958 (à moins que ce ne soit 1959), passée à la postérité comme l'année des pastèques.

Ce moment de fête offre à Vassili Axionov le prétexte idéal pour partager pendant quelques jours la vie, les petits soucis, les plaisirs et les joies de cinq habitants du cru, et donc cinq points de vue différents sur une communauté jeune, dynamique et travailleuse, installée dans ce bout du monde pour y construire l'URSS de demain. Nos cinq héros et leurs camarades sont au fond tous de braves gars, même lorsqu'ils ont tendance à abuser un peu de la vodka ou du cognac tchétchène-ingouche. Le ton est clairement optimiste. Et l'on comprend à la lecture de ce roman de jeunesse de Vassili Axionov le succès de l'auteur auprès de ses contemporains: la jeune génération de l'après-Staline a bien dû se reconnaître dans l'énergie et la soif de vivre qui imprègnent ces "oranges du Maroc".

Pourtant la joie n'est pas sans mélange, et le souvenir des terribles purges staliniennes demeure, fut-il réduit à une allusion assez discrète: "Au bord de la place se dressent plusieurs poteaux noircis. Il paraît qu'avant, ces poteaux soutenaient un mirador. On raconte que jadis, il y a bien longtemps, à l'époque de Staline, là où est maintenant notre cité, il y avait un camp de concentration. Là où nous travaillons, où nous dansons, où nous allons au cinéma, là où nous nous moquons les uns des autres et là où nous pleurons, il y avait un camp de concentration, on a de la peine à l'imaginer. Pour ma part, j'essaye de ne pas trop penser à cette époque, je la trouve trop difficile à comprendre." (pp. 107-108). Mais cela, c'est une autre histoire que Vassili Axionov a d'ailleurs contée de main de maître dans sa monumentale "Saga moscovite". Et pour l'heure, le temps est à l'insouciance et à la légèreté, et à un petit roman qui se descend tout seul par une belle journée d'été ensoleillée, comme l'un de ces petits vin rosés très secs et très frais qui accompagnent si bien les barbecues de saison...

Extrait:

"Il faisait chaud dans la salle, et l'ambiance était bonne. Je connaissais presque tout le monde, et même ceux que je n'avais jamais vus, ce soir-là, j'avais l'impression de les connaître. C'était un vrai festin dans une atmosphère surchauffée qui fleurait bon l'orange. En plus, il fallait penser à ce qui nous entourait: au sud, des centaines de kilomètres de glace et d'eau noire, au nord, des centaines de kilomètres de neige. J'ai choisi l'orange la plus belle, et j'ai tailladé sa peau pour qu'elle s'ouvre comme un bouton." (p. 217)

Un autre livre de Vassili Axionov, dans mon chapeau: "Terres rares".

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