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Dans mon chapeau...
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4 novembre 2008

En ces temps obscurs...

"Man in the Dark" de Paul Auster41Ki89prbDL__SL160_AA115_
4 étoiles

Faber and faber, 2008, 180 pages, isbn 9780571240760

Un homme est seul dans la nuit, en proie à l'insomnie. Sa fille et sa petite-fille sont allongées sous le même toit, sans doute tout aussi réveillées que lui. Leur maison est une maison endeuillée. Et pour tenir à distance le chagrin et l'horreur dans cette longue nuit solitaire, notre homme ne trouve pas de meilleure parade que de se raconter une histoire: celle d'un jeune homme ordinaire qui se voit transporté, à son corps défendant, dans une réalité parallèle où les Etats-Unis d'Amérique présentent un visage bien différent de celui que nous leur connaissons aujourd'hui. Ils sont toujours en guerre, mais cette fois avec eux-mêmes, car les états favorables à Al Gore, lors des élections présidentielles d'il y a tout juste huit ans, n'y ont pas accepté la victoire de Georges W. Bush provoquant ainsi l'éclatement du pays et des scènes d'Apocalypse dignes des pires séries B...

"Man in the Dark" nous promène constamment entre la songerie d'August Brill, puisque tel est le nom de notre insomniaque, et ses retours à une réalité pénible et douloureuse. La construction du nouveau roman de Paul Auster se révèle à cet égard assez simple et linéaire, mais aussi diablement efficace. La tension entre la médiocrité de l'histoire que se raconte August Brill et ce que nous découvrons peu à peu de sa vie réelle - il fut un critique littéraire aussi intransigeant qu'enthousiaste, et il s'est depuis quelques temps laissé entraîner par la passion de sa petite-fille pour ce que le cinéma peut offrir de meilleur, les chefs-d'oeuvre des Renoir, de Sica, Ray ou Ozu... - tire sans cesse l'attention vers l'avant. Vers une conclusion qui claque comme une gifle et qui impose presque brutalement je ne dirai pas le sens de cette fable surprenante - car c'est bien plutôt d'une absence de sens qu'il faudrait parler - mais sa cohérence.

Voici un roman qui pourrait marquer un tournant dans l'oeuvre de Paul Auster. Peut-être vers plus de simplicité et d'efficacité, ici en faveur d'un engagement manifeste car "Man in the Dark" est, entre autres choses, une prise de position politique portée à un degré d'intensité dramatique inégalé.

Extrait:

"Renoir then cuts to Gabin and Dalio running through the woods*, and I'd bet money that every other director in the world would have stayed with them until the end of the film. But not Renoir. He has the genius - and when I say genius I mean the understanding, the depth of heart, the compassion - to go back to the woman and her little daughter, this young widow who has already lost her husband to the madness of war, and what does she have to do? She has to go back into the house and confront the dining room table and the dirty dishes from the meal they've just eaten. The men are gone now, and because they're gone, those dishes have been transformed into a sign of their absence, the lonely suffering of women when men go off to war, and one by one, without saying a word, she picks up the dishes and cleans the table." (pp. 17-18)

* Dans "La Grande Illusion"

Paul Auster était l'auteur du mois de novembre 2005 sur Lecture/Ecriture

couvEn V.F: "Seul dans le noir"
traduit de l'Anglais par Christine Le Boeuf
Actes Sud, 2009, 324 pages, isbn 9782742780464

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