Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dans mon chapeau...
Dans mon chapeau...
12 mars 2009

Une petite gourmandise tout en légéreté

"La Reine des lectrices" d’Alan Bennett 51Z6hVQvXXL__SL160_AA115_
3 ½ étoiles

Denoël et d’ailleurs, 2009, 174 pages, isbn 9782207260128

(traduit de l’Anglais par Pierre Ménard)

Entre un mal de dent et un rhume qui n’en finissait pas d’en finir, une irrépressible envie de légéreté s’est emparée de moi le week end dernier. Et ce petit livre d’Alan Bennett était pile-poil ce qu’il me fallait.

On n’y croit pas tout à fait, au fond, à cette histoire où Sa Majesté la Reine d’Angleterre se prend d’une passion soudaine pour la lecture, au grand dam de son entourage. Tout ça parce qu’un hasard improbable, ou plutôt le fichu caractère de ses royaux clébards, l’avait entraînée vers le bibliobus garé près de la porte de service donnant sur les cuisines de son palais. Et parce que son incurable politesse l’avait alors amenée à y emprunter un livre.

On n’y croit pas, mais on se reconnait, un peu, beaucoup, passionnément… dans le parcours de cette lectrice qui commence par dévorer tout et n’importe quoi. S’ennuie en compagnie d’Henry James. Avant que ses goûts ne se fassent plus pointus et ne s’affirment pas à pas tandis qu’elle découvre "que chaque livre l’entraînait vers d’autres livres, que les portes ne cessaient de s’ouvrir, quels que soient les chemins empruntés, et que les journées n’étaient pas assez longues pour lire autant qu’elle l’aurait voulu" (p. 33). Avant qu’elle ne se laisse ravir par les charmes de "La recherche du temps perdu" ou du journal de Samuel Pepys. Et on craque, tout simplement, pour cette balade-plaisir au fil de la littérature anglaise surtout, mais aussi universelle.

C’est gentîment irrévérencieux, drôle, bien rythmé et enlevé. Ça se lit tout seul, en deux coups de cuillère à pot. C’est une gourmandise sans prétention, délicieusement légère. Et c’est la prescription-miracle pour soigner les petits coups de fatigue et de morosité de cette fin d’hiver!

Extrait :

"Elle n’avait pas réellement eu l’intention d’emprunter un autre livre mais songea que c’était sans doute préférable, étant donné qu’elle se trouvait là. Pourtant, en regardant les étagères, elle se sentait aussi démunie que la semaine précédente et ne savait pas lequel choisir. La vérité, c’est qu’elle n’avait pas vraiment envie d’un livre – et surtout pas d’un autre Ivy Compton-Burnett, dont la lecture était décidément trop fastidieuse. Mais elle eut de la chance, cette fois-ci, et son regard tomba sur La poursuite de l’amour de Nancy Mitford. Elle s’empara du volume.
- Tiens donc… Ne s’agit-il pas de la femme dont la sœur a épousé ce Horsley ?
Mr Hutchings lui confirma ce point.
- La belle-mère de son autre sœur était ma dame d'honneur, en charge de ma garde-robe.
- J’ignorais ce détail, Madame.
- Une autre de ses sœurs a eu cette pitoyable histoire avec Hitler. Sans parler de celle qui est devenue communiste. Je crois qu’il y en avait encore une autre… Mais c’est bien Nancy qui a écrit ce livre ?
- Oui, Madame.
- Bien.
Il était rare qu’un roman présente un tel réseau de relations et cela eut le don de rassurer la reine. Ce fut donc avec une certaine confiance qu’elle tendit l’ouvrage à Mr Hutchings, afin qu’il le tamponne. "
(pp. 20-22)

Publicité
11 mars 2009

"Réveille-moi très tôt demain..."

Réveille-moi très tôt demain,
Mère, ma patiente mère,
Je sortirai sur le chemin,
Pour l'accueillir ainsi qu'un frère.

Hier, j'ai vu, là, dans le pré,
Les traces de son attelage,
Et sa douga de bois doré
Oscille au vent sous les nuages.

Comme un croissant sur les buissons
Sa chapska luit, tout chante et bouge;
La jument danse à l'unisson
Secouant sa queue aux crins rouges.

Réveille-moi demain très tôt!
La lampe, il faut que tu l'apprêtes;
On dit que je serai bientôt
En Russie un fameux poète.

Je chanterai tout: l'Hôte et toi,
Le coq, le poêle et notre toit,
Et le lait de tes vaches, même,
Se répandra dans mes poèmes.

Serge Essénine, in "Anthologie de la poésie russe" - Edition de Katia Granoff, Poésie/Gallimard, 1993, pp. 417-418

Vous trouverez également, dans mon chapeau, une lecture des "Lettres à Essenine" de Jim Harrison.

Et un autre poème de Serge Essénine: ici

9 mars 2009

Flottements au fil du courant

18796123"Les méduses" de Shira Geffen et Etgar Keret,
avec Sara Adler, Noa Raban et Ma-nenita De Latorre

Une réception de mariage à Tel Aviv. Trois femmes se croisent, s'effleurent à peine, sans même que l'une remarque les deux autres. Keren, la mariée qui se casse malencontreusement la jambe au cours de la soirée, et se voit donc contrainte de renoncer à sa lune de miel dans les Caraïbes. Batia, une des serveuses. Et Joy, qui est venue des Philippines, où elle a laissé son petit garçon, pour travailler en Israël comme aide familiale.

Les destins de ces trois femmes ne cesseront plus de se croiser sans pour autant se rencontrer, entraînées au fil du courant, tout au long de la petite heure et demie de ces "Méduses" qui furent couronnées par la caméra d'or au festival de Cannes en 2007. Le temps d'une brève immersion dans les petits mondes personnels de ces femmes, leurs doutes, leurs incertitudes et leurs flottements face à une vie qui n'est pas ce qu'elles voudraient qu'elle soit. Le temps d'un film insolite, décalé, poétique et touchant. Une jolie découverte à porter au crédit de la programmation cinéma du dimanche soir sur Canvas...

Vous trouverez également, dans mon chapeau, un billet consacré à "Crise d'asthme", recueil de nouvelles d'Etgar Keret.

8 mars 2009

Pèlerinage au bord du canal d’Ille-et-Rance

"Le Chemin des écluses", suivi de "Gueules de fort" 316hYjAW8qL__SS500_
de Lionel Bourg
4 ½ étoiles

Folle Avoine/La petite bibliothèque, 2008, 59 pages, isbn 9782868101846

Au bord du canal d’Ille-et-Rance, la villa Beauséjour, maison de la poésie de Rennes, accueille depuis quelques années des écrivains en résidence. Au printemps 2007, ce fut le cas de Lionel Bourg qui en a ramené ce "Chemin des écluses", récit précis et même méticuleux de ses promenades au long du canal et dans ses environs. Des promenades qui se muent insensiblement en un pèlerinage littéraire et poétique, sur les traces de Chateaubriand, Victor Segalen, Henri Thomas ou René-Guy Cadou, et partant en une méditation sur le temps qui passe, la vie, la mort, l’amour et ce que la poésie peut diable venir faire au milieu de tout cela : "Serait-ce donc ça, la poésie, ce qui cruellement nous manque ?
La frappe, et la scansion, douce, brutale, de ce défaut, ou comme aux veines des poignets le pouls sectionné de l’absence."
(p. 48)

Un second texte plus bref, "Gueules de fort", vient compléter cette plaquette par une évocation des tableaux d’Elice Meng, inspirés par les ouvriers – prisonniers, forçats… - qui construisirent le fort de Saint-Père, et dont beaucoup perdirent la vie dans ces grands travaux inutiles, offrant ainsi un prétexte à une nouvelle réflexion sur le rôle de l’art : ranimer des souvenirs occultés, et rendre justice aux exclus et aux oubliés…

Bien loin de se limiter à offrir un reflet des circonstances de leur création, "Le Chemin des écluses" et "Gueules de fort" se prêtent à de multiples relectures, suscitant de nouveaux échos, de nouvelles résonances à chaque redécouverte. Dans leur beauté aussi austère qu’insaisissable, et leurs épaisseurs de sens superposées de l’expérience immédiate aux détours de la mémoire la plus lointaine, ces deux textes se révèlent en fait propices à des explorations sans fin.

Extrait :

"Comment écrire, après ça ?
Comment s’acquitter de cette tâche ou, villa Beauséjour, dans l’appartement mis à ma disposition, tracer à l’intérieur de mes carnets autre chose que les phrases crayeuses, qui s’ébrèchent lorsque le temps ou l’inexpiable durée qu’elles réclament ne les étaie plus, les abandonnant à la friabilité, l’indigence d’une pensée, d’un monde, même, qu’elles drapaient autrefois, auquel elles aspiraient du moins, et comment l’assouvir,
Elle est retrouvée !
Quoi ? L’éternité.
Après tant d’échecs, tant d’itinéraires absurdes aux confins du langage, l’exigence, en soi, de ce que l’on suppose être encore la mer, le soleil, la poésie ?" (p. 41)

D'autres extraits, dans mon chapeau: ici et .

7 mars 2009

Deux femmes que tout oppose

"Mary Stuart" de Friedrich Schiller,
dans une mise en scène de Stuart Seide - une production du Théâtre du Nord

Théâtre Royal de Namur, le 5 mars 2009

Mary Stuart, reine d'Ecosse, et Elisabeth 1ère, reine d'Angleterre. De ces deux cousines que tout opposait, leur religion comme leur conception du pouvoir, de leur rôle de reine ou de leur vie de femme, la seconde retînt la première captive pendant vingt ans avant de la faire décapiter.

Dans le destin tragique de la reine d'Ecosse, Friedrich Schiller trouva la matière d'une pièce qui prend à vrai dire quelques libertés avec l'histoire. Un drame dont Stuart Seide livrait ici une lecture à mes yeux intemporelle bien plus qu'actuelle: la vision d'une oeuvre qui fascine par sa rigueur formelle, sa construction dramatique et la musique de ses mots, si elle ne parle pas aux spectateurs d'aujourd'hui comme d'autres grands classiques du répertoire dramatique.

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre du Nord

Et sur le site du Théâtre Royal de Namur

Publicité
3 mars 2009

Eveil sensuel

18680451"Lady Chatterley" de Pascale Ferran,
avec Marina Hands, Jean-Louis Coulloc'h et Hippolyte Girardot

La Une-RTBF m'a donné l'occasion de revoir ce lundi soir ce beau film de Pascale Ferran, adaptation de la deuxième version du fameux roman de David Herbert Lawrence, un film que j'avais découvert il y a deux ans, lors de sa sortie en salle.

Et ce fut une petite déception. Non que la qualité du film soit en cause, car il s'agit bien, comme dans mon souvenir, d'une peinture frémissante de l'éveil de la sensualité d'une jeune femme merveilleusement incarnée par Marina Hands. Mais parce que "Lady Chatterley" est un de ces films dans lesquels il faut pouvoir se baigner, se laisser véritablement imprégner par les images et les atmosphères. Et qui, pour cette raison-même, supporte particulièrement mal le passage du grand au petit écran. A voir absolument, mais au cinéma!

2 mars 2009

Une inquiétante volonté de pouvoir

"L'école des femmes" de Molière,
avec Daniel Auteuil dans une mise en scène de Jean-Pierre Vincent

Théâtre Royal de Namur, le 28 février 2009

On ne présente plus "L'école des femmes", et le portrait d'une drôlerie féroce que Molière y livre d'un homme - Arnolphe - si soucieux de n'être point cocu qu'il entreprend de dresser sa future épouse - la jeune Agnès - à une soumission parfaite. Incarnant ici ce vieux barbon, Daniel Auteuil nous en propose une image bien plus inquiétante, dans sa volonté de pouvoir et de contrôle absolu, qu'elle n'est ridicule. Alors même que certaines scènes, en particulier celles réunissant Arnolphe et son jeune rival, se révélaient bel et bien à mourir de rire.

Un très beau moment de théâtre. Et un classique que l'on ne se lasse pas de voir et de revoir.

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre Royal de Namur

Publicité
<< < 1 2
Dans mon chapeau...
Publicité
Archives
Publicité