Un homme engagé, et d'une curiosité hors du commun
"Emile Gallé, le magicien du verre" de Philippe Thiébaut
3 ½ étoiles
Gallimard/Découvertes, 2004, 128 pages, isbn 9782070301324
Né en 1846 dans une famille de commerçants – propriétaires d'un magasin de porcelaines -, Emile Gallé devait s'imposer comme un des grandes figures de l'industrie nancéienne, bien sûr comme maître verrier, dans la droite ligne de la tradition familiale, mais aussi – et plus largement – comme l'un des principaux artisans de l'essor que l'Art Nouveau, et les arts décoratifs, devaient connaître dans la ville du duc Stanislas au tournant du XIXème et du XXème siècles.
Emile Gallé, Vase à décor de primevères (détail), Collection particulière (p. 67)
La - bonne – biographie que lui consacre Philippe Thiébaut dans la collection Découvertes des éditions Gallimard rend certainement justice à ce chef d'entreprise qui sut toujours s'entourer d'excellents collaborateurs pour maintenir un haut niveau de qualité artistique tout en diversifiant à bon escient ses activités, créant notamment de nouveaux ateliers d'ébénisterie et de marqueterie.
Emile Gallé, "L'ébénisterie", panneau de marqueterie ornant le buffet des métiers, Musée de l'Ecole de Nancy, Nancy, (p. 37)
Mais Philippe Thiébaut fait plus encore en nous donnant à découvrir un homme doté d'une curiosité hors du commun, grand lecteur, passionné de sciences naturelles et tout particulièrement de botanique – le monde végétal fut sans contestation possible l'une de ses principales sources d'inspiration – et surtout un homme engagé dans les grands débats sociaux et politiques de son temps. Chef d'entreprise soucieux du sort de ses employés, au point de ne pouvoir se résoudre à procéder à des licenciements, ainsi que le constatait son épouse, dans une lettre qu'elle lui adressait dans la foulée de la grande exposition universelle de 1900 - "J'ai bien peur que tu ne puisses jamais te résoudre à faire des économies dans notre affaire. Autant tu mettras d'entrain à augmenter, à entreprendre, autant l'idée de réduire te sera antipathique" (pp. 52-53) –, Emile Gallé fut aussi un dreyfusard convaincu, ce qui lui valut quelques inimitiés tenaces dans la très conservatrice Lorraine française de la fin du XIXème siècle.