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Dans mon chapeau...
Dans mon chapeau...
16 juin 2012

Où la distanciation l'emporte...

"Cherokee" de Jean Echenoz313VYTBYYTL__SL500_AA300_
3 étoiles

Les éditions de minuit, 1983, 247 pages, isbn 2707306533

"Un jour, un homme sortit d’un hangar. C’était un hangar vide, dans la banlieue est. C’était un homme grand, large, fort, avec une grosse tête inexpressive. C’était la fin du jour.
L’homme était vêtu d’un pull-over tricoté à la main, à rayures jaunes et rouges, sous un imperméable en feuille plastique souple, opaque, avec des côtes impressionnées imitant un tissage gabardine. Un petit chapeau de pluie s’étalait comme un petit poisson plat sur le sommet de son crâne. Il venait de dormir cinq heures d’affilée au fond du hangar, et maintenant il marchait en jetant de fréquents regards à gauche, à droite, derrière lui. Il se méfiait. Il avait volé la veille une somme importante, il craignait d’être reconnu, il ne voulait pas qu’on l’arrête; il ne voulait pas qu’on lui reprenne l’argent.” (p. 7)

 Comment prendre au sérieux un voleur qui se cavale avec un poisson plat sur le sommet du crâne? Cela commençait bien, et tout, dès le début de ce roman couronné par le prix Médicis en 1983, était dans la manière, le ton tout à la fois distancié et teinté d’une ironie légère. Faux polar qui ne se prend jamais au sérieux,  “Cherokee” distille un charme, une petite musique séduisant. Il y flotte dans l’air quelques standards de jazz. Et l’on y croise tour à tour des privés, un perroquet volé, un charmant dilettante, une femme fatale et un cousin malveillant... Mais las!, au fil de cette histoire aux détours aussi imprévisibles qu’invraisemblables, c’est la distanciation qui l’emporte. Sur la distance, le plaisir du jeu ne suffit pas à  retenir l’attention. Et l’on se déprend insensiblement de ce qui finit par s’imposer comme un exercice de style quelque peu stérile, fut-il mené avec un brio incontestable qui méritait sans doute bien un prix littéraire...

 Du même auteur, j’avais vraiment préféré “Ravel” où toute l’inventivité, la distanciation et le sens du jeu déjà présents dans “Cherokee” se trouvent mis au service d’une véritable histoire, et d’émotions plus vraies.

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6 juin 2012

Noir de noir, et d'en remettre une bonne couche!

"Sukkwan Island" de David Vann5189Ko9xNSL__SL500_AA300_
2 étoiles

 Audiolib, 1 CD MP3, lu par Thierry Janssen, isbn 9782356412386

 (traduit de l’Anglais par Laura Derajinski)

On a déjà tellement parlé de “Sukkwan Island” qu’il n’est certainement plus nécessaire de présenter ce livre, sinon brièvement. Un père et son fils partent donc s’installer dans une cabane, isolée sur une île perdue au large de l’Alaska. Les signaux d’alerte se multiplient d’entrée. Ça commence très mal. Ça se termine infiniment plus mal encore... Et "ça" s’est attiré un concert de louanges unanimes – ou presque – auquel je ne joindrai pas ma voix.

C’est que du début de la deuxième partie à la toute dernière phrase, je n’ai pas pu me défendre de l’impression lancinante que David Vann ne savait tout simplement plus comment continuer ni surtout conclure un roman qui nous avait offert jusque là une analyse fine encore que cruelle de la tension psychologique qui s’était instaurée entre le père et le fils. De ce moment de basculement entre la première et la deuxième partie du livre, on quitte ce qui était une dissection acérée et impitoyable des comportements et des âmes pour tout le gore et la noirceur d’une mauvaise série B, dans ce que le genre peut avoir de plus nauséeux. Du reste, il est bien difficile de croire au personnage du père car il en fait tant – pousser la sombre crétinerie à ce point-là, vraiment ? Et geignard à un point pas permis! - qu’il en devient impossible d’éprouver pour lui la plus petite trace de sympathie ou d’intérêt. Et plus encore, il m’est totalement impossible de croire, même une seconde, qu’une mère saine d’esprit et les deux pieds sur terre – ce qui semble bien être le cas de la mère de cette histoire – ait pu laisser son fils à peine adolescent s’embarquer dans une telle aventure en compagnie d’un ex-mari dont elle semble du reste avoir bien mesuré les défaillances. ÇA, non, franchement, je n’y crois pas une seule seconde!

Une mauvaise série B, je vous le disais, nauséeuse et invraisemblable. La deuxième partie de “Sukkwan Island” gâche irrémédiablement ce que la première pouvait avoir de qualités. Quant à la nature sauvage de ce Grand Nord américain qui était supposée à tout le moins servir de décor à ce roman, il n’en reste rien, disparue, noyée dans toute la noirceur et la sanie de cette sombre histoire: sombre histoire, oui, sombre comme l’on peut dire de son personnage principal qu’il est un sombre crétin. Et si je n’ai pas abandonné avant la fin ce livre que j’ai écouté lire - et non pas lu -, le mérite en revient sans aucun doute à l’interprétation sobre, et pour sa part irréprochable, de Thierry Janssen.

Dans mon chapeau...
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