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Dans mon chapeau...
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13 novembre 2011

Ni avec toi, ni sans toi

"Le répit" d’Hélène Lenoir416DW9MB3XL__SL500_AA300_
4 étoiles

Les éditions de minuit, 2003, 126 pages, isbn 2707318159 
 
Un répit. Deux semaines de tranquillité. C’est ce temps pendant lequel son épouse Véra séjourne chez leur fils Ludo, marié et installé en Finlande, que le narrateur du roman d’Hélène Lenoir pensait mettre à profit pour réaliser quelques travaux dans leur maison. Mais Véra a été victime d’un malaise. Des examens ont permis de déceler un problème cardiaque. Et Ludo paniqué de sommer son père – son père qui souffre d’une véritable phobie des voyages – de se précipiter à Helsinki, à l’hôpital, au chevet de son épouse qu’il ne peut en fait pas plus supporter qu’il ne peut se passer d’elle. Et réciproquement.

Tout au long des deux interminables journées du périple qui conduit son héros, en train via Paris, Liège et Hambourg, vers Helsinki, Hélène Lenoir nous livre la radioscopie de trente années d’une vie conjugale orageuse. Trente années de griefs, de reproches et de frustrations derrière les apparences impeccables – et auxquelles Véra attachait une telle importance - que ce couple, incapable pourtant de se séparer, a toujours présenté au monde extérieur: des apparences qui ont leur part sans doute dans la décision du narrateur de s’embarquer dans ce voyage dont l’idée seule le révulsait. Et tout au long de cette immersion dans l’ambigüité des sentiments de son héros, où la rancoeur se mêle à la lassitude, à l’inertie, sans doute aussi à la peur du changement et à un besoin qui ne dit pas son nom, on ne peut qu’admirer la maîtrise déployée par l'auteur, l’acuité de son regard et l’élégance de sa plume qui ne nous épargnent rien des tempêtes de la vie conjugale de Véra et de son époux tout en évitant de sombrer dans un grand déballage sordide. Maîtrise, vraiment, est le mot-clé pour décrire la réussite incontestable de ce beau roman, tendu et amer comme un café très serré.

Extrait:

"S’il prend le train et le bateau, en espérant qu’il acceptera au moins de prendre le ferry, mais tel que je le connais, il essaiera de suivre le plus possible la voie de terre, ces phobies qu’il a, c’est très ancien, c’est pour ça qu’il n’est jamais venu nous voir, pas moyen de le faire bouger, même pour notre mariage... Ma mère en a beaucoup souffert et puis elle a fini par le prendre au mot parce qu’il lui répétait qu’elle n’avait qu’à s’en aller sans lui, qu’il serait content au contraire qu’elle s’arrête de se croire obligée de lui sacrifier ses désirs de voyage, de lui faire constamment des reproches ou d’accumuler les ruses, plusieurs fois par an, elle ne pouvait pas s’en empêcher, l’aguichant, minauderies, caresses, si tu m’aimes vraiment, juste pour une fois, pour notre anniversaire de mariage, ce serait mon plus beau cadeau... Et toutes ces simagrées sous prétexte qu’ils étaient mariés et que c’était normal de faire ces choses-là en couple, sortir, partir, en couple, dehors, se montrer ensemble, c’était très important pour Véra, alors que dedans, ce qui se passait dedans... et ce bien avant qu’elle ne se mette à voyager, à sortir sans lui et sans gêne, sans arrière-pensée, se rendant vite compte qu’elle profitait cent fois plus de ces moments passés avec d’autres depuis qu’il ne l’accompagnait plus, grincheux, taciturne, bâillant ou regardant impoliment sa montre... mais à cette époque-là, refuser de se rendre à une invitation avec Véra déclenchait des drames, des scènes étalées sur plusieurs jours, à cette époque-là il ne supportait pas les châtiments qu’elle lui infligeait et notamment l’abandon du lit conjugal pendant presque un mois une fois." (pp. 9-10)

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