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Dans mon chapeau...
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18 janvier 2011

Un destin au piège des coïncidences

"Barabbas" de Pär Lagerkvistimg214657
4 étoiles

Roman, Stock, 1962, 207 pages, sans isbn

(traduit du Suédois par Marguerite Gay et Gerd de Mautort)

"A chaque fête, le gouverneur avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que demandait la foule. Ils avaient alors un prisonnier fameux, nommé Barabbas. Comme ils étaient assemblés, Pilate leur dit: Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas, ou Jésus, qu'on appelle Christ? Car il savait que c'était par envie qu'ils avaient livré Jésus. Pendant qu'il était assis sur le tribunal, sa femme lui fit dire: Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste; car aujourd'hui j'ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. Les principaux sacrificateurs et les anciens persuadèrent à la foule de demander Barabbas, et de faire périr Jésus. Le gouverneur prenant la parole, leur dit: Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche? Ils répondirent: Barabbas. Pilate leur dit: Que ferai-je donc de Jésus, qu'on appelle Christ? Tous répondirent: Qu'il soit crucifié! Le gouverneur dit: Mais quel mal a-t-il fait? Et ils crièrent encore plus fort: Qu'il soit crucifié! Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l'eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit: Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. Et tout le peuple répondit: Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants! Alors Pilate leur relâcha Barabbas; et, après avoir fait battre de verges Jésus, il le livra pour être crucifié." (Matthieu, 27, 15-26)*

C'est là tout ce que la postérité a retenu de Barabbas, criminel grâcié par Ponce Pilate alors même qu'un certain Jésus de Nazareth était envoyé au supplice. Et s'engouffrant près de vingt siècles plus tard dans la brèche ainsi laissée ouverte, Pär Lagerkvist l'imagine comme un homme aux prises avec un destin mystérieux. Un homme qui ne s'est jamais véritablement converti mais dont un hasard étrange n'a pourtant pas cessé d'entrecroiser la trajectoire avec celles des premiers chrétiens et tout particulièrement de l'apôtre Pierre, jusqu'à le clouer lui-même sur une croix lors des persécutions qui suivirent le grand incendie de Rome, sous le règne de l'empereur Néron.

Enthousiasmé par sa découverte de "Barabbas", lors de sa première publication française, André Gide avait pu écrire que Pär Lagerkvist s'était "maintenu sans défaillance sur cette corde raide tendue à travers les ténèbres, entre le monde réel et celui de la Foi" (p. 12). C'est là un jugement auquel le lecteur du XXIème siècle, peut-être devenu plus sceptique, pourrait ne plus souscrire, trouvant chez Barabbas, sinon une foi qui refuserait de dire son nom, du moins une part de ce merveilleux qui traverse aussi l'oeuvre de Selma Lagerlöf, et notamment le diptyque formé par "Jérusalem en Dalécarlie" et "Jérusalem en Terre Sainte" dont le héros, Ingmar Ingmarson, se voit guidé tout au long de son périple par d'étonnantes coïncidences. Mais ce merveilleux n'est du reste pas sans charme, et il emporte d'autant mieux l'adhésion que l'extrême économie et la maîtrise avec lesquelles Pär Lagerkvist mène son récit ne sauraient laisser insensible.

*  source: http://www.campuslive.ch/lausanne/Bible/

4154j_NSFAL__SL160_AA115_Pour une édition plus récente: Stock/La cosmopolite, 2008, isbn 9782234061743, toujours dans la traduction française de Marguerite Gay et Gerd de Mautort.

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Commentaires
D
Acheté sur un coup de tête parce que je n'avais jamais rien lu de cet auteur je l'ai relégué au fond de mes rayons, manifestement c'est un tord et ce billet me le fait apparaitre sous un jour nouveau merci
E
Remarquable livre si je me souviens bien.Il y a si longtemps que je l'ai lu.Un souvenir de mon père,qui me tient à coeur,en Livre de Poche.Le film de Richard Fleischer est très honorable.
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