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Dans mon chapeau...
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7 novembre 2009

La loi du silence

"A chacun son dû" de Leonardo Sciascia51brUYknXBL__SL160_AA115_
4 étoiles

Denoël et d’ailleurs, 2009, 156 pages, isbn 9782207258293 

(traduit de l’Italien par Jacques de Pressac)

Personne, rigoureusement personne, n’avait pris la chose au sérieux lorsque le pharmacien du village a reçu une lettre le menaçant de mort. Et pourtant... Quelques jours plus tard, à l’ouverture de la chasse, le pharmacien, et le docteur qui l’accompagnait, ont trouvé leur fin, tous deux assassinés.

L’enquête - bien sûr, et pourrait-il en aller autrement dans la Sicile de Leonardo Sciascia? – ne tarde pas à s’enliser: trop peu d’indices, et aucune piste sérieuse dans ce polar qui n’en est pas vraiment un. Les recherches, en fin de compte, y sont menées par un limier amateur d’une naïveté à faire frémir, et le suspense tient bientôt tout entier à la crainte que le lecteur éprouve pour la survie du détective en herbe plutôt qu’à la résolution de l’énigme du meurtre initial.

Le propos de Leonardo Sciascia, sans doute, est ailleurs: dans l’implacable constat d’une société gangrénée par les trois états qui y exercent leur pouvoir occulte : une église viscéralement attachée à ses privilèges d’un autre temps, une bourgeoisie soucieuse, avant toute chose, de préserver les apparences, et last but not least, le réseau secret, crapuleux et prêt à tout, des criminels en col blanc. Bien plus qu’une enquête policière, "A chacun son dû" apparaît dès lors comme la démonstration de tout le poids et de toute l’horreur de la seule loi incontournable, si non écrite, de la société sicilienne - la loi du silence -, démonstration menée tambour battant et d’un ton caustique qui ne va pas sans une réelle drôlerie mais qui n’en reste pas moins en définitive d’une noirceur absolue.

Extrait:

"Qu’un crime s’offre aux enquêteurs comme un tableau où les éléments matériels et, pour ainsi dire, stylistiques consentent, s’ils sont finement repérés et correctement analysés, à une parfaite distribution des rôles, c’est la règle dans tous ces romans policiers dont s’abreuve une bonne partie de l’humanité. Mais dans la réalité il en va autrement: les coefficients d’erreur et d’impunité sont élevés non pas (ou pas seulement, ou pas toujours) à cause de l’intelligence un peu faible des enquêteurs, mais parce que les indices fournis par le crime lui-même sont d’ordinaire tout à fait insuffisants. Dans un crime, s’entend, commis et organisé par des gens qui font tout pour contribuer au maintien d’un haut coefficient d’impunité.

Les éléments qui conduisent à résoudre le problème d’un crime présentant un caractère de mystère ou de gratuité sont la confidence qu’on peut qualifier de professionnelle, la délation anonyme, le hasard. Et un peu, un peu seulement, la subtilité des enquêteurs." (p. 58)

Un autre extrait de "A chacun son dû", dans mon chapeau: "Le jour des morts"

D'autres livres de Leonardo Sciascia sont présentés sur Lecture/Ecriture.

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Commentaires
E
Je n'ai pas lu ce livre mais plusieurs autres de Sciascia,1912+1,Une histoire simple,Le Conseil d'Egypte.Elio Petri et Gian Maria Volonte ont adapté A chacun son dû(Cinéma d'Italie si vous le voulez).
Dans mon chapeau...
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