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Dans mon chapeau...
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28 février 2009

Visages de l'Est

preview20080399"Rhizome oriental", photographies de Philippe Herbet

Ecrivain et photographe, Philippe Herbet a ramené d'un périple au long des rives de la Mer Noire l'album d'une quête tout à la fois de ses racines familiales et d'une certaine féminité, élégante et sophistiquée.

Ce sont justement quelques feuillets de cet album, textes et photos, qui nous sont proposés dans le cadre de l'exposition organisée dans l'amphithéâtre du Théâtre Royal de Namur qui se referme aujourd'hui, 28 février. C'est beau. Mystérieux. Mais cela ne suffit pas pour nous permettre de rentrer dans l'univers de l'artiste, nous laissant avec le sentiment - un peu frustrant - d'être resté coincé sur le pas de la porte...

La présentation de l'exposition sur le site du Théâtre Royal de Namur.

Le site de Philippe Herbet.

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27 février 2009

Femme en perdition

"Quai des Grands-Augustins" de Jean Rhys310121906391
5 étoiles

Gallimard/Folio, 1981, 219 pages, asin B0014LBROC

(traduit de l’Anglais par Jacques Tournier)

Au sortir de l’adolescence, Julia Martin a choisi de fuir sa famille et une vie conventionnelle. Elle s’est mariée contre leur gré, a eu un enfant qu’elle a perdu, a quitté son mari et vécu plus ou moins aux crochets d’amants successifs… Et au moment où nous faisons sa connaissance dans un modeste hôtel du Quai des Grands-Augustins, sa dernière rupture – avec un certain Mr Mackenzie -, l’a laissée comme cassée, sans force pour continuer sa route.

Au cours d’un bref séjour en Angleterre et d’une tentative avortée de renouer avec sa famille, puis d’un nouveau retour à Paris, nous partageons la vie d’une femme de plus en plus perdue, amère et endurcie d’une certaine façon sans que cela la protège des nouveaux coups du sort qui ne cessent de la frapper. Une femme dont l’âge commence à se marquer, dont les traits se fanent petit à petit, inéluctablement, ainsi que le constate d’ailleurs, sans pitié, son amant du moment : "La façon dont ce visage trahissait sa fatigue et son âge fascinait Mr Horsfield. C’était étrange d’imaginer l’existence d’une femme comme elle. De chercher quel genre d’image elle se faisait d’elle-même – lorsqu’elle se regardait dans une glace, par exemple. Où trouvait-elle la force de survivre, sinon dans quelques illusions déchirantes qu’elle était obligée d’entretenir savamment ? Se voyait-elle encore jeune, encore mince, encore capable de tout, persuadée qu’elle restait éternellement la même – par une sorte de miracle – alors que tout vieillissait autour d’elle ?" (p. 102). Une femme qui, doucement, lâche prise et dont Jean Rhys retrace le parcours au fil d’un texte dense et dépouillé, dépourvu de toute complaisance comme de tout pathos.

Je ne sais qu’ajouter qui ne reste de toute façon bien en-deçà de ce que j’ai éprouvé à la lecture de "Quai des Grands-Augustins". Et je crois qu’un texte d’une telle qualité parle si bien par lui-même qu’il se passe de longs commentaires. Mais force m’est pourtant de constater que mon admiration pour l’œuvre de Jean Rhys va croissant à chaque nouvelle rencontre avec un de ses livres. Voilà bien un auteur cantonné dans une discrétion imméritée et qui est à (re)découvrir!

Extrait :

"La tristesse de Julia n’était pas constante. Lorsqu’elle se calfeutrait dans sa chambre – au moment même où elle se calfeutrait dans sa chambre – elle avait l’impression d’être hors de danger. Elle lisait, la plupart du temps.

Mais certains jours elle commençait à réfléchir. La monotonie de son existence volait alors en éclats. Elle se mettait à avoir peur. Elle ne pouvait plus tenir en place. Il fallait qu’elle fasse les cent pas dans sa chambre, et la haine la dévorait. Haine qui s’adressait à tout l’univers ; à tous ceux qui y vivent – plus particulièrement à Mr Mackenzie. Elle parlait souvent tout haut, en marchant ainsi dans sa chambre.

Elle se sentait ensuite atrocement fatiguée. Elle s’allongeait sur son lit, restait longtemps immobile. Une rumeur montait peu à peu autour d’elle – rumeur venue de l’extérieur, qui lui rappelait le bruit de la mer." (p.12)

D'autres livres de Jean Rhys, dans mon chapeau: "L'Oiseau moqueur et autres nouvelles" et "Wide Sargasso Sea".

25 février 2009

"In the bleak midwinter" (3)

Cadrer une photo, c'est parfois mentir par omission. On ne le voit pas, mais ce minuscule bout de campagne est en fait en pleine ville, entre le lycée et les voies de chemin de fer...

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Louvain-la-Neuve (Cliché Fée Carabine)

"In the bleak midwinter" (1) et (2)

24 février 2009

Derrière les masques...

"Princesse Turandot" de Carlo Gozzi,
dans une mise en scène de Dominique Serron avec l'Infini-Théâtre

Théâtre Royal de Namur, le 14 février 2009

Dominique Serron et sa troupe de l'Infini-Théâtre se sont fait connaître par des spectacles qui démontent les codes du théâtre. J'avais ainsi vu et apprécié il y a quelques années déjà leur production - déstabilisante - du "Conte d'hiver" de William Shakespeare où les comédiens échangeaient leurs rôles au fil de la pièce, obligeant le spectateur à rester perpétuellement en alerte. Avec "Princesse Turandot" de Carlo Gozzi, dramaturge vénitien contemporain de Carlo Goldoni et qui puisait son inspiration dans la tradition de la Commedia dell'arte et l'univers exotique des contes orientaux, ils retrouvaient ici un de leurs auteurs fétiches pour nous conter l'histoire de la cruelle princesse de Chine qui mettait ses soupirants en demeure de résoudre trois énigmes afin d'obtenir sa main, au risque de perdre leur tête en cas d'échec.

Et c'est là l'occasion d'une débauche d'effets surprenants mis en place avec trois fois rien: très peu d'accessoires, une gestuelle appuyée en lieu et place des expressions des visages dissimulés derrière des masques, et deux récitants qui prennent en charge l'essentiel du texte. Un vrai festival d'inventivité devant lequel on ne s'ennuie pas une seconde, mais qui m'a pourtant laissée partagée. Intriguée, oui, mais pas émue ni troublée alors qu'il me semble qu'il y aurait eu de quoi avec cette fable noire qui explore les facettes sombres du désir et de son contraire, de la répulsion et du pouvoir. Pas déçue, non, mais pas vraiment conquise...

Présentation du spectacle sur le site du Théâtre de Namur

Vous trouverez également, dans mon chapeau, un billet consacré à une autre pièce de Carlo Gozzi: "L'oiseau vert"

22 février 2009

L'annonce d'un redoux... (1)

Marchant sur le moût des feuilles en hiver,
tu entends déjà l'eau couler sous la neige.
Le nuage rose et vert dans le soleil,
les traces d'animaux d'un sapin à l'autre
t'entraînent doucement vers la vie promise
comme le courant qui dépasse la barque.

Jean-Pierre Lemaire, "L'Intérieur du monde", Cheyne, 2007, p. 41

Un autre poème de Jean-Pierre Lemaire, sur Terre de femmes: "Giotto".

Et dans mon chapeau: "Bologne"

L'annonce d'un redoux... (2)

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20 février 2009

Crépusculaire et magnifique

18984917"Two lovers" de James Gray,
avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow et Vinessa Shaw

Leonard (Joaquin Phoenix) est partagé entre la brune Sandra (Vinessa Shaw) que ses parents lui ont présentée, qui l'aime et qu'il aime vraiment bien, et la blonde Michelle (Gwyneth Paltrow) qu'il aime passionément-à-la-folie mais qui, elle, l'aime bien, tout simplement, et qui du reste n'est pas libre... Voilà un synopsis annonçant une énième variation sur le thème du triangle amoureux et de l'entre-les-deux-mon-coeur-balance, qui n'aurait sans doute pas suffi à me convaincre d'aller voir "Two lovers" si Hugues Dayez (RTBF) et Fernand Denis (La libre Belgique) ne s'étaient ligués pour lui consacrer des critiques enthousiastes... Je m'y suis donc risquée. Et quel bonheur que ce film!

Adaptant très librement un récit de Dostoïevski - "Les nuits blanches" - dont il transpose l'action à Brighton Beach, quartier populaire de New York, James Gray en propose une véritable relecture à l'égal de ce qu'avait fait Raphaël Nadjeri pour "La douce" (avec son film "The shade": très beau mais trop peu connu...). James Gray ressuscite ainsi avec une sensibilité et une intelligence rares les émotions à fleur de peau du héros de Dostoïevski. Bien loin du traintrain prévisible du mélo sentimental, "Two lovers" empoigne son spectateur dès les premières images - il faut dire que ça commence plutôt fort, et mal pour Leonard, par une tentative de suicide -, et ne le libère, le coeur aux bords des yeux, que bien après que le générique n'ait fini de défiler, sans que la tension se soit jamais relâchée dans l'intervalle.

Bien malin qui pourrait expliquer comment James Gray réussit à atteindre ce résultat, mais nul doute qu'il ait su tirer parti à merveille de toutes les facettes de son film, de la prise d'image à la bande-son (qui n'en fait pas des tonnes du côté des violons). Sans oublier les comédiens, Joaquin Phoenix en tête, qui jouent si juste que ce serait leur faire injure que de parler de leurs "performances"...

Mélancolique, tout entier baigné dans une lumière crépusculaire, "Two lovers" est surtout une méditation bouleversante sur la perte des illusions. Et, en un mot comme en cent, c'est un film magnifique.

Article de Fernand Denis, dans La libre Belgique, repris sur www.cinebel.be

Article dans The New York Times

19 février 2009

Poussée de fièvre printanière

"Les nuits blanches" de Fédor Dostoïevski51PN1KDZ2SL__SL160_AA115_
4 1/2 étoiles

Actes Sud/Babel, 1992, 102 pages, isbn 9782868698315

(traduit du Russe par André Markowicz)

Le printemps s'installe à Petersbourg, et tous les Petersbourgeois qui le peuvent quittent la ville pour les datchas des environs, laissant leurs concitoyens moins bien lotis à la solitude de la cité désertée.

C'est justement l'un de ces modestes fonctionnaires, irrémédiablement coincés en ville, que nous allons accompagner ici, tout au long de quatre belles nuits printanières. Un jeune homme solitaire à l'extrême, un rêveur qui ne trouve pas sa place dans la société des hommes, et qui par une claire nuit de printemps petersbourgeois, vole au secours d'une jeune fille poursuivie par un importun. La suite est prévisible: ils se parlent, elle l'émeut, il en tombe raide amoureux alors qu'elle en aime un autre... Et le conte de fée se révèle finalement cruel, très cruel. Tandis que la question faussement naïve que l'auteur avait posée d'entrée - "Est-il possible que, sous un ciel pareil, vivent toutes sortes de gens méchants et capricieux?" (p. 9) - débouche sur une vision du monde et des hommes qui qui n'a plus rien de naïf mais se révèle bien plutôt sombre et amère, et que la lecture de Michel del Castillo, proposée à la suite du texte de Dostoïevski, met admirablement en lumière.

Que dire de plus? Sinon que ce texte d'un jeune Dostoïevski, d'avant la condamnation à mort et le bagne, annonce déjà les ombres et les failles qu'exploreront ses grands romans. Que c'est un texte magnifique dans sa joie fébrile et son amertume. Et qu'il faut vraiment le lire!

Extrait:

"Il est on ne sait quoi d'indiciblement touchant dans notre nature de Petersbourg quand, au début du printemps, elle affirme soudain sa puissance, toutes ces forces que lui donne le ciel, se couvre de duvet, se pare, se bariole de fleurs... C'est comme sans le vouloir qu'elle me rappelle la jeune fille, maladive et fanée, que vous observez parfois avec regret, parfois avec une sorte d'amour compassionnel, ou que, parfois, vous ne remarquez même pas et qui, soudain, en un instant, comme sans faire exprès, se montre belle, mais indiciblement, merveilleusement belle, et vous, sidéré, ébloui, vous vous demandez sans le vouloir: Quelle force fait briller d'un tel feu ces yeux méditatifs et tristes? d'où vient le sang qui irrigue ces joues pâles et creusées? qu'est-ce qui inonde de passion les tendres traits de ce visage? pourquoi cette poitrine se soulève-t-elle ainsi? qu'est-ce donc qui a soudain suscité cette force, cette vie, cette beauté dans le visage de cette jeune fille, qu'est-ce qui l'a fait briller de ce sourire, se vivifier d'un rire aussi éblouissant, étincelant?..." (p. 14)

"Les nuits blanches" viennent d'être adaptées très librement - et avec bonheur - au grand écran par James Gray, sous le titre "Two lovers".

D'autres livres de Fédor Dostoïevski, dans mon chapeau: "Le petit héros" et "Le rêve d'un homme ridicule"

17 février 2009

"Le premier peintre du monde"

x196image_122223_v2_m56577569831216946Exposition Mantegna,
au musée du Louvre
Du 26 septembre 2008 au 5 janvier 2009

L'oeuvre d'Andrea Mantegna, que François d'Angoulême - le futur François 1er, à l'affut des nouveaux courants artistiques venus d'Italie et ce dès son plus jeune âge - avait qualifié de "premier peintre du monde", m'était tout compte fait peu familière, exception faite de son célèbre Christ mort (conservé à la Pinacoteca di Brera, Milan) et des tableaux qu'il avait réalisés pour le studiolo d'Isabelle d'Este (conservés au musée du Louvre).

C'est dire que la visite de la rétrospective que lui avait consacrée le musée du Louvre eut pour moi tout d'une découverte. D'autant que Giovanni Agosti et Dominique Thiébaut avaient mis les petits plats dans les grands en rassemblant non seulement une sélection impressionnante des oeuvres du peintre de Mantoue  mais aussi de ses prédécesseurs et successeurs, des peintures mais aussi des dessins et gravures , nous offrant ainsi bien plus qu'un regard sur le travail de Mantegna: une vision du monde où son oeuvre a vu le jour.

Et le moins que je puisse dire, c'est que la rencontre avec une oeuvre sans concession, âpre et austère à bien des égards, et si bien mise en valeur malgré la grande foule (dans les derniers jours d'ouverture de l'exposition, on se marchait vraiment sur les pieds) était une expérience intense. Tant d'images à absorber en quelques heures, tant d'impressions et d'émotions contradictoires, que je ne sais tout simplement pas - même quelques semaines après ma visite - par où commencer pour en rendre compte. Sinon peut-être en évoquant quelques images qui surnagent au-dessus de la mêlée. Par leur étrangeté, telle "La prière au jardin des oliviers" où une abondance de petits lapins compensent le manque d'oliviers.

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"La prière au jardin des oliviers", National Gallery (Londres) (source)

Ou encore par leur intensité dramatique et leur mise en espace, tel de le "Saint-Sébastien d'Aigueperse".

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"Saint-Sébastien d'Aigueperse", musée du Louvre (Paris) (source)

Et puis, un petit coup de coeur tout personnel, même si un peu hors-sujet, pour le portrait d'Isabelle d'Este par Léonard de Vinci que la marquise de Mantoue avait sollicité parce qu'elle n'était pas tout à fait satisfaite de son portrait peint par Mantegna...

Le site de l'exposition

Cette exposition a fait en outre l'objet d'un somptueux catalogue, dont je reparlerai plus tard...

15 février 2009

Une semaine londonienne

Je suis à Londres toute cette semaine. Mais qu'à cela ne tienne: quelques billets sont tout prêts à être mis en ligne pendant mon absence...

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"London from Greenwich Park", John Mallord William Turner, Tate Collection (Londres) (source)

14 février 2009

"Ceci ne sera pas un poème d'amour..."

Ceci ne sera pas un poème d'amour
(ni d'amitié non plus quoiqu'on en dise)

Moi je croyais la page tournée
des joues en feu, de la chamade
que bat le coeur quand il évoque
le tango de ces moments-là

Mais nous voici cu et chemise
faits l'un pour l'autre chamboulés
dans nos vies de gens comme il faut
dans nos existences respectables
dans mes désirs, dans tes manies

J'apprends à lire sur tes lèvres
Tu apprends à lire mes rêves
Et ce n'est pas non plus le poème qu'il faut
dire à voix haute en écho à ton rire
ni même brandir comme un poing
quand nous faisons l'amour
aussi justement que possible
sans préjudice ni pudeur

Et nous voici allant de stupeur en surprise
ébouriffés brûlés comme par une flamme
qu'on attendrait partout sauf en cette région
tempérée où le coeur se méfie

Et nous voici chacun de chaque côté
d'une frontière que nous traçons ensemble
à mesure que nous avançons
et qui ne reconnaît ni la guerre ni la paix
niant que ceci soit un poème d'amour
(ni d'amitié quoiqu'on en dise)

Karel Logist, "Si tu me disais viens et autres poèmes", Editions Ercée, 2007, pp. 41-42

D'autres poèmes de Karel Logist, dans mon chapeau: "Hier, tu ne savais pas quoi faire de ta colère..." et "La vie au lendemain de ma vie avec toi..."

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